La Vérité qui est en moi
de
Julie Berry
"Nous sommes venus ici par bateau, toi et moi.
J'étais un bébé sur les genoux de ma mère, toi un garçon zozotant et bouclé jouant aux pieds de la tienne tout au long de l'éprouvante traversée. [...]
Je me souviens que ma mère racontait des histoires à propos de notre odyssée, quand j'étais enfant. Maintenant, elle n'en parle plus jamais.
Elle disait que j'avais gardé les yeux grands ouverts pendant tout le voyage, à t'observer."
Dans un pays profondément puritain, Judith vit au ban de sa communauté. Quatre ans auparavant, elle a disparu avec sa meilleure amie du village de Rosewell Station. Deux ans plus tard, elle est revenue, la langue tranchée. Incapable de parler, elle s'est vu rejeter par tout le monde, y compris sa mère.
Dans le silence qui est désormais sien, retentit sa confession à son ami d'enfance. Un certain Lucas qu'elle n'a jamais cessé d'aimer et qu'elle ne parvient pas à oublier.
Je n'avais pas entendu parler de ce roman quand je l'ai commandé pour la médiathèque où je travaille. J'ai juste été attirée par l'éditeur (je ne suis jamais déçue par leur production) et par ce titre que je trouve très beau.
Au fil des pages, le lecteur va assister à l'aveu de Judith. Chapitre après chapitre, il va tout apprendre de ses pensées, ses désirs, son quotidien, le drame qui l'a frappé...
Cette vérité, elle la livre à son seul amour, le beau Lucas. Depuis son enfance, elle lui a donné son cœur et malgré les événements, elle ne peut lui retirer.
Cette structure de l'intrigue basée sur le "tu" confère un aspect très intéressant à ce roman. J'ai été quelque peu désarçonnée au début. Puis, très vite, je me suis habituée à cette musicalité, à ce tutoiement qui donne encore plus de force au récit et le rend plus intime.
A Rosewell Station, le crime de Judith a été de disparaître et de revenir muette. Avec un honneur certainement perdu. Tout le monde l'évite. Même une de ses anciennes meilleures amies. Même Lucas. Comme si elle était une pestiférée. Comme si elle avait choisi d'être enlevée. Et ceux qui ne la fuient pas tentent de profiter d'elle.
Face à ce bannissement, Judith aurait pu sombrer dans le plus grand désespoir. Mais, au contraire, elle continue de lutter pour ceux auxquels elle tient. Son statut de spectatrice discrète lui permet d'observer, d'apprendre et d'anticiper. Et elle est prête à tous les sacrifices...
Je me suis attachée à cette protagoniste atypique, forte, bouleversante. A sa voix. A ses pensées. Comme elle, je me suis prise à rêver, à espérer, à pleurer...
Ce personnage donne également l'occasion de brosser un portrait de la condition des femmes dans une société aussi puritaine. Un portrait sombre, bien entendu, d'un monde où celles qui tentent de s'écarter du chemin tout tracé le paient cher.
L'occasion pour le lecteur d'assister à quelques instants durs.
Mais ce roman offre également quelques passages très beaux. Je pense notamment à cette nuit dans la forêt. Ou à ces jeux de regards.
C'est là que réside justement une des grandes qualités de La vérité qui est moi: la faculté de Julie Berry à créer des scènes marquantes, de celles qui restent longtemps en mémoire.
De même, j'ai apprécié le dénouement, dans le sens où je ne m'attendais pas à une telle résolution de la disparition des deux jeunes femmes.
Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé vraiment un très bon moment avec ce roman et je vous en conseille la lecture.
Éditions des Grandes personnes, 2014, 315 pages