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adaptation

  • Entre les lignes

    Entre les lignes

    un film d'Eva Husson

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    30 mars 1924. Le jour de la fête des mères en Angleterre. Le soleil est radieux. Jane Fairchild, domestique chez les Niven entend profiter de la permission qui lui est accordée pour retrouver Paul, le fils des voisins. Dans la lumière mordorée d'un manoir déserté, ils s'aiment. Clarté de ces instants partagés.
     
    Puis, surgissent d'autres bribes de l'existence de Jane devenue autrice. Comme autant de morceaux de puzzle qui ramènent à ce fameux 30 mars. 
     
    J'avais lu le Dimanche des mères de Graham Swift dont ce film de 2021 est l'adaptation. Et je n'en gardais aucun souvenir. Aussi, je me suis laissée porter par cette histoire. 
     
    J'ai aimé la construction narrative du scénario. Même si finalement réside là mon seul bémol concernant ce long métrage. Certains aller-retours dans le temps m'ont semblé de trop et m'ont un peu perdue. 
     
    Il est question des ravages de la guerre et de ces trous laissés par ceux qui ne sont jamais revenus. Absence aux repas. Absence dans ce futur à construite sans eux. Et ce poids qui reste sur les épaules des survivants. Continuer sans eux. 
    Mais est-ce possible quant tout pousse à entretenir le souvenir ?
    Cette problématique est très bien représentée lors de scènes d'ensemble ou lors de ces moments de confession où Tom parle de ses frères disparus dans le conflit.
     
    Il est question d'amour impossible. Entre une jeune femme abandonnée par ses parents à la naissance et un fils de bonne famille à l'avenir déjà prévu par les siens. Beauté de ces séquences entre Jane et Paul. Formidables Odessa Young et Josh O'Connor. Peu à peu, on remonte le fil de leurs entretiens. De leur rencontre à ce 30 mars.
    Il est question d'écriture et de ce qui la nourrit. Terreau de drames.
    Il est question d'élan. Dans une société sclérosée par le choc de l'après. 
     
    La caméra d'Eva Husson épouse au plus près les émotions de chacun. Elle magnifie la campagne anglaise sous le soleil. Elle donne du mouvement à la transgression de Jane laissée seule dans le manoir et souligne la solennité de cette liberté qui forcément, laissera des germes. 
     
    C'est un beau film, vraiment. En dépit de ce voyage parfois moins convaincant dans les différentes ères de Jane. Et je ne peux que vous le conseiller si vous ne le connaissez pas encore.
  • Amok, une adaptation théâtrale superbe

    Amok

    de Stefan Zweig

    adapté par Alexis Moncorgé

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    "Vous savez ce que c'est que l'amok. C'est une ivresse chez les Malais, une sorte de rage humaine, une crise de monomanie meurtrière insensée."

    Sur un paquebot en partance pour l'Europe, par une nuit de 1912, un homme se confie. Il vient de passer cinq années en Malaisie en tant que médecin.

    "Tous ceux qui viennent de ce côté font le même rêve. Mais dans cette serre étouffante, là-bas, qui échappe à la vue du voyageur, la force vous manque vite ; la fièvre – on a beau avaler autant de quinine que l’on peut, on l’attrape quand même, elle vous dévore le corps ; on devient indolent et paresseux, on devient une poule mouillée, un véritable mollusque. Un Européen est, en quelque sorte, arraché à son être quand, venant des grandes villes, il arrive dans une de ces maudites stations perdues dans les marais ; tôt ou tard, chacun reçoit le coup fatal : les uns boivent, les autres fument l’opium, d’autres ne pensent qu’à donner des coups et deviennent des brutes ; de toute façon, chacun contracte sa folie"

    La folie de cet homme, c'est une femme. Une Européenne venue dans son cabinet pour lui demander de l'aide.

    Face à son dédain, il se fait impérieux.

    Face à son impétuosité, elle se refuse.

    "Moins d'une heure après l'entrée de cette femme dans ma vie, je me jetais dans le vide. Comme un Amok."

    Débute alors une course-poursuite obsessionnelle.


    Je me souviens avoir lu cette nouvelle adolescente et avoir été frappée par le déferlement des passions, par l'implacabilité de l'amok, par la construction narrative...Aussi, quand j'ai vu qu'une adaptation était jouée au Théâtre de Poche Montparnasse, j'ai pris une place avec une de mes meilleures amies.

    Je me souviens m'être assise hier au premier rang et avoir attendu avec impatience le début, non sans un certain sentiment d'appréhension. Et si la pièce n'arrivait pas être à la hauteur de cet écrivain que je classe parmi les plus grands?

    Et puis...je me souviens que tout a commencé

    Et puis...je me souviens que je me suis perdue pendant une heure quinze dans une bulle de folie, entre la Malaisie et un paquebot, suspendue aux mots d'un comédien, seul sur scène.

    J'ai été bluffée par le travail d'adaptation qui a été opéré. Comme il doit être compliqué de transposer une œuvre aussi forte et là, on ne peut que saluer la réussite.

    Alors que dans la nouvelle, le médecin s'adressait à un autre passager. Ici, c'est le public qui se fait confident. Une manière très adroite de nous mobiliser et de nous investir encore plus en tant que spectateur. Comme si on se plongeait nous-même dans l'histoire. Comme si, d'une certaine façon, elle ne pouvait se dérouler sans nous...

    Ce n'est pas le seul procédé, bien entendu, employé par Alexis Moncorgé pour transformer ce récit. Tout en restant fidèle à la plume de Zweig, il lui donne vie.

    Une prouesse stylistique certes, mais une prouesse dramatique également!

    Quelle intensité dans son jeu! Dans ce monologue, il est un et il est multiple. Multiple dans le registre qu'il propose pour retranscrire la complexité et la richesse du personnage principal. Multiple aussi dans sa façon d 'incarner tour à tour un boy, une riche Européenne...

    Il nous fait frémir, rire, craindre, espérer, verser des larmes...Il se métamorphose sous nos yeux ébahis, il hurle, il court, il pleure...

    Un tour de force donc, sublimé par la mise en scène de Caroline Darnay, la scénographie de Caroline Mexme et les lumières de Thomas Cordé.  Une mise en scène épurée au service du texte et de l'interprétation. Quelques éléments de décors, quelques effets sonores et lumineux, quelques accessoires...

    Je n'oublierai pas pendant longtemps, dans ce noir total, cette ampoule suspendue (à la manière du Corbeau de Clouzot), qui éclaire juste le visage et oscille. Comme un mouvement perpétuel entre raison et folie, vie et mort.

    Ni cette danse...Ni ce passage dans la fumerie de l'opium avec un drap qui s'humanise sous nos yeux..Ni ce bal...Ni...

    Bref, vous l'aurez compris: courez voir Amok au Théâtre de Poche, cette pièce hallucinante et hallucinée que j'ai tout bonnement adoré. Il s'agit en plus de la première création de Chayle et compagnie dont je suivrai désormais avec intérêt les prochaines propositions artistiques!

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