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  • Vingt-quatre heures d'une femme sensible

    Vingt-quatre heures d'une femme sensible

    de

    Constance de Salm

     

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    "Lettre première

    Mercredi, à une heure du matin

    Mon amour, mon ange, ma vie, tout est trouble et confusion dans mon âme! Depuis une heure entière, j'attends, j'espère. Je ne puis me persuader que tu ne sois pas venu, que tu n'aies pas écrit au moins quelques lignes, après cette fatale soirée. Il est une heure....peut-être es-tu encore chez cette femme!..Quelle nuit je vais passer! Ah! mon Dieu! je n'ai pas une pensée qui ne soit une douleur"

    Dans la nuit, une femme se lance dans une lettre à son amant qu'elle vient de voir partir au bras d'une rivale, la trop belle Mme de B***. Puis, assaillie par mille émotions contradictoires, elle en entame une autre...Et encore une autre...Jusqu'à en rédiger quarante-six en vingt-quatre heures...

     

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    J'avais beaucoup aimé Mrs Dalloway de Virginia Woolf et Vingt-quatre heures de la vie d'une femme de Stefan Zweig, notamment en raison de l'unité de temps (une journée). Aussi, j'ai été immédiatement attirée par le titre de ce livre.

    Constance de Salm est une poétesse française née en 1767. Elle a défendu ardemment la cause féminine et tenu un brillant salon littéraire où se sont côtoyés Alexandre Dumas, Stendhal...

    En 1824, est paru son unique roman Vingt-quatre heures d'une femme sensible. Elle l'a écrit "en [s']imposant la loi de n'y pas dire un mot qui ne fût pas dicté par le sentiment ou la passion; en faisant éprouver, dans le court espace de vingt-quatre heures, à une femme vive et sensible, tout ce que l'amour peut inspirer d'ivresse, de trouble, de jalousie"

    La narratrice, qui se reconnaît dotée d'une jalousie extrême, va tenter de comprendre les raisons du silence et du départ soudain de l'homme qu'elle aime. Elle va perdre ainsi toute dignité pour trouver des réponses à ses questions (soudoyer les domestiques..)

    Le format épistolaire adopté par l'auteure me semble parfait pour restituer les différentes émotions qui traversent cette femme fortement éprise et en proie au doute. Chaque missive aux accents tragiques souligne la tension de plus en plus palpable.

    L'absence de réponse de l'objet amoureux permet au lecteur de rester dans l'obsession de l'héroïne. A chaque page, on espère, comme elle, trouver un billet de sa main.

    "Reviens à moi, mon amour, mon ange, mon seul bien ! Reviens, je t'en conjure. Cette femme t'a séduit, je le vois; tu n'auras pu résister"

    On tourne les pages jusqu'au dénouement final. J'avoue avoir été surprise par celui-ci. Puis, j'ai compris en lisant la postface que Constance de Salm l'avait voulu ainsi afin de donner une leçon morale.

    J'ai trouvé la prose très élégante. Mais je n'ai pas réussi à complètement compatir avec le personnage principal. Sans doute parce que j'ai pensé que parfois, elle allait trop loin à partir d'indices trop minces.

    Bref, vous l'aurez compris: un court roman épistolaire intéressant autour de la passion et de ses ravages qui a sans doute influencé de nombreux auteurs tels Stefan Zweig. Mais, même si je l'ai lu d'une traite, je reste sur un sentiment de légère frustration.

    Editions Phébus, 2007, 189 pages

    Ma note: 15/20

     

     

     

     


  • Certaines n'avaient jamais vu la mer

    Certaines n'avaient jamais vu la mer

    de Julie Otsuka

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    "Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes."

    Ainsi débute le récit de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXème siècle pour épouser des compatriotes installés sur le sol américain et choisis par correspondance. Elles aspirent toutes à une vie meilleure. Et c'est après une éprouvante traversée qu'elles vont rencontrer pour la première fois celui dont leur futur dépend.

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    Parmi les ouvrages de la rentrée littéraire, j'ai immédiatement remarqué la superbe couverture de Certaines n'avaient jamais vu la mer. Et j'ai eu très vite envie de me plonger dans ces pages.

    Julie Otsuka avait fait une entrée remarquée dans le monde des lettres avec son premier roman Quand l'empereur était un dieu, inspiré de la vie de ses grand-parents et qui traitait d'un sujet rarement abordé: celui des camps d'internement des Japonais aux Etats-Unis suite aux évènements de Pearl Harbor. Cette fois-ci, pour sa deuxième création, elle s'est attaquée au destin de ces nombreuses Japonaises mariées sur catalogue et contraintes à l'exil.

    Ce qui m'a frappé tout d'abord, c'est le style utilisé par cette auteure. A la fois poétique et sobre.

    Le choix de ce "nous" omniprésent, "à la façon d'un choeur antique" comme le souligne la 4ème de couverture, confère une force surprenante à ce court récit.

    Les phrases de ce collectif s'enchaînent, se superposent...nous laissant toujours l'esprit en alerte. On suit avec passion leurs vies faites de renoncements, de privations, d'acceptations, de silences, de rejets, de non-compréhensions, de tristesses... mais aussi de quelques petits bonheurs (leurs enfants). On s'indigne devant la xénophobie qu'elles subissent au quotidien.

    "Leurs enfants nous jetaient des pierres. Leurs serveurs s'occupaient de nous en dernier. Leurs ouvreuses nous faisaient monter tout en haut, au deuxième balcon, où elles nous donnaient les plus mauvaises places de la salle. Le paradis des nègres, comme elles appelaient cela. Leurs coiffeurs refusaient de nous couper les cheveux. Trop durs pour nos ciseaux. Leurs femmes nous demandaient de nous éloigner d'elles dans l'omnibus lorsque nous étions trop près"

    Cette xénophobie atteint d'ailleurs son paroxysme au moment de Pearl Harbor. Des rumeurs courent autour d'une liste où il vaudrait mieux ne pas voir son nom cité. 

    "Que savions-nous exactement de cette liste? On l'avait établie à la hâte, au lendemain de l'attaque. On l'avait établie plus d'un an auparavant. Dix ans auparavant[...] La liste était écrite à l'encre rouge indélébile. La liste était tapée à la machine. La liste n'existait pas..."

    Grâce à ce livre, on découvre donc un pan de l'histoire américaine.

    L'importance de la mémoire constitue également une thématique essentielle de cette oeuvre: mémoire de ces femmes déracinées, mémoire de leurs existences difficiles, mémoires du sort qu'elles ont subi pendant le deuxième conflit...

    De plus, j'ai beaucoup aimé le passage du "nous" des Japonaises au "nous" de leurs voisins (précédemment désignés par la troisième personne du pluriel). En effet, il m'a paru très intéressant de voir la vision des autochtones. Tout manichéisme m'a semblé ainsi évité.

    Bref, vous l'aurez compris: ce roman constitue un vrai coup de coeur. Certaines de ses phrases vont rester longtemps ancrées en moi.

    Phébus, collection "Littérature étrangère", 142 pages, traduit de l'anglais (américain) par Carine Chichereau, 15 €

    certaines n'avaient jamais vu la mer,julie otsuka,phébus,challenge rentrée littéraire,challenge cent pagesCe billet marque ma première participation au challenge Rentrée certaines n'avaient jamais vu la mer,julie otsuka,phébus,challenge rentrée littéraire,challenge cent pageslittéraire de Loucy et ma troisième participation au challenge Cent pages de TyJecyka.