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challenge cent pages

  • Blog de Jean-Philippe Blondel

    Blog

    de

    Jean-Philippe Blondel

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    "Putain de merde

    Je sais, ça choque et surtout, ça manque d'élégance. Je devrais plutôt commencer le récit par des jolies phrases, des paragraphes bien tournés, en utilisant des termes éloquents et variés. Simplement, je n'y parviens pas. Cela fait une heure que les faits tournent dans ma tête, on dirait des corbeaux dans un clocher, ils croassent, ils descendent en piqué et remontent en flèche- je suis épuisé. Et retourné. Tout est sens dessus dessous. Je n'arrive plus à penser droit, et les mots me fuient. Ce qui me reste, c'est la stupeur, la colère et cette expression qui les résument: putain de merde"

    Ainsi débute ce roman. Le narrateur, jeune adolescent de 15 ans, est révolté par la découverte qu'il vient de faire: son père, sans lui demander son accord, a été sur son blog et l'a parcouru régulièrement.

    "Je ne l'ai jamais autorisé à le lire, bien sûr. Je ne lui en ai même jamais parlé. Ni mentionné son existence. [...] Le blog, c'était mon espace privé. Mon domaine.[...] Quand je suis en face de lui maintenant, j'ai l'impression de me promener nu en pleine ville"

    S'ensuit une dispute entre les deux. Désormais, l'adolescent ne veut plus adresser la parole à son père. Jusqu'au jour où ce dernier pose devant sa chambre un carton empli des journaux intimes qu'il tenait au même âge.

    "Il devait y'avoir un secret là-dedans. Un secret paternel. Un secret qu'il voulait que je partage. Je savais que si je prenais le cutter et que j'ouvrais le carton, alors les choses ne seraient jamais plus pareilles."

    Au fil des carnets, le narrateur entrevoit un autre homme que celui qu'il cotoîe au quotidien, un homme qui a subi le pire...

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    Je me suis lancée dans ce roman après en avoir entendu parler par une collègue, grande fan de Jean-Philippe Blondel.

    Ce dernier, professeur d'anglais non loin de Troyes, a publié sa première oeuvre Accès direct à la plage en 2003. Depuis, il alterne entre des fictions pour les adultes et pour les adolescents: Le baby-sitter, Au rebond, Replay...

    La première qualité que je reconnais à cet ouvrage est de sonner juste. Je trouve cela extrêmement difficile de se mettre dans la peau d'un narrateur de 15 ans et souvent, cela semble artificiel. Et là, Jean-Philippe Blondel a parfaitement relevé le défi. En effet, on a l'impression d'être bien en présence d'un lycéen, aux réactions sans doute quelque peu exagérées...

    La relation parfois délicate entre un père et un fils est aussi bien traitée. "Je me suis demandé si je ne jugeais pas mal mon père. S'il ne méritait pas autre chose que la lassitude et le mépris gentillet que je lui accordais" Après le choc de la trahison, l'auteur réussit à faire évoluer le lien paternel et filial. J'ai apprécié la solution des journaux intimes comme moyen de médiation et éventuellement de réconciliation.

    Ces journaux intimes permettent aussi de souligner l'évolution des pratiques sous l'impact des nouvelles technologies. Maintenant, les blogs fleurissent, sur toutes les thématiques et rares sont les adolescents qui n'en tiennent pas un. Les passages où le narrateur évoque les raisons qui l'ont poussé à en créer un et à continuer à écrire dessus se révèlent très intéressants. "Le blog, ça te donne l'impression d'exister et d'être très puissant". Il en va de même pour les paragraphes autour de la limite entre sphère privée et publique. "C'est une déclaration. Publique, puisque électronique. Privée, puisque bloguesque".

    Enfin, l'écrivain, par le biais de ce roman, se pose la question du rôle de l'écriture de l'intime. C'est comme si l'écriture permettait de faire face aux soucis de la vie....

    "Quand j'ai arrête d'écrire, je me suis dit que la fiction, c'était peut-être ma façon de réduire la souffrance. De la maîtriser. Et surtout de ne jamais être seul"

    Bref, vous l'aurez compris: un roman pour adolescents qui fait réfléchir sur les liens parents/enfants, sur l'importance de la confiance, sur le monde des blogs et sur le rôle de l'écriture. J'ai trouvé plaisante cette première incursion dans le monde de Jean-Philippe Blondel et je me lancerai-j'en suis certaine-dans un autre de ses livres.

    Ce billet marque ma quatrième participation au Challenge cent pages organisé par TyJecyka.

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    Actes Sud Junior, collection "Romans ados", 2010, 114 pages

  • Certaines n'avaient jamais vu la mer

    Certaines n'avaient jamais vu la mer

    de Julie Otsuka

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    "Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes."

    Ainsi débute le récit de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXème siècle pour épouser des compatriotes installés sur le sol américain et choisis par correspondance. Elles aspirent toutes à une vie meilleure. Et c'est après une éprouvante traversée qu'elles vont rencontrer pour la première fois celui dont leur futur dépend.

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    Parmi les ouvrages de la rentrée littéraire, j'ai immédiatement remarqué la superbe couverture de Certaines n'avaient jamais vu la mer. Et j'ai eu très vite envie de me plonger dans ces pages.

    Julie Otsuka avait fait une entrée remarquée dans le monde des lettres avec son premier roman Quand l'empereur était un dieu, inspiré de la vie de ses grand-parents et qui traitait d'un sujet rarement abordé: celui des camps d'internement des Japonais aux Etats-Unis suite aux évènements de Pearl Harbor. Cette fois-ci, pour sa deuxième création, elle s'est attaquée au destin de ces nombreuses Japonaises mariées sur catalogue et contraintes à l'exil.

    Ce qui m'a frappé tout d'abord, c'est le style utilisé par cette auteure. A la fois poétique et sobre.

    Le choix de ce "nous" omniprésent, "à la façon d'un choeur antique" comme le souligne la 4ème de couverture, confère une force surprenante à ce court récit.

    Les phrases de ce collectif s'enchaînent, se superposent...nous laissant toujours l'esprit en alerte. On suit avec passion leurs vies faites de renoncements, de privations, d'acceptations, de silences, de rejets, de non-compréhensions, de tristesses... mais aussi de quelques petits bonheurs (leurs enfants). On s'indigne devant la xénophobie qu'elles subissent au quotidien.

    "Leurs enfants nous jetaient des pierres. Leurs serveurs s'occupaient de nous en dernier. Leurs ouvreuses nous faisaient monter tout en haut, au deuxième balcon, où elles nous donnaient les plus mauvaises places de la salle. Le paradis des nègres, comme elles appelaient cela. Leurs coiffeurs refusaient de nous couper les cheveux. Trop durs pour nos ciseaux. Leurs femmes nous demandaient de nous éloigner d'elles dans l'omnibus lorsque nous étions trop près"

    Cette xénophobie atteint d'ailleurs son paroxysme au moment de Pearl Harbor. Des rumeurs courent autour d'une liste où il vaudrait mieux ne pas voir son nom cité. 

    "Que savions-nous exactement de cette liste? On l'avait établie à la hâte, au lendemain de l'attaque. On l'avait établie plus d'un an auparavant. Dix ans auparavant[...] La liste était écrite à l'encre rouge indélébile. La liste était tapée à la machine. La liste n'existait pas..."

    Grâce à ce livre, on découvre donc un pan de l'histoire américaine.

    L'importance de la mémoire constitue également une thématique essentielle de cette oeuvre: mémoire de ces femmes déracinées, mémoire de leurs existences difficiles, mémoires du sort qu'elles ont subi pendant le deuxième conflit...

    De plus, j'ai beaucoup aimé le passage du "nous" des Japonaises au "nous" de leurs voisins (précédemment désignés par la troisième personne du pluriel). En effet, il m'a paru très intéressant de voir la vision des autochtones. Tout manichéisme m'a semblé ainsi évité.

    Bref, vous l'aurez compris: ce roman constitue un vrai coup de coeur. Certaines de ses phrases vont rester longtemps ancrées en moi.

    Phébus, collection "Littérature étrangère", 142 pages, traduit de l'anglais (américain) par Carine Chichereau, 15 €

    certaines n'avaient jamais vu la mer,julie otsuka,phébus,challenge rentrée littéraire,challenge cent pagesCe billet marque ma première participation au challenge Rentrée certaines n'avaient jamais vu la mer,julie otsuka,phébus,challenge rentrée littéraire,challenge cent pageslittéraire de Loucy et ma troisième participation au challenge Cent pages de TyJecyka.