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susanna kearsley

  • La Mer en hiver de Susanna Kearsley

    La Mer en hiver

    de

    Susanna Kearsley

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    "Ce n'était pas un hasard. Rien de tout cela n'était arrivé par hasard.

    Je l'appris plus tard; même si j'eus du mal à accepter cette évidence quand elle me frappa car j'avais toujours fermement cru à l'autodétermination. Jusque là, ma vie avait semblé corroborer cette idée-j'avais choisi certaines voies qui m'avaient menée à certaines fins, toutes positives, et je considérais les contretemps rencontrés le long de la route non comme de la malchance, mais comme de simples fruits de mon jugement imparfait. Si j'avais dû choisir un credo, j'aurais opté pour ces deux vers du poète William Henley, vibrants de courage: Je suis maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme."

    Carrie est une auteure de best-sellers à succès. Depuis quelques mois, elle se consacre à un ouvrage autour de Nathaniel Hooke et de la révolte jacobite de 1708. Mais elle peine à trouver l'angle narratif et à faire avancer son intrigue. Deux événements vont relancer son inspiration: une discussion avec son agent Jane qui lui fait choisir son ancêtre Sophia comme héroïne et son installation aux abords du château de Slains, dans un cottage isolé.

    Les mots s'imposent alors à elle et, très vite, les frontières entre fiction et vérité historique se brouillent. Comme si le destin de Sophia et de ses comparses prenaient vie devant les yeux ahuris de Carrie. Comme si elle ne retranscrivait plus que des scènes enfouies en elle et ayant réellement existé.

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    Le château de Slains

    Ce livre, j'en avais entendu parler sur la blogosphère et par une de mes amies qui l'avait adoré. Je l'ai entamé hier et je l'ai dévoré.

    Il reprend une structure que j'affectionne: un entrelacement de deux fils narratifs, situés à deux époques différentes. On suit ainsi Carrie dans son processus de création et dans son quotidien à Cruden Bay. Et on s'intéresse également au destin de Sophia entre 1708 et 1710 dans une Écosse divisée entre partisans de la reine Anne et jacobites.

    Sophia est une ancêtre lointaine de Carrie, découverte lors de recherches généalogiques avec son père. La jeune romancière ne sait rien d'elle, si ce n'est ses dates de naissance, de mariage et de mort. Elle entend donc profiter de ces béances biographiques pour lui créer une existence qui la mettrait sur la route du château de Slains et la placerait au cœur de la conjuration jacobite et des manœuvres de Nathaniel Hooke.

    Contrairement à d'autres romans tiroirs, tels que ceux de Kate Morton, La Mer en hiver ne propose pas deux temporalités qui s'éclairent entre elles mais deux temporalités miroirs. Car certaines situations ou dialogues expérimentés tant par Carrie que Sophia se font écho, notamment en termes de triangles amoureux.

    Des échos qui semblent tout à fait cohérents et interrogent le processus de création littéraire. En effet, de nombreuses pages nous permettent d'assister à l'éclosion du nouveau best-seller de Carrie, à sa manière de l'écrire et à sa façon de trouver l'inspiration. J'ai beaucoup aimé cette mise en abyme et ces scènes liées à la genèse d'une œuvre.

    "Les idées principales de mes romans ne me frappaient jamais comme la foudre. Elles se formaient par étapes, comme une boule de neige grossissant au fur et à mesure de son avancée jusqu'à ce que le résultat soit rond et parfait. Mais, arrivée à cette ultime étape, je ne voyais plus la forme de la boule de neige d'origine, cette première pensée qui avait déclenché tout le processus."

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    Cruden Bay

    Au fil des pages, les personnages prennent vie et semblent échapper à tout contrôle. Comme si Carrie devenait seulement le témoin de ce qui les touchait. Comme si surtout, elle utilisait sa mémoire génétique pour retranscrire le passé de son ancêtre. Cette notion de "mémoire génétique", j'en avais déjà entendu parler et j'ai trouvé qu'elle était assez bien amenée dans l'intrigue. Néanmoins, je reconnais que le recours à cette notion  peut laisser certains lecteurs dubitatifs. Cela n'a pas été mon cas et je n'ai pas boudé mon plaisir.

    Outre cette plongée dans la création littéraire, ce roman offre une belle leçon d'histoire. J'ignorais tout des soubresauts de ce début du dix-huitième siècle en Écosse et j'ai été très intéressée par tout le contexte: les complots, les révoltes, le soutien de Louis XIV, les espions...

    Je dois d'ailleurs reconnaître que j'ai eu une préférence pour la partie plus ancienne. En raison de son ambiance et de ses protagonistes. Les femmes, Sophia et la comtesse en tête, jouent une partition importante dans cette partie d'échecs géante. Elles se montrent, tour à tour, fortes, audacieuses, méfiantes, confiantes, amoureuses, maternelles, pugnaces...Autant de facettes qui ne peuvent que les rendre attachantes au lecteur. De même, les hommes ne déméritent pas. J'ai particulièrement apprécié les figures du capitaine Gordon, de Moray et du colonel Graeme. Tous ces personnages, simples figurants/pions ou acteurs contribuent à rendre l'intrigue passionnante.

    En revanche, j'ai été moins convaincue par l'entourage de Carrie que j'ai jugé un peu moins bien campé et un peu trop simpliste. J'ai eu l'impression de retrouver certains poncifs des romances, comme la rivalité amoureuse....ou les embûches.

    Bref, vous l'aurez compris:malgré quelques réticences, j'ai été conquise par cet ouvrage historique captivant, bien construit, documenté et je n'oublierai pas de sitôt le destin de Sophia et de Moray.

    Editions Charleston, 2015, 457 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

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