Charlotte Collins
de
Jennifer Becton
"Le soleil brillait le jour des funérailles du révérend Collins, et Charlotte savait que son mari aurait trouvé douteux de la part du Tout-Puissant de laisser se dérouler les obsèques de l'un des serviteurs les plus dévoués de son Eglise par un temps si radieux."
1818, Charlotte Collins assiste aux funérailles de son époux.
Nous la retrouvons deux ans plus tard. Grâce à la rente laissée par le défunt, Charlotte a pu mener une vie indépendante. Elle est restée à Hunsford, près de Westerham, dans le Kent dans un pavillon loué à Lady Catherine de Bourgh.
Mais cette existence paisible va être troublée par l'arrivée de sa plus jeune soeur, Maria Lucas, désireuse de rencontrer des maris potentiels. Pour lui permettre de trouver un beau parti, Charlotte va devoir retourner dans la bonne société de Hunsford.
C'est ainsi qu'au fil des bals, des dîners et des soirées de carte, les deux soeurs vont faire la connaissance de deux américains: Mr Basford et Mr Westfield. Mais aussi du charmant Mr Edgington....
Jennifer Becton est un auteur américain, féru de Jane Austen et de son oeuvre la plus célèbre: Orgueil et préjugés. Elle s'est ainsi attachée dans plusieurs romans à dépeindre la suite des aventures de personnages secondaires tels que Caroline Bingley, Maria Lucas ou Charlotte Collins/Lucas.
Je tenais tout d'abord à remercier Alice et les éditions Milady. J'avais postulé sans me faire trop d'espoirs au concours organisé sur Jane Austen is my wonderland et j'ai été ravie d'avoir été choisie! D'ailleurs, je me suis précipitée sur le roman dès qu'il est arrivé.
Depuis que j'ai découvert Orgueil et préjugés, j'ai toujours été choquée par le choix de vie que fait Charlotte Lucas. Elle se résoud à épouser Mr Collins pour ne pas rester à la charge de ses parents et devenir vieille fille. Un moyen pour Jane Austen de montrer le sort qui attendait certaines jeunes filles contraintes d'embrasser l'état matrimonial, même à contrecoeur, pour éviter de sombrer dans la pauvreté. Une note de pessimisme qui contraste fortement avec les unions heureuses de ses deux amies, Jane et Elizabeth.
Aussi, en commençant ma lecture, j'ai espéré que libérée de son pasteur de mari, Charlotte connaîtrait un destin plus heureux et digne de la citation de la grande romancière anglaise "J'estime que chacun a le droit de se marier par amour au moins une fois dans sa vie, si possible"
Jennifer Becton a su rendre hommage à Jane Austen en reprenant plusieurs ressorts de ces différents romans. On retrouve ainsi la fuite de deux amants, le refus d'une première demande en mariage pour en accepter une autre...
Mais surtout, elle a su, selon moi, ressusciter l'ambiance qui devait régner dans un petit village anglais de cette époque. J'ai été particulièrement sensible au poids des convenances. Au début, je jugeais Charlotte trop guindée dans ses réactions envers la gent masculine mais la suite du roman m'a fait comprendre l'importance d'avoir une attitude dite irréprochable à cette époque.
A deux reprises, les deux soeurs sont mises au ban de la bonne société de Hunsford.
"Sur son chemin, [Charlotte] perçut les regards appuyés des gens qu'elle croisait. Personne ne lui adressa la parole [...] Tiraillée entre la colère [...], l'auto-apitoiement de se retrouver dans une telle situation, et la crainte de compromettre sa position déjà fragile dans la société, [elle] accéléra le pas, ses lourdes bottes faisant crisser le sol qu'elles foulaient"
A chaque fois, elles sont rejetées suite à une parole masculine. Et j'ai remarqué que celle-ci faisait toujours loi. On ne permettait ni à Charlotte ni à Maria de se justifier. Leur sort était scellé. Une belle façon d'illuster la difficile condition des femmes relativement bien nées mais sans le sou et dont la réputation devait rester intacte.
De plus, dans ce roman, Jennifer Becton reprend la problématique déjà développée dans Orgueil et préjugés, à savoir l'importance de se marier. Dans l'oeuvre originale, la plupart des unions sont heureuses, à l'exception de celle de Charlotte Lucas. Notre héroïne veut donc tout entreprendre pour préserver sa jeune soeur de liens matrimoniaux désastreux, contractés sans engouement. Mais, en même temps, elle espère elle-aussi tomber un jour amoureuse.
J'ai été contente de mieux apprendre à connaître ce protagoniste secondaire d'Orgueil et préjugés. L'écrivain a réussi à reprendre les aspects vieux jeu, froid, trop raisonnable de la création originale et à les faire évoluer. Notre héroïne s'ouvre progressivement au reste du monde, apprend à vivre et en devient des plus attachantes.
L'idée de mettre en scène deux Américains dans l'"Ancien Monde" m'a semblé amusante. Elle permet de souligner le côté rigide de la bonne société anglaise.
En outre, le personnage de l'oncle, Mr Basford, m'a enthousiasmé. J'ai retrouvé chez lui des traits de caractère des prétendants austeniens.
Les autres personnalités ont également retenu mon attention. Elles m'ont tour à tour amusée, choquée...
En outre, j'ai plutôt adhéré à l'intrigue imaginée par Jennifer Becton. Même si une des péripéties m'a paru par trop exagérée (je n'en dirai pas plus, afin de vous laisser le plaisir de la découverte)
Enfin, j'aimerais évoquer deux très belles scènes d'amour. Ou comment un effleurement de mains peut prendre l'aspect d'une magnifique déclaration.
Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup aimé ce roman! Et je vous le conseille si vous désirez voir ce qu'il advient de la "pauvre"Charlotte Lucas ou tout simplement passer un très bon moment de lecture.
Milady, février 2013, collection Pemberley, 390 pages, 7,90 €
Commentaires
Très bel avis ! Pour ma part, j'espère pouvoir le lire très bientôt !
Très beau billet Claire ! J'ai hâte de plonger dans Jane austen et j'espère que cet univers me plaira autant qu'à toi
Il est dans ma pal. Ton billet confirme mon envie de le lire , mais je suis en train de relire les oeuvres de jane austen, histoire de me replonger dans le bain. Je pourrai ensuite lire les oeuvres dérivées qui se rajoutent rapidement dans ma PAL. On pourra peut être en discuter un jour ou l'autre....
Bravo ! Ton billet donne vraiment très envie de lire le livre. Il est super bien argumenté. Juste un détail : je ne suis pas d'accord avec toi. Pour moi le mariage de Charlotte n'est pas heureux parce que pas sous le signe de l'amour, mais pas malheureux non plus. Je crois que Charlotte s'accommode de Mr Collins grâce à sa grande sagesse même si au début c'est plus de la résignation et qu'elle réussit à trouver une forme d'équilibre dans cette union.
Je ne connais pas ces auteurs mais Jane Austen forcément a marqué la postérité. J'aime beaucoup les polars avec Jane Austen aussi.
Je suis contente de voir qu'il t'a plu :D