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La Part des flammes

La Part des flammes

de

Gaëlle Nohant

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"La marquise de Fontenilles n'en finissait pas de la faire attendre dans cette antichambre aux allures de bonbonnière. Érodée par l'impatience et la nervosité, l'assurance de Violaine de Raezal s'effritait. Elle espérait tant de cette entrevue! La marquise était un des sphinx de dentelle vêtus qui gardaient les portes du Bazar de la Charité. Sans son accord, la comtesse de Raezal avait peu de chances d'y obtenir une place de vendeuse."

Mai 1897, la comtesse de Raezal, fraichement veuve, patiente dans l'antichambre de la marquise de Fontenilles. Elle espère recevoir un sésame pour le Bazar de la Charité. En effet, chaque année, les femmes de la haute société se disputent les stands et il est primordial pour assurer une réputation de faire partie des heureuses élues.

Cependant, l'entrevue avec la marquise ne porte pas ses fruits et la comtesse se voit proposer d'aider les phtisiques. Lors de sa première journée de bonnes œuvres, elle fait la connaissance de la duchesse d'Alençon et aussitôt, noue des liens très forts avec elle.

C'est donc tout naturellement qu'elle se retrouve à ses côtés sur le stand 4 du Bazar de la Charité. Parmi les autres fortunées, on compte également la jeune Constance d'Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles.

En cet après-midi du 4 mai 1897, le Bazar bruisse de monde. Quand, soudain, une étincelle et le feu qui embrase toute la vente de charité...

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Le lieu du sinistre un jour après

Depuis sa sortie aux éditions Héloïse d'Ormesson, je suis tombée sous le charme de cette couverture et de ce titre. Et je n'ai pu résister à la tentation quand ce roman est arrivé à la médiathèque.

Ce livre se consacre à trois femmes à un tournant de leur vie: la comtesse de Raezal qui jouit d'une réputation sulfureuse et qui ne bénéficie plus de la protection de son mari, mort des suites d'une longue maladie; la jeune Constance d'Estingel, qui vient d'abandonner son fiancé afin de se consacrer à Dieu et la mystérieuse duchesse d'Alençon, Sophie, sœur de Sissi et ancienne promise du roi Louis II de Bavière, qui se consacre corps et âme aux bonnes œuvres.

Trois femmes que le destin a réunies sur ce stand en ce fatidique 4 mai. Un moment d'inattention du côté des projectionnistes du cinématographe et tout brûle.

J'avais entendu vaguement parler de ce fait divers et j'ai été bluffée par le talent de Gaëlle Nohant pour le ressusciter.

On assiste à ce quart d'heure fatidique par différents regards: ceux des victimes Constance et Violaine, celui du cocher de la duchesse d'Alençon qui tente de porter secours aux personnes emprisonnées à l'intérieur, celui d'un journaliste arrivé très vite sur les lieux du drame...

Autant de voix pour parler de: Panique/Cris/Bousculades/Combats/Personnes écrasées/Actes d'héroïsme/Brûlures/Souffrance... Certaines pages sont plus dures à tourner, certaines situations nous choquent profondément...Et cette question lancinante se manifeste à nous: qu'aurais-je fait dans un tel cas? Me serai-je sauvée à tout prix?

Cet ouvrage aborde aussi les conséquences d'une telle catastrophe: le deuil immédiat, les recherches des familles pour reconnaître leurs proches parmi les corps calcinés, les cauchemars des rescapés, les accusations portées dans les journaux, la recherche de bouc-émissaires, les rumeurs...

Mais La Part des flammes ne se résume pas à l'évocation de ce 4 mai 1897. Non, il s'agit d'un roman dense, prenant, dont les phrases se développent à l'infini.

Pour nous parler de ce feu certes...Mais pour nous parler aussi des femmes en cette fin du 19ème siècle. Constance, Violaine, Sophie: trois femmes pour illustrer la condition de leurs comparses. Sans oublier celles que l'on croise telle que cette marquise de Fontenilles qui a perdu bien plus que sa beauté dans ce drame...

Dans cette haute société parisienne,les femmes n'ont plus aucune liberté. Elles n'existent que par leur rang et leur beauté. Elles n'ont pas le droit à la faute, sous peine d'être bannies. Elles dépendent de leur père, frère, mari pour tout. Et quand elles dévient de la conduite qui leur est imposée, leur punition peut se révéler bien sévère.

Forcément, j'ai été choquée par ce portrait. Et notamment par le sort de cette Jeanne d'Arc du Bazar, la ténébreuse et mystique Sophie d'Alençon. Un être brisé dans sa coquille par les siens, par la possessivité de son mari...

Et que dire de toute cette partie dans un hôpital psychiatrique? J'en ai eu froid dans le dos...

Mariage, entrée dans les ordres...:les jougs sont nombreux et parfois, inattendus.

Roman noir donc, description réaliste et sans concessions d'une époque cynique et dure avec le sexe féminin...

Cependant, la Part des flammes offre aussi quelques très jolies scènes lumineuses. Que ce soit quand elle souligne la solidarité de certaines protagonistes entre elles ou quand elle évoque certains élans amoureux.

De même, ce titre n'est pas exempt d'ingrédients du roman historique populaire à la Dumas. Duel, enlèvements, coups montés...se succèdent au fil des pages.

Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup apprécié cette œuvre composite, au croisement des genres: historique, populaire, réaliste, d'amour, d'apprentissage, et je me suis passionnée pour le destin de ces trois femmes enfermées dans une société ultra codifiée et rigide. Une réussite, donc. Je dois d'ailleurs avouer que, depuis que j'ai achevé l'ultime chapitre samedi, j'ai bien du mal à me lancer dans un autre livre.

Editions Héloïse d'Ormesson, 2015, 492 pages

Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

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Commentaires

  • Je lis de plus en plus de bonnes chroniques de ce livre. Je ne suis pas vraiment une passionnée de romans historiques mais je crois que celui-ci pourrait allier l'utile à l'agréable. Je vais le pister en bibliothèque.

  • Le côté historique est certes présent Jostein mais je trouve qu'il s'efface au profit de l'intime, à ces femmes dont la condition en cette fin du 19ème siècle fait froid dans le dos.
    J'espère que tu laisseras sa chance à cette très belle lecture et que tu seras autant remuée que moi.

  • Quel beau billet Claire, on sent que cette lecture t'a passionné ! Je devrais attendre cet été pour le lire puisque ma mère l'a acheté, il m'intéressait déjà et tu enfonces le clou !

  • Merci beaucoup Bianca! C'est vraiment un très beau livre et à l'heure où je réponds à ce commentaire, il m'accompagne encore.
    J'espère que tu éprouveras autant de plaisir à le découvrir que moi.

  • Une amie me l'a prêté mais je n'ai toujours pas eu le temps de l'ouvrir. Tu en parles très bien et le critiques élogieuses sont légion. Y'a plus qu'à !!!

  • Je comprends que tu n'aies pas encore eu le temps de le lire Titine. Surtout avec le mois anglais qui se profile ;)
    Merci beaucoup pour ton avis sur mon billet. Je suis curieuse de connaître le tien dans les prochains mois.

  • J'aime aussi cette maison d'édition ! La couverture aussi est magnifique ! Après ton avis, ce livre va rentrer dans ma wishlist ! ;)

  • Super Aurélie! Je suis ravie de t'avoir donné envie de te plonger dans ce roman. J'espère qu'il te plaira autant qu'à moi!
    J'aime aussi beaucoup cette maison d'édition.

  • Il y a des frissons dans ta critique ! Bravo :) J'espère le lire bientôt (encore un vœu pieux).

  • Merci Rose. C'est un très beau compliment qui me touche beaucoup. J'espère que tu pourras réaliser ce vœu pieux dans les prochains mois.

  • J'attendais ton avis avec impatience ! Ton enthousiasme fait plaisir à lire, j'essaierai de découvrir ce roman bientôt :)

  • J'espère que tu auras l'occasion de découvrir ce roman prochainement car il vaut vraiment le détour. Je pense qu'il te plaira. Mais c'est une lecture qui ne laisse pas indemne. Elle m'a accompagné pendant quelques jours!

  • Je n'entends que de très bonnes critiques sur ce roman ! Je mets donc le titre dans un coin de ma tête ! Bises Claire !

  • Je suis contente que tu le mettes dans un coin de la tête et j'espère qu'un jour, au hasard de tes pérégrinations en librairie ou bibliothèque, tu auras l'occasion de le sortir.
    Bises Fanny.

  • Il me tente beaucoup ! J'aime le cinéma et ce fait m'est connu alors je ne vais pas passer à côté !!

  • Je ne connaissais pas ce fait divers avant de me plonger dans ce roman.
    C'est vrai qu'on parle un peu du cinématographe mais plus comme déclencheur de cet incendie. Et le reste de l'intrigue se concentre plutôt sur les conséquences de cette catastrophe.
    Je suis curieuse de connaître ton avis en tout cas.

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