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condition des femmes

  • Des filles brillantes

    Des filles brillantes

    de

    Mary McCarthy

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    "C'était en juin 1933, une semaine après la distribution des prix. Kay Leland Strong, Vassar 33', la première des jeunes filles de sa promotion à courir autour de la table au dîner d'adieu de l'université, allait épouser Harald Petersen, Reed 27', à l'Eglise épiscopalienne Saint-George.  Dans Stuyvesant Square, les arbres avaient leur feuillage d'été et les invités au mariage, qui arrivaient en taxi par deux et par trois, entendaient les voix des enfants qui jouaient dans le petit parc à côté de la statue de Peter Stuyvesant."

    J'avais beaucoup entendu parler de ce roman de Mary McCarthy. Un roman qu'elle a publié en 1963 et qui a provoqué beaucoup de réactions négatives de ses pairs en littérature et de ses anciennes consœurs de Vassar. Avant d'être reconnu des années plus tard par certaines autrices telles que Claire Tomalin comme un livre essentiel. Notamment pour la véracité de ses propos sur la condition des femmes.

    Dans cet ouvrage, Mary McCarthy s'intéresse aux destins de huit jeunes femmes, toutes issues de la promotion 33 de Vassar. Il y a la Reine du groupe, celle que tout le monde admire et qui change sans cesse de favorite. Il y a l'outsider qui se tient en lisière, partagée entre envie et jalousie. Il y a celle qui nourrit des ambitions artistiques.

    Du mariage de l'une d'entre elles aux prémices de la Seconde Guerre mondiale, nous allons donc les suivre et observer leur évolution, entre rêves brisés et principes de réalité.

    Il se dégage en effet de ces pages une atmosphère douce-amère. Solitude, unions malheureuses, brutalité conjugale...ponctuent en effet ce récit. Certaines scènes se révèlent encore plus marquantes que d'autres comme celle à l'hôpital autour de l'allaitement.

    Ces huit jeunes femmes s'imaginaient plus heureuses que leurs mères et plus libres par rapport au poids des hommes. Mais, à l'exception de quelques cas, elles vont reproduire certains schémas. En effet, Mary McCarthy souligne les mécanismes encore en œuvre dans les années 30 et l'absence de liberté des femmes dans certaines décisions maritales.

    Roman donc de nombreuses illusions perdues. Roman témoignage sur la condition des femmes. Mères et filles.

    Roman choral où le chœur ne se retrouve qu'à de rares occasions mais s'observe et se soutient de loin. Où des binômes se forment par le gré des hasards géographiques ou des rencontres. Ce qui confère parfois une sensation de juxtaposition de nouvelles à l'ensemble. Miniatures de vies et d'amitié qui s'enchaînent.

    Et justement c'est peut être cette construction qui m'a un peu désarçonnée et laissée parfois de côté. J'aurais apprécié que le groupe se réunisse plus souvent. Avec la force des séquences d'ensemble que sait si bien écrire Mary McCarthy.

    Bref, vous l'aurez compris: un ouvrage intéressant, qui suscite la réflexion et qui témoigne de la force de cette autrice à retranscrire la réalité.

    Traduit par Antoine Gentien et Jean-René Fenwick.
     

     

     

  • Vox de Christina Dalcher

    Vox

    de

    Christina Dalcher

    vox, christina dalcher, littérature américaine, dystopie, roman d'anticipation, science-fiction, condition des femmes, liberté, parole, droits, réflexion, premier roman

    "Si on m'avait dit qu'en une semaine, j'allais faire tomber le Président, le Mouvement pur, et ce petit merdeux incompétent de Morgan LeBron, je n'y aurais pas cru. Mais je n'aurais pas protesté. Je n'aurais pas dit un mot.

    Je ne suis plus du genre bavarde."

    Imaginez une Amérique où les femmes doivent rester à la maison. Asservies aux décisions de leurs maris. Où toute autorité et pouvoir décisionnel leur sont retirés. Où leurs mots sont comptés.
    100, pas plus, chaque jour.
    Les femmes ont littéralement perdu leur voix.

    C'est ce que dépeint Christina Dalcher dans cette dystopie. Des États-Unis dominés par un président et par une éminence noire, un révérend qui repousse en permanence les frontières des interdits sous couvert d'une morale biblique.

    L'autrice a choisi pour héroïne une doctorante neurolinguiste, Jean Mclellan, parvenue au bout de ses recherches pour lutter contre l'aphasie, juste avant de devoir renoncer à son activité professionnelle. Une femme qui est longtemps demeurée en marge des changements politiques. Une femme qui souffre de son manque de mots. Qui a peur pour sa fille. Qui voit son fils aîné dériver vers le radicalisme. Bref, une femme qui se révèle prête à tous les sacrifices pour changer son pays et revenir à la situation d'avant.

    J'aime ces portraits de femmes fortes. Tout comme j'aime ces histoires qui décrivent un univers peu éloigné du nôtre, où toutes nos craintes se sont réalisées. Aussi, cet ouvrage, dans la lignée de la Servante écarlate, avait tout pour me plaire.

    Et la recette a bien fonctionné pendant les 2/3 du livre. J'ai adhéré au point de vue narratif, cette voix muselée qui se déverse entre les pages. J'ai adhéré également aux choix d'intrigue, aux personnages archétypaux ainsi qu'aux rebondissements.
    Tout comme j'ai adhéré à ce tableau d'une Amérique tombée dans l'engrenage d'une morale puritaine et d'une réduction de toute liberté de la femme. Ainsi qu'à cette  phrase de Burke répétée comme une litanie sur l'inaction des gens de bien. J'étais captée et je ne pouvais m'arrêter.

    Puis, est arrivée cette idée de complot biologique et je n'ai pas cru à cette énième péripétie ni au dénouement qu'elle entraînait. Cette résolution dans une certaine précipitation.  Comme un frein au développement d'autres arcs de l'histoire. Laissés un peu trop en jachère. Tels que le mouvement de la résistance. Et ce basculement trop rapide de certains protagonistes. En effet, avoir recours à des êtres monolithiques comme personnages a ses avantages. Comme ses inconvénients car leurs retournements trop précipités ne paraissent pas sonner juste.

    Bref, vous l'aurez compris: Vox a constitué une découverte en deux temps pour moi. Elle  reste néanmoins une oeuvre divertissante mais qui a manqué de la force de certaines dystopies. 

     

  • La Part des flammes

    La Part des flammes

    de

    Gaëlle Nohant

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    "La marquise de Fontenilles n'en finissait pas de la faire attendre dans cette antichambre aux allures de bonbonnière. Érodée par l'impatience et la nervosité, l'assurance de Violaine de Raezal s'effritait. Elle espérait tant de cette entrevue! La marquise était un des sphinx de dentelle vêtus qui gardaient les portes du Bazar de la Charité. Sans son accord, la comtesse de Raezal avait peu de chances d'y obtenir une place de vendeuse."

    Mai 1897, la comtesse de Raezal, fraichement veuve, patiente dans l'antichambre de la marquise de Fontenilles. Elle espère recevoir un sésame pour le Bazar de la Charité. En effet, chaque année, les femmes de la haute société se disputent les stands et il est primordial pour assurer une réputation de faire partie des heureuses élues.

    Cependant, l'entrevue avec la marquise ne porte pas ses fruits et la comtesse se voit proposer d'aider les phtisiques. Lors de sa première journée de bonnes œuvres, elle fait la connaissance de la duchesse d'Alençon et aussitôt, noue des liens très forts avec elle.

    C'est donc tout naturellement qu'elle se retrouve à ses côtés sur le stand 4 du Bazar de la Charité. Parmi les autres fortunées, on compte également la jeune Constance d'Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles.

    En cet après-midi du 4 mai 1897, le Bazar bruisse de monde. Quand, soudain, une étincelle et le feu qui embrase toute la vente de charité...

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    Le lieu du sinistre un jour après

    Depuis sa sortie aux éditions Héloïse d'Ormesson, je suis tombée sous le charme de cette couverture et de ce titre. Et je n'ai pu résister à la tentation quand ce roman est arrivé à la médiathèque.

    Ce livre se consacre à trois femmes à un tournant de leur vie: la comtesse de Raezal qui jouit d'une réputation sulfureuse et qui ne bénéficie plus de la protection de son mari, mort des suites d'une longue maladie; la jeune Constance d'Estingel, qui vient d'abandonner son fiancé afin de se consacrer à Dieu et la mystérieuse duchesse d'Alençon, Sophie, sœur de Sissi et ancienne promise du roi Louis II de Bavière, qui se consacre corps et âme aux bonnes œuvres.

    Trois femmes que le destin a réunies sur ce stand en ce fatidique 4 mai. Un moment d'inattention du côté des projectionnistes du cinématographe et tout brûle.

    J'avais entendu vaguement parler de ce fait divers et j'ai été bluffée par le talent de Gaëlle Nohant pour le ressusciter.

    On assiste à ce quart d'heure fatidique par différents regards: ceux des victimes Constance et Violaine, celui du cocher de la duchesse d'Alençon qui tente de porter secours aux personnes emprisonnées à l'intérieur, celui d'un journaliste arrivé très vite sur les lieux du drame...

    Autant de voix pour parler de: Panique/Cris/Bousculades/Combats/Personnes écrasées/Actes d'héroïsme/Brûlures/Souffrance... Certaines pages sont plus dures à tourner, certaines situations nous choquent profondément...Et cette question lancinante se manifeste à nous: qu'aurais-je fait dans un tel cas? Me serai-je sauvée à tout prix?

    Cet ouvrage aborde aussi les conséquences d'une telle catastrophe: le deuil immédiat, les recherches des familles pour reconnaître leurs proches parmi les corps calcinés, les cauchemars des rescapés, les accusations portées dans les journaux, la recherche de bouc-émissaires, les rumeurs...

    Mais La Part des flammes ne se résume pas à l'évocation de ce 4 mai 1897. Non, il s'agit d'un roman dense, prenant, dont les phrases se développent à l'infini.

    Pour nous parler de ce feu certes...Mais pour nous parler aussi des femmes en cette fin du 19ème siècle. Constance, Violaine, Sophie: trois femmes pour illustrer la condition de leurs comparses. Sans oublier celles que l'on croise telle que cette marquise de Fontenilles qui a perdu bien plus que sa beauté dans ce drame...

    Dans cette haute société parisienne,les femmes n'ont plus aucune liberté. Elles n'existent que par leur rang et leur beauté. Elles n'ont pas le droit à la faute, sous peine d'être bannies. Elles dépendent de leur père, frère, mari pour tout. Et quand elles dévient de la conduite qui leur est imposée, leur punition peut se révéler bien sévère.

    Forcément, j'ai été choquée par ce portrait. Et notamment par le sort de cette Jeanne d'Arc du Bazar, la ténébreuse et mystique Sophie d'Alençon. Un être brisé dans sa coquille par les siens, par la possessivité de son mari...

    Et que dire de toute cette partie dans un hôpital psychiatrique? J'en ai eu froid dans le dos...

    Mariage, entrée dans les ordres...:les jougs sont nombreux et parfois, inattendus.

    Roman noir donc, description réaliste et sans concessions d'une époque cynique et dure avec le sexe féminin...

    Cependant, la Part des flammes offre aussi quelques très jolies scènes lumineuses. Que ce soit quand elle souligne la solidarité de certaines protagonistes entre elles ou quand elle évoque certains élans amoureux.

    De même, ce titre n'est pas exempt d'ingrédients du roman historique populaire à la Dumas. Duel, enlèvements, coups montés...se succèdent au fil des pages.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup apprécié cette œuvre composite, au croisement des genres: historique, populaire, réaliste, d'amour, d'apprentissage, et je me suis passionnée pour le destin de ces trois femmes enfermées dans une société ultra codifiée et rigide. Une réussite, donc. Je dois d'ailleurs avouer que, depuis que j'ai achevé l'ultime chapitre samedi, j'ai bien du mal à me lancer dans un autre livre.

    Editions Héloïse d'Ormesson, 2015, 492 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

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