Danse d'atomes d'or
de
Olivier Liron
« Il pleuvait des trombes sur l'avenue du Général-Leclerc, qui relie à Paris le lion de Belfort aux rats d'égout de la station de métro Porte d'Orléans. J'avais accepté l'invitation de Thmtn et Lwhtn à une soirée où l'on prévoyait de fastidieux jeux de société et j'inclinais déjà à penser que je le regretterais, car mon ami Vediani me bombardait de sms. […] Dans le soir lent à mourir, les bonnes odeurs me faisaient oublier une vieille tristesse, une sensation de vivre en pointillés depuis des années. Je m'étais promené tout l'après-midi au bord de la Seine, avec une vague envie de partir en voyage, de tomber pourquoi pas amoureux, d'inverser le cours de la tristesse et du fleuve. »
A une soirée chez des amis, O. fait la connaissance de Loren, une acrobate libre et fascinante. Grâce des prémisses. Balbutiements d'une histoire d'amour naissante où on parle « de cinéma, de soleil. De riens. » . Et où on tient aussi des conversations lunaires autour des mardis coincés entre les lundis et les mercredis. Puis, le fracas de la passion, l'embrasement des corps et trois mois à s'aimer dans les rues de Paris. Jusqu'à la disparition inexpliquée de Loren.
Tel Orphée, O. pleure son Eurydice.
« Je t'ai cherchée dans tous les recoins familiers du monde. Dans les frissons inconnus. Dans le frôlement d'autres corps, d'autres mains...Je t'ai cherchée dans la géographie incertaine de l'insomnie où la vie se mêle aux songes, lorsque la conscience bascule dans le manque, dans l'absence. Je t'ai cherchée avec la foi de l'enfance. Je ne savais pas si tu étais vivante. Je t'ai cherchée. Partout. A tous les étages de la mémoire et du réel. Dans tous les recoins de l'errance et du vertige. Je t'ai cherchée jusqu'à en perdre l'équilibre. Je t'ai cherchée sur le fil des jours. »
Puis, arrive une lettre de Tombelaine, en Normandie. O. part crier son chagrin aux vagues. Et apprendre enfin la vérité sur Loren.
La Valse de Camille Claudel
J'ai immédiatement été happée par ce chant d'amour et de mort, qui fait écho au mythe d'Orphée et d'Eurydice. En trois actes (Orphée, la Normandie et Eurydice), une passion se déploie sous nos yeux, entre éclats de cœur et déchirures intérieures, entre rires et confessions, entre souffrance et absence.
J'ai beaucoup apprécié la construction: ces trois parties qui scandent cette danse. Deux d'entre elles sont menées par O. qui nous livre le récit de son histoire avec Loren. Et, dans la troisième, c'est Loren elle-même qui nous guide vers les Enfers. J'ai aimé entendre sa voix, comprendre ses choix. Tout comme j'ai aimé le décroché dans la narration par O. Ces tutoiements qui surgissent parfois au détour d'une phrase ou d'un passage et qui résonnent comme une longue plainte d'amour.
De même, j'ai été vraiment bluffée par le style. Un style vivant, vibrant, émouvant, sensible. Un style qui parle de la poésie de nos quotidiens et de toutes ces bulles enchantées qui surgissent dans nos journées.
"ici et là, un rayon de soleil filtrant par une fente transformait la poussière en une danse d'atomes d'or."
Ce livre, c'est de la chair palpitante, des cœurs en lambeaux, des rires derrière le désespoir.
Ce livre, c'est une magnifique déclaration d'amour à la femme enfuie.
Ce livre, c'est un hommage à la vie.
Ce livre, c'est le lyrisme à l'état pur.
Bref, vous l'aurez compris: cette Danse d'atomes d'or a été un vrai coup de cœur. Sans doute une de mes plus belles lectures de 2018. Et je ne peux bien entendu que vous la recommander.
Je vous laisse en bonus un lien vers Poor Edward, la chanson préférée de la fascinante Loren.
Commentaires
J'ai vraiment, vraiment hâte de découvrir ce roman. Il a l'air magnifique.
Quelle sensibilité, quel enthousiasme dans ton billet, Claire !
A travers lui, comment ne pas aller à la découverte de cet auteur que je ne connaissais pas.
Je l'ai acheté suite à ta recension, et ayant eu davantage de temps à consacrer à la lecture que prévu, je l'ai rapidement lu. Je confirme, le récit et l'écriture sont remarquables ! Merci de la recommandation.