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calmann levy

  • Le Pianiste de Hartgrove Hall

    Le Pianiste de Hartgrove Hall

    de

    Natasha Solomons

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    "Edie chanta à ses propres funérailles. Il n'aurait pu en être autrement. La plupart des gens l'avaient d'abord connue par sa voie. Il fallait quelques semaines, voire des mois, aux nouvelles relations pour concilier cette voix, une voix qui vous électrisait avec ce petit bout de femme aux yeux gris munie d'un grand sac à main. Grive musicienne, elle chantait comme un rossignol. Ce dernier surnom -"le petit rossignol"- était celui qui, d'après moi, lui convenait le mieux."

    Poussez les portes de Hartgrove Hall et faites la connaissance de Fox, notre héros, sur deux périodes de vie très distinctes.

    Celle des années 2000 où il vient de perdre sa femme et où son inspiration musicale s'est évanouie. Comme si les notes se refusaient désormais à lui.

    Celle des années 45/50, juste après la Seconde Guerre mondiale, où il hésite entre rester avec ses frères pour sauver le manoir familial et écouter l'appel de la musique.

    Deux périodes comme des échos. Deux périodes qui s'imbriquent et se répondent.

    J'avais vraiment apprécié le roman Le manoir de Tyneford. Aussi, j'étais contente de redécouvrir la plume de Natasha Solomons. Mais nos retrouvailles ont mis du temps à s'opérer. Je crois que ce qui m'a désarçonnée, c'est cette arcane contemporaine qui donnait bien des réponses aux enjeux du passé. Comme si l' important ne se tenait pas là.

    Il m'a fallu accepter ce pacte narratif pour entrer de plein pied dans cette intrigue et me laisser porter par le charme de ce livre.

    La musique constitue le cœur palpitant de ces pages. La musique comme une passion dévorante et solitaire qui peut éloigner de sa famille. La musique comme un lien qui relie ceux qui ne vivent que pour elle. La musique comme un moyen de collecter ce temps qui passe et de garder à jamais l'atmosphère d'un lieu et de préserver les sensations. La musique comme début et comme fin. La musique et ses dérives.

    J'ai été particulièrement sensible à tous les passages autour de la collecte des chansons par notre héros. L'émotion de sentir le poids des ans dans une ritournelle.

    J'ai aimé la partie ancienne. Comme un vieux film nostalgique et élégant. Récit d'apprentissage. Récit de perte. Récit d'amour. Récit autour de ces rencontres déterminantes qui bouleversent tout. A l'ombre du manoir et des notes.

    La partie contemporaine ne m'a pas toujours autant intéressée. Même si le rapport entre Fox et son petit-fils Robin ainsi que les réunions des anciens amis m'ont touchée.

    J'apprécie quand les sentiments sont explorés avec pudeur et sensibilité. Et j'ai jugé que Natasha Solomons réussissait le plus souvent à merveille cet exercice.

    Bref, vous l'aurez compris : une jolie saga familiale autour de la musique et de la mémoire. 

    Calmann Lévy, 2017, 441 pages

     

  • La Tristesse des femmes en mousseline de Jean-Daniel Baltassat

    La Tristesse des femmes en mousseline

    de

    Jean-Daniel Baltassat

     

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    "Le 20 février 1945, dans le cœur de l'après-midi, le téléphone sonne au troisième étage de la rue de Villejust qui ne s'appelle pas encore la rue Paul-Valéry.

    A la seconde sonnerie, Valéry lève la tête. Grimaçant, il abandonne la contemplation de l'aquarelle de Berthe Morisot et des feuillets noircis d'une fine écriture. La sienne, mais si ancienne qu'elle lui est devenue étrangère."

    En ce mois de février 1945, Paul Valéry semble s'être enfermé dans son passé, loin des fracas de la guerre. Une exposition autour de Berthe Morisot et une conférence qu'il doit donner sur elle très prochainement ont ravivé les souvenirs qu'il garde de cette artiste. L'occasion pour lui d'évoquer leurs rencontres. L'occasion surtout de se replonger dans les extraits de son carnet qu'il a recopiés à sa mort en 1894.

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    Le Repos de Manet

    Cet ouvrage, je l'avais repéré dès sa sortie. Pour son titre mélancolique. Mais surtout pour son sujet. Depuis quelques années, je nourris une certaine fascination pour Berthe Morisot et j'essaie de parcourir les livres qui tentent de percer les secrets qui entourent son existence.

    Pour tenter d'approcher cette femme, Jean-Daniel Baltassat a eu recours à une structure narrative enchâssée. S'entremêlent ainsi plusieurs voix: celle du jeune Paul Valéry au moment de son introduction dans le cercle de Mallarmé et de sa rencontre avec Berthe; celle du Valéry au crépuscule de sa vie et celle de Berthe à différents âges de son existence. Ce choix aurait pu se révéler périlleux tant il est parfois difficile de donner la parole à des personnages différents et à des moments espacés. Toutefois, j'ai trouvé le pari réussi. Les émotions de chacun semblent toujours palpables et justes. De même, je n'ai eu aucune difficulté à les identifier.

    Dans la Tristesse des femmes en mousseline, se déploie tout un pan de l'histoire artistique et intellectuelle de la fin du dix-neuvième siècle. Au fil des pages, on croise Mallarmé, Monet, Degas, Manet, Morisot...et on découvre leurs interactions. Tous ces passages m'ont vivement intéressée.

    On sent également à quel point tous ces hommes étaient fascinés par Berthe. Tels des papillons attirés par une lumière noire et mélancolique. A la lecture des fragments de son journal, le lecteur ne peut que partager cette admiration sans bornes. Sous la plume réinventée de cette fameuse peintre,  palpitent des éclats de son cœur, dévoré par une quête éperdue vers la beauté, par son amour pour Manet et pour Julie, sa fille.

    "Il paraîtrait que nos cerveaux portent, dans les dessins de leurs circonvolutions, la marque, pour ainsi dire la gravure de nos existences. Je ne sais si cela est vrai, mais je ne serai pas étonnée que la forme de nos cœurs aussi, si on les posait sur une table, pût en dire long à qui aurait l’œil pour cela."

    De ses cours avec Corot à ses réflexions sur la tombe de son défunt époux, défilent ainsi des morceaux entiers de sa destinée. Sorte d'impressions de ses élans, de ses créations et de ses sentiments.

    A la question de la liaison éventuelle entre Manet et Morisot, question souvent évoquée mais jamais résolue de manière définitive, l'auteur propose sa propre vision. J'ai aimé sa façon de répondre notamment sous forme de tableaux interposés. Cette scène entre Mallarmé et Paul Valéry est très belle.

    Tout comme de nombreuses séquences qui restent en tête, une fois ce livre refermé. Jean-Daniel Baltassat démontre un vrai talent de conteur. J'ai été également très sensible à son style. Il n'est pas rare, au détour d'une phrase élégante, de dénicher une pépite sensible et palpitante.

    "La grande vérité de la vie est que rien de l'essentiel ne s'oublie. Rien de ce qui nous a, une fois pour toutes, pétri le cœur.  Ce qui a sombré, ce qui s'est effacé, ne valait pas d'être vécu. Mieux vaut toujours brûler la lettre d'amour et revivre les heures du souvenir. Le temps nettoie l'inutile mieux que nous-mêmes."

    Finalement, concernant ce livre, je ne mettrais qu'un seul bémol: la partie plus contemporaine. Certes, elle apporte un recul sur les événements qui nous sont rapportés et permet une sorte de distanciation qui donne encore plus de valeur à ce qui a résisté au temps écoulé. Mais elle est moins intéressante en termes de narration. En effet, les conversations entre Paul Valéry et Mathilde ne m'ont pas paru essentielles.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été sous le charme de ce roman nostalgique, émouvant et qui constitue une belle manière d'approcher le mystère Morisot.

    Un grand merci à Adeline et aux éditions Calmann-Lévy pour cet envoi.

    Calmann-Lévy, 2018, 329 pages