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roman sur la peinture

  • La Tristesse des femmes en mousseline de Jean-Daniel Baltassat

    La Tristesse des femmes en mousseline

    de

    Jean-Daniel Baltassat

     

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    "Le 20 février 1945, dans le cœur de l'après-midi, le téléphone sonne au troisième étage de la rue de Villejust qui ne s'appelle pas encore la rue Paul-Valéry.

    A la seconde sonnerie, Valéry lève la tête. Grimaçant, il abandonne la contemplation de l'aquarelle de Berthe Morisot et des feuillets noircis d'une fine écriture. La sienne, mais si ancienne qu'elle lui est devenue étrangère."

    En ce mois de février 1945, Paul Valéry semble s'être enfermé dans son passé, loin des fracas de la guerre. Une exposition autour de Berthe Morisot et une conférence qu'il doit donner sur elle très prochainement ont ravivé les souvenirs qu'il garde de cette artiste. L'occasion pour lui d'évoquer leurs rencontres. L'occasion surtout de se replonger dans les extraits de son carnet qu'il a recopiés à sa mort en 1894.

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    Le Repos de Manet

    Cet ouvrage, je l'avais repéré dès sa sortie. Pour son titre mélancolique. Mais surtout pour son sujet. Depuis quelques années, je nourris une certaine fascination pour Berthe Morisot et j'essaie de parcourir les livres qui tentent de percer les secrets qui entourent son existence.

    Pour tenter d'approcher cette femme, Jean-Daniel Baltassat a eu recours à une structure narrative enchâssée. S'entremêlent ainsi plusieurs voix: celle du jeune Paul Valéry au moment de son introduction dans le cercle de Mallarmé et de sa rencontre avec Berthe; celle du Valéry au crépuscule de sa vie et celle de Berthe à différents âges de son existence. Ce choix aurait pu se révéler périlleux tant il est parfois difficile de donner la parole à des personnages différents et à des moments espacés. Toutefois, j'ai trouvé le pari réussi. Les émotions de chacun semblent toujours palpables et justes. De même, je n'ai eu aucune difficulté à les identifier.

    Dans la Tristesse des femmes en mousseline, se déploie tout un pan de l'histoire artistique et intellectuelle de la fin du dix-neuvième siècle. Au fil des pages, on croise Mallarmé, Monet, Degas, Manet, Morisot...et on découvre leurs interactions. Tous ces passages m'ont vivement intéressée.

    On sent également à quel point tous ces hommes étaient fascinés par Berthe. Tels des papillons attirés par une lumière noire et mélancolique. A la lecture des fragments de son journal, le lecteur ne peut que partager cette admiration sans bornes. Sous la plume réinventée de cette fameuse peintre,  palpitent des éclats de son cœur, dévoré par une quête éperdue vers la beauté, par son amour pour Manet et pour Julie, sa fille.

    "Il paraîtrait que nos cerveaux portent, dans les dessins de leurs circonvolutions, la marque, pour ainsi dire la gravure de nos existences. Je ne sais si cela est vrai, mais je ne serai pas étonnée que la forme de nos cœurs aussi, si on les posait sur une table, pût en dire long à qui aurait l’œil pour cela."

    De ses cours avec Corot à ses réflexions sur la tombe de son défunt époux, défilent ainsi des morceaux entiers de sa destinée. Sorte d'impressions de ses élans, de ses créations et de ses sentiments.

    A la question de la liaison éventuelle entre Manet et Morisot, question souvent évoquée mais jamais résolue de manière définitive, l'auteur propose sa propre vision. J'ai aimé sa façon de répondre notamment sous forme de tableaux interposés. Cette scène entre Mallarmé et Paul Valéry est très belle.

    Tout comme de nombreuses séquences qui restent en tête, une fois ce livre refermé. Jean-Daniel Baltassat démontre un vrai talent de conteur. J'ai été également très sensible à son style. Il n'est pas rare, au détour d'une phrase élégante, de dénicher une pépite sensible et palpitante.

    "La grande vérité de la vie est que rien de l'essentiel ne s'oublie. Rien de ce qui nous a, une fois pour toutes, pétri le cœur.  Ce qui a sombré, ce qui s'est effacé, ne valait pas d'être vécu. Mieux vaut toujours brûler la lettre d'amour et revivre les heures du souvenir. Le temps nettoie l'inutile mieux que nous-mêmes."

    Finalement, concernant ce livre, je ne mettrais qu'un seul bémol: la partie plus contemporaine. Certes, elle apporte un recul sur les événements qui nous sont rapportés et permet une sorte de distanciation qui donne encore plus de valeur à ce qui a résisté au temps écoulé. Mais elle est moins intéressante en termes de narration. En effet, les conversations entre Paul Valéry et Mathilde ne m'ont pas paru essentielles.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été sous le charme de ce roman nostalgique, émouvant et qui constitue une belle manière d'approcher le mystère Morisot.

    Un grand merci à Adeline et aux éditions Calmann-Lévy pour cet envoi.

    Calmann-Lévy, 2018, 329 pages

     

     

  • Ces livres que je n'ai pas chroniqués au mois d'avril 2017

    Ces livres que je n'ai pas chroniqués au mois d'avril 2017

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    Je reviens ce soir avec un billet autour des romans que je n'ai pas chroniqués au mois d'avril 2017.

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    Commençons par une biographie sur Louis Jourdan, le dernier French lover d'Hollywood. Dans cet ouvrage, Olivier Minne entremêle habilement les souvenirs de l'acteur et ses impressions sur leurs rencontres dans sa demeure californienne. Ce mélange se révèle passionnant car il permet tant au lecteur de saisir l'homme derrière la star que de s'immerger dans l'âge d'or des studios hollywoodiens. On découvre ainsi le fonctionnement de ces grandes machines de production, des castings imposés, des producteurs omnipotents...On en apprend plus sur les tournages de certains films mythiques comme Lettre d'une inconnue d'Ophüls ou Gigi. Certains acteurs nous sont dévoilés autrement. Je pense notamment à James Dean, croisé lors d'une série de représentations théâtrales...et qui, des années plus tard, demeure toujours l'objet du mépris de Louis Jourdan. On quitte à regret cet homme du cinéma, d'une grande culture et à la langue particulièrement acérée. Bref, vous l'aurez compris: je ne peux que vous recommander ce titre que j'ai dévoré.

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    Autre temps, autre lieu: Rouge Paris nous entraîne cette fois-ci sur les traces de Victorine Meurent, un des modèles les plus célèbres de Manet (elle a posé notamment pour Olympia ou Le Déjeuner sur l'herbe), devenue elle-même peintre. L'auteur Maureen Gibbon nous propose de s'attarder sur la relation de ces deux artistes, de leur rencontre au sommet de leur collaboration. Dans ce roman d'apprentissage, tout est vu par le prisme de la jeune femme. Ce qui donne un accent de sincérité voire de naïveté à la narration. En effet, la plupart du temps, on a l'impression d'entendre la voix de Victorine, 17 ans, qui pénètre dans un univers complètement opposé au sien. Cette initiation aux couleurs, au dessin, à la peinture...est bien rendue. De même, j'ai trouvé le traitement de sa relation avec Manet assez intéressante. En revanche, j'ai moins adhéré aux nombreuses réflexions assez crues qui coupent le récit. La sexualité et le désir sont liés à la force créatrice de ces deux artistes et en constituent un moteur. Il est donc normal que leurs ébats solitaires ou à deux voire à trois soient évoqués. Cependant, une fois ce point souligné et compris, j'ai jugé que certaines scènes n'apportaient rien de plus et finalement, amoindrissaient la qualité du récit. Bref, vous l'aurez compris: Rouge Paris constitue une lecture somme toute agréable mais dispensable.

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    Pour finir, j'aimerais dire quelques mots du Palais d'épines et de roses de Sarah J. Maas. Je lis rarement des romans de fantasy mais pour une animation à destination des adolescents à la médiathèque, je me suis laissée tentée par ce titre. Feyre, une jeune femme de 19 ans, qui vit dans une masure avec sa famille tue, lors d'une chasse, un loup. Elle ne le sait pas encore mais cet acte la condamne à devenir la prisonnière d'un puissant seigneur magicien, mi-homme, mi-bête. Enfermée contre sa volonté dans son palais, notre héroïne se rapproche, au fil des jours, de son hôte...Vous l'aurez reconnu: l'auteur a transposé la Belle et la Bête dans un univers de fantasy.  Tout en gardant la trame originelle, elle insuffle des éléments de fantasy et crée un mélange plutôt réussi. Même si certains aspects trop "romance" m'ont parfois énervée, je n'ai pas boudé mon plaisir.  Bref, vous l'aurez compris: si vous cherchez une lecture divertissante, ce titre est idéal pour vous.

  • L'ombre de nos nuits

    L'ombre de nos nuits

    de

    Gaëlle Josse

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    « A Lunéville, en Lorraine, en ces premiers jours de l’année 1639. »

    Tout est prêt. Les grandes lignes, les principaux volumes sont posés. J’ai la main engourdie et le feu est presque éteint dans l’atelier, seules quelques braises persistent à diffuser leurs lueurs rouges sous la cendre. Combien de temps ai-je passé là ? Je ne sais pas. Ce n’est plus la peine d’ajouter une bûche maintenant, ce serait une dépense inutile. Le soir tombe, il fait trop sombre pour continuer. »

    En ce début de l’an 1639, Georges de la Tour s’attelle à la réalisation d’un Saint Sebastien soigné par Irène. Il entend présenter cette toile au Roi de France et devenir ainsi peintre officiel à la Cour.

    Des siècles plus tard, une femme visite le musée de Rouen et tombe en arrêt devant ce tableau. Les expressions du martyr et d’Irène lui rappellent la passion douloureuse qu’elle a vécue pour un homme insaisissable et excessif.

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    De Gaëlle Josse, j’avais adoré les Heures silencieuses et j’espérais retrouver les mêmes qualités dans cet opus.

    En outre, je suis généralement adepte des histoires enchâssées qui se font écho et qui, parfois, se rejoignent pour donner sens à l’intrigue principale.

    Dans ce récit, deux époques s’entremêlent : le début du 17ème siècle où le lecteur assiste à la genèse d’une toile dans l’atelier de Georges de la Tour et l’ère contemporaine où une femme revient sur son idylle avec un amant qu’elle ne semble pas capable d’oublier.

    Le lien entre ces deux histoires ? Ce Saint Sébastien soigné par Irène. L’un le peint, l’autre l’observe.

    Et, dès les premières pages, ce lien ne m’a pas convaincue. Même si je reconnais qu’une œuvre d’art peut servir de déclencheur de souvenirs, la connexion ici m’a semblé par trop artificielle. J’aurais préféré que l’auteur fasse le choix entre les deux axes narratifs.

    Un déséquilibre s’est donc opéré, au fil de ma lecture. Autant la partie plus ancienne m’a passionnée, autant je ne me suis pas intéressée à cette confession de l'héroïne plus actuelle.

    « J’aime le silence qui accompagne la nuit, j’aime le feu, l’ombre et leur danse, ils se cherchent, s’évitent, s’enlacent. Le silence qui accompagne nos vérités. Je n’ai pas besoin de grand-chose d’autre, quand j’y pense. »

    Ainsi retentit la voix de Georges de la Tour, qualifié par ses proches de « maître du Silence »

    « Je n’ai qu’un peu de beauté à offrir au monde, celle du tremblement d’une flamme dans la nuit. Peut-être est-ce dérisoire mais c’est mon seul talent. »

    On suit son processus créatif, son quotidien également, le travail de ses apprentis…Pour mieux souligner encore son génie et décrire d’autres coulisses, la voix du maître laisse parfois la place à celle de son second apprenti, un garçon qu’il a recueilli dans la rue, après que la peste a décimé toute sa famille.

    Dans le silence de l’atelier, le fracas de la guerre, tout comme les épidémies, n’ont pas leur place.

    Sauf quand les portes s’ouvrent sur le monde extérieur. Notamment lors de ce trajet de la Lorraine à Paris pour montrer le résultat de ce Saint Sébastien au Roi.

    A chaque fois, j'ai quitté à regret cette narration. Je ne dirai que peu de choses sur l’autre. Car je n’ai pas accroché. Une impression de déjà vu. Une impression de décalage pour moi avec l’autre volet. Un lien trop ténu aussi ou que je n’ai pas réussi assez à identifier.

    Bref, vous l’aurez compris : malgré son très beau style, ce livre m’a laissé une impression mitigée. Et je regrette vraiment que Gaëlle Josse ne se soit pas concentrée sur Georges de la Tour.

    Les Éditions Noir sur Blanc, janvier 2016