Les Autodafeurs tome 1: Mon frère est un gardien
de
Marine Carteron
"5 heures du matin sur une petite route de campagne
Le choc a été très violent. Le camion a surgi de nulle part et a percuté la voiture de plein fouet avant de l'envoyer par-dessus les glissières de sécurité terminer sa course contre un grand chêne.
Elle a fait plus de cinq tonneaux avant de s'immobiliser et maintenant c'est une épave; la roue avant gauche tourne encore tandis que la fumée commence à s'échapper du capot éventré.
Suspendu la tête à l'envers dans l'habitacle détruit, l'homme sait qu'il va mourir. Cela fait plus d'un an qu'il redoute ce moment. Depuis le jour où il a surpris les plans des Autodafeurs, il a su qu'ils ne le laisseraient pas se mettre en travers de leur chemin."
L'homme qui vient de mourir dans cet accident de voiture est le père d'Auguste Mars, 14 ans.
Et ce même Auguste, on le retrouve justement dans une très mauvaise position en ce début de roman. La police, le juge pour mineurs et la quasi-totalité des habitants de sa ville le considèrent comme un dangereux délinquant, coupable de vol, incendie criminel, violences...
Or, il a une très bonne explication à fournir pour l'innocenter. Mais s'il la donne, il trahirait un secret vieux de vingt-cinq siècles et mettrait en danger la Confrérie.
Il choisit donc de ne rien en faire et c'est à nous, lecteur, qu'il raconte tous les évènements qui ont suivi le décès accidentel de son père.
Cependant, sa voix n'est pas la seule qui retentit entre ces pages. En effet, il partage la narration avec sa petite sœur, Césarine Mars, 7 ans et "artiste" (le nom que lui a donné Auguste quand il a entendu pour la première fois parler du syndrome d'Asperger dont elle souffre).
"Mais bon, pour que vous compreniez mieux comment j'en suis arrivé là, il faut que je reprenne depuis le début, c'est-à-dire, là où tout a commencé.
P.-S: Ce que mon frère a oublié de vous dire, c'est qu'il n'en serait jamais arrivé là s'il m'avait écoutée; donc, en plus d'être un gardien, c'est aussi un idiot. Césarine Mars."
J'avais remarqué ce titre sur la blogosphère, notamment chez Loucy et je n'ai donc pas hésité longtemps avant de me lancer à son arrivée à la médiathèque.
Ce qui m'a immédiatement frappé dans ce texte, c'est le ton. Marine Carteron a su insuffler à la fois de l'authenticité et beaucoup d'humour à ses deux personnages principaux. On croit à chaque fois que ce sont bien un adolescent de 14 ans et une enfant de 7 ans qui s'adressent à nous. L'humour naît de la distance ironique qu'arrive à avoir Auguste et en ce qui concerne Césarine, de son absence totale de décalage et de sa tendance à tout prendre au pied de la lettre.
De plus, l'émotion n'est jamais loin dans leur propos. Elle affleure quand Césarine découvre le sens de du mot amitié avec la petite Sara ou quand Auguste parle de son père...
J'ai également été tout de suite happée par l'intrigue. Devant le désespoir de sa mère et de sa sœur, Auguste propose de déménager et de partir s'installer à la Commanderie avec leurs grand-parents. C'est dans cette maison de vacances qu'il va avoir ses rêves. A chaque fois, son père lui apparaît et l'enjoint à se souvenir du Livre et du rôle qui lui est échu.
La rentrée va aussi lui servir de "révélateur". La haine immédiate du "Négrier", son proviseur et l'attaque des frères Montague le poussent à se rapprocher de son professeur De Vergy. Lorsque celui-ci le ramène à la maison, il surprend une conversation entre sa mère et lui.
"Ton fils n'est au courant de rien. Tu sais très bien qu'après la mort de ton frère, Jean a respecté ton choix et a toujours refusé qu'on parle de la Confrérie à Auguste avant qu'il soit en âge de se battre et nous avons tous respecté ton désir. Mais, Julie, tu dois te rendre à l'évidence, l'assassinat de ton mari est un signe qui ne trompe pas. Nos ennemis se sont regroupés, ils sont en ordre de bataille et tout s'accélère autour de nous"
Ainsi, Auguste prend connaissance d'un secret vieux de vingt-cinq siècles, un secret que sa famille et leurs alliés tentent de protéger à tout prix. J'ai beaucoup apprécié le contenu de ce mystère, l'importance conférée au livre, à la mémoire...et cette idée de société de l'ombre prête à tous les sacrifices pour conserver le secret et le garder loin des Autodafeurs. Sans oublier le côté initiatique, le poids de la transmission...
L'intrigue monte crescendo. Au fil des jours, Auguste et Césarine se rapprochent de ce mystère...et du danger. Jusqu'à une explosion finale....
J'aimerais rajouter un petit mot sur les personnages qui entourent nos deux héros. L'auteure a su créer une belle galerie de protagonistes. Des vrais "Méchants" (le Négrier, les Montague), des amis atypiques (Néné et Sara), un professeur fascinant (De Vergy que j'espère voir plus dans le prochain tome...)...
Bref, vous l'aurez compris: un roman pour adolescents extrêmement bien ficelé, au ton à la fois enlevé, humoristique et émouvant dont j'attends la suite avec impatience.
Editions du Rouergue, 2014, 329 pages