Les Traversées de Dorothy Parker
de
Camille Mancy
"Dorothy Parker a embarqué l'après-midi du 18 août 1937. Le Normandie s'est éloigné de New York aussi vite que le peut un tel monstre. Depuis le quai 88, le paquebot géant a tourné le dos aux lumières de Manhattan. Dorothy n'a pas regardé sa ville disparaître, ni les mouchoirs et les mains tendues, ni les reporters et les photographes. Quoi qu'on en dise, elle ne s'épanche pas si facilement en public."
Une femme sur un paquebot. Qui regarde s'éloigner New York en ce mois d'août 1937.
Pour une traversée de l'Océan.
Pour une traversée surtout entre deux mondes. Comme si ce voyage allait marquer une césure définitive dans son existence.
Cette femme, c'est Dorothy Parker. "The Wit". "L'Esprit ". Un esprit mordant qu'elle met au service de ses chroniques. De l'écriture de ses scenarii comme celui d'une Etoile est née. De ses répliques qui marquent son auditoire.
Une femme qui aime rire.
Une femme qui souffre.
Une femme qui s'engage.
Une femme aux multiples facettes que Camille Mancy nous invite à découvrir dans son premier roman.
Les périples constituent souvent l'occasion de bilans. Comme si une traversée géographique permettait une traversée temporelle. Lambeaux du passé qui se détachent et éclairent notre présent.
La construction s'articule autour de cette idée avec ces retours sur les événements décisifs de la vie de cette incroyable autrice.
Le mariage avec Parker. L'Algonquin. Sacco et Vanzetti. Les séjours chez les Murphy. Autant d'épisodes qui se détachent.
Avant le reancrage dans le présent et ce séjour en Espagne pendant la guerre civile.
Moment de basculement.
Les chapitres se font courts, resserrés. Comme autant de miniatures du parcours de Dorothy. Une Dorothy au faîte de sa gloire.
Des miniatures aux noms qui puissent dans le répertoire artistique. De la Haute société au chat du Cheshire.
Des miniatures comme des micro-nouvelles. Une manière stylistique très habile de rendre hommage à cette nouvelliste de génie.
Mais justement c'est, face à ce choix même de resserrement de la narration, que j'émettrai une réserve. J'aurais aimé en savoir plus sur Dorothy. Et j'ai achevé cet ouvrage à regret. Tant j'aurais aimé demeurer plus longtemps avec elle et assister à plus de scènes déterminantes.
Si vous souhaitez vous familiariser avec son univers, je ne peux néanmoins que vous conseiller ce titre. Bel hommage d'une passionnée.
Editions Prisma, 2020, 155 pages