La Fabrique de poupées
d'Elizabeth MacNeal
"Un soir, au heures les plus sombres et silencieuses de la nuit, une jeune fille s'installe à une petite table dans la cave d'un magasin de poupées. En face d'elle, une tête de porcelaine peinte la fixe de ses yeux vides de toute expression. La jeune fille presse deux tubes d'aquarelle, un rouge et un blanc, dans une coquille d'huître, suçote la pointe de son pinceau et oriente le miroir vers son visage."
C'est l'histoire d'Iris, une jeune femme qui travaille dans une fabrique de poupées et se rêve peintre.
C'est l'histoire de Silas, un taxidermiste qui nourrit l'espoir de créer un musée de ses collections.
C'est l'histoire d'Abbie, un gamin qui survit comme il peut et aimerait tant avoir un jour les moyens de s'acheter un dentier en lamantin.
Des ambitions différentes animent donc ces trois êtres dont les destins vont s'entrecroiser dans ce Londres victorien de l'Exposition universelle de 1850.
Dès les premières lignes, j'ai été frappée par l'écriture très sensorielle. C'est comme si nous évoluions nous-mêmes dans les rues de la capitale anglaise. Dans une mer de sons, d'odeurs et d'impressions.
Tour à tour, la narration se focalise sur les trois protagonistes. Pour mieux épouser chacune de leurs palpitations et chacun de leurs élans. Pour mieux tisser aussi cette trame émotionnelle qui nous tient en haleine jusqu'au dernier chapitre.
La Fabrique de poupées constitue un ouvrage foisonnant aux thèmes riches. On croise ainsi des réflexions autour de la condition des femmes et de la beauté comme valeur essentielle et comme sésame vers un monde meilleur. Mais aussi autour de l'aliénation par son milieu et sa famille et de la difficulté de trouver son chemin vers la liberté.
On voyage dans le milieu préraphaélite. En compagnie notamment d'Iris et du personnage de Louis Frost, sorte de condensé de tous les artistes de ce mouvement. Cette partie m'a tout particulièrement intéressée car j'ai toujours nourri une fascination pour ce groupe.
On assiste au basculement progressif d'un des personnages dans la folie. Quand il se retrouve porté par une unique obsession. Celle d'un collectionneur en quête de cet objet ultime. Un peu à la manière du Jean-Baptiste Grenouille du Parfum.
Un des autres atouts de ce roman réside donc dans la psychologie fouillée de ces personnages. Dans la dissection de leurs liens et de leurs sensations. Dans cette justesse qui confère l'impression qu'ils sont là à côté de nous.
On se laisse porter par cette intrigue multiple qui converge vers ce point final attendu et pourtant si surprenant.
Bref, vous l'aurez compris: un premier roman réussi.
Merci Babelio pour la scénographie de cette photo!