La Mort s'habille en crinoline
de
Jean-Christophe Duchon-Doris
"Mme Roger, couturière en vogue, quarante-trois ans, chignon, robe en popeline bleu foncé garnie de peluche ton sur ton, avec toque en castor et manchon. On lui a proposé de s'asseoir, elle préfère cependant rester debout à côté de sa "première"-dix ans de plus, un peu voûtée, robe de velours noir très simple, un ruban de même couleur orné d'une perle unique au ras du cou, chapeau à voilette, mitaines en dentelle noire."
Le 25 janvier 1856, à trois jours d'un grand bal donné aux Tuileries, Mme Roger montre ses dernières créations à une nouvelle venue sur la scène parisienne, la comtesse de Castiglione.
"Mme de Castiglione bouge enfin- [...] buste droit, port de tête, taille marquée, silhouette cambrée vêtue d'une robe de taffetas finement rayée de mauve et de gris, des yeux bleu-vert, bouche petite surmontée d'un nez destiné au pinceau, cheveux noirs aux reflets fauves, encadrant un visage mat. Une beauté hors du commun."
Aucune toilette ne convient à cette future cliente. Non, elle a un modèle bien en tête pour être présentée à l'Empereur et entend que la modiste le réalise.
Trois jours plus tard, vêtue d'une magnifique robe à crinoline de huit mètres, Mme de Castiglione fait son entrée et émerveille immédiatement toute l'assemblée.
Son destin est en marche...Et elle devient bientôt la maîtresse de Napoléon III.
Sept ans plus tard, des cadavres de femmes égorgées qui lui ressemblent toutes étrangement sont retrouvés dans la capitale.
Une enquête est diligentée...
La Castiglione par Winterhalter
Après avoir lu de bonnes critiques sur les blogs de Bianca, Fanny, Syl et Titine, j'ai eu très envie de me lancer à mon tour dans ce roman policier.
J'ai toujours été intéressée par cette période du Second Empire et j'avais déjà entendu parler de la comtesse de Castiglione, cette femme fascinante qui a été la favorite du roi Victor-Emmanuel et de Napoléon III.
Une beauté à couper le souffle qui a été utilisée pour approcher l'Empereur et le convaincre de soutenir la cause italienne...
Une muse qui a beaucoup influencé la mode de son temps et s'est sans cesse mise en scène. De 1856 à 1895, soit cinq ans avant sa mort, elle entame, en effet, une collaboration avec le photographe Pierson. Plus de 500 clichés qui la montrent tant à l'apogée de son éclat qu'au moment de sa décadence, quand les dents viennent à lui manquer.
C'est autour de cet être palpitant que Jean-Christophe Duchon-Doris a choisi de centrer son intrigue. Ses sosies sont égorgés dans les rues de la capitale et le policier Dragan Vladeski est sommé de découvrir l'auteur de ses meurtres.
Son enquête va le mener dans le cercle des très proches de la comtesse. Mais l'entraîner aussi dans les rues de ce Paris en plein bouleversement haussmanien. Photographes, modistes de renom, demi-mondaines, couturières...constituent autant d'univers qu'il découvre.
Grâce aux investigations de Dragan, le lecteur peut donc se faire une meilleure idée de la société du Second Empire.
Une société où à la misère du quartier autour de la rue Traversine répondent la rutilance des salons de la haute société et la richesse des étoffes, des parures.....
Les femmes se battent pour arborer la plus belle tenue et se faire remarquer à la Cour ou à l'Opéra. Elles font la queue pour voir les défilés du couturier Worth. Celui qui a décidé d'abandonner les poupées pour choisir des mannequins en chair et en os.
Néanmoins, cette reconstitution très soignée et très fouillée de la vie dans la capitale à cette époque ne constitue pas le seul intérêt de ce roman. L'auteur a su entremêler avec habilité personnages de l'Histoire et de son invention (même si Dragan et Eglantine paraissent bien ternes par rapport à la comtesse). On suit également avec plaisir l'intrigue qu'il a fomentée et les pièges dans lesquels il place son lecteur.
Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé un agréable moment en compagnie de cet ouvrage. Et je pense que ce ne sera pas le dernier que je découvrirai de Jean-Christophe Duchon-Doris...
Editions Julliard, 2014, 318 pages, 20 €
Billet dans le cadre du challenge 19ème siècle organisé par Fanny.
En bonus, je vous rajoute une vidéo que j'ai trouvée autour de l’œuvre de Pierre-Louis Pierson. L'occasion de voir certaines des photographies qu'il a prises de la Castiglione.