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sorcière

  • Moi, Tituba sorcière... de Maryse Condé

    Moi, Tituba sorcière….

    de

    Maryse Condé

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    "Abena, ma mère, un marin la viola sur le pont du Christ the King, un jour de la 16** alors que le navire faisait voile vers la Barbade. C'est de cette agression que je suis née. De cet acte de haine et de mépris."

    Il est des destins placés sous le sceau de la malédiction et de bonheurs trop rares.

    Il est des femmes qui soignent et font peur. Comme si leur talent de guérisseuse les plaçait au ban d'une société avide de vengeance et de proies toutes désignées.

    Il est des cœurs qui battent à l'unisson de ceux qui ne les méritent pas ou qui les mèneront à leur perte.

    Il est des êtres libres qui tentent de résister et de vivre. Malgré tout.

    Fruit d'un viol sur un navire négrier, Tituba est née à la Barbade. Elle a grandi sous les yeux d'un père adoptif aimant mais dans une atmosphère de tension permanente. Et déjà, la voilà orpheline. Recueillie par Man Yaya, elle a été initiée au surnaturel et aux sorts de guérison.

    Puis, vient son mariage avec John et le départ pour Salem. Où l'attendent bien des malheurs...

    Ce livre, je l'ai pris par hasard en octobre sur une des tables de présentation de la Libraire Millepages de Vincennes. Comme happée par ce titre affirmatif. Cette déclaration aux trois points de suspension qui sonnait comme une confession.

    Dès les premières pages, la semaine dernière, j'ai été emportée. Sur cette île de la Barbade. Où Tituba faisait ses premiers pas dans cette violence de l'esclavage.

    Ce roman est habité d'un souffle rare. Comme si les mots faisaient corps avec nous et nous emmenaient loin, très loin. Comme si nous devenions nous-mêmes les jouets de cette fatalité d'être femme et de savoir réparer les êtres . Dans un environnement-carcan où toute distinction sonne le glas de toute espérance.

    Tituba avance, trébuche, palpite, se débat. Comme un papillon pris dans une gigantesque toile qui va forcément, un jour, l'engloutir.

    La prose riche et foisonnante de Maryse Condé remet en lumière cette figure oubliée. L'occasion pour elle de ressusciter tout un pan de l'histoire et de donner un éclairage nouveau notamment sur Salem. L'occasion également de capter tous les contrastes de l'âme humaine.

    Bref, vous l'aurez compris: un livre fort qui résonne et retentit comme un chant. Un chant de larmes et de résistance face à ce destin qui accable.

    Et vous, vous l'avez lu?

    Folio, 277 pages

     

  • Circé de Madeline Miller

    Circé

    de

    Madeline Miller

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    "Quand je suis née, le mot désignant ce que j'étais n'existait pas. Ils m'appelèrent donc nymphe, présumant que je serais comme ma mère, mes tantes et des milliers de cousines. Moindres que ceux des déesses mineures, nos pouvoirs étaient si modestes qu'ils garantissaient à peine nos éternités. Nous parlions aux poissons, et soignions les fleurs, cajolions nuages et vagues pour en extraire des gouttes d'eau et de sel. Ce terme de nymphe englobait notre futur en long et en large. Dans notre langue, il ne signifie pas seulement déesse, mais aussi jeune mariée."

    Au fil des pages, se déroule devant nous l'histoire de Circé. Circé, la magicienne. Circé, la sorcière, fille d'Hélios et de Persé. Elle a développé l'art de la "pharmakia", ou magie par les plantes, pour rendre immortel Glaucos, son premier amour. Mais, très vite, ses pouvoirs ont effrayé les dieux et ils l'ont exilée sur une île déserte.

    De cet isolement, Circé en a fait une force. Mais, parfois, son indépendance et son amour de la liberté ont été mis à mal par certains des hommes ou des dieux qui ont croisé son chemin...

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    Toute petite, j'étais fascinée par la mythologie grecque et romaine. Et cette prédilection ne m'a jamais vraiment quittée. Aussi, j'ai été ravie de pouvoir me plonger dans ce roman.

    Je ne connaissais que très peu Circé. Je n'avais retenu d'elle que le passage qui lui était consacré dans l'Odyssée. Elle transformait notamment les compagnons d'Ulysse en cochons. Ce roman m'a donc permis de remplir tous les blancs.

    L'autrice nous offre un récit initiatique dense. De Circé, nous apprenons l'enfance, l'adolescence, les premières amours, la trahison de Glaucos, la découverte de la magie, l'exil, les rencontres qui ont marqué le fil de son existence.... Tous ces événements nous sont contés par la voix même de la magicienne. Cet aspect "mémoires" confère encore plus de force à l'intrigue.

    Chapitre après chapitre, le lecteur est happé, tant par le destin passionnant de l'héroïne que par le portrait des hommes qui gravitent autour d'elle. Dédale, Jason, Ulysse, Télémaque, Hermès... croisent  ainsi sa route.

    J'ai beaucoup aimé le parti pris de Madeline Miller de ne pas forcément respecter le canon autour de ces personnages et de se livrer à une analyse psychologique poussée, notamment en ce qui concerne Ulysse. Sans trop vous en révéler, je ne m'étais pas interrogée dans ce sens. Et les témoignage croisés de Circé, Pénélope et Télémaque livrent une autre perspective sur ce héros grec.

    A cette remise en question de nos certitudes autour des mythes se superpose une réflexion résolument moderne autour de la place de la femme. Dans une société profondément patriarcale, Circé fait figure d'exception. Elle se révèle une femme indépendante, courageuse, cultivée et intelligente. Sans cesse, elle résiste. A la domination masculine. Aux résolutions des dieux. A ses sentiments, parfois, aussi. 

    Les pages se tournent toutes seules. Les rebondissements s'enchaînent. La nature âpre et sauvage nous encercle. Les émotions nous assaillent. Et, bien trop vite, la fin arrive. Que j'aurais aimé rester avec cette magicienne!

    Bref, vous l'aurez compris: ce roman propose un vibrant portrait de femme libre, indépendante, en proie à des émotions quelquefois contradictoires et qui refuse d'être le jouet des hommes ou des dieux. Je ne peux que recommander sa lecture aux amateurs de mythes et à ceux qui souhaitent découvrir les contes mythologiques.

    Rue Fromentin, 2018, 436 pages