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tragédie

  • Le Secret du mari de Liane Moriarty

    Le Secret du mari

    de

    Liane Moriarty

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    "Pauvre, pauvre Pandore.  Zeus lui confie une mystérieuse jarre et l'envoie ici-bas pour épouser Epiméthée, un type passablement intelligent qu'elle n'a jamais vu de sa vie. Personne ne lui a dit de ne pas ouvrir la jarre. Bien évidemment, elle l'ouvre. De toute façon, elle n'a rien d'autre à faire. Comment pouvait-elle savoir que les maux les plus vils s'en échapperaient pour tourmenter l'humanité à jamais, et que seul l'espoir y resterait enfermé? Une étiquette de mise en garde, c'était trop demander?"

    Banlieue de Sydney, de nos jours: c'est un lundi pas comme les autres pour Cecilia. Alors qu'elle vaquait à ses occupations, selon une mécanique bien huilée, elle a trouvé dans le grenier une lettre de son mari John-Paul. Sur l'enveloppe, figure la mention: "A n'ouvrir qu'après ma mort". Forcément, telle une Pandore moderne, Cecilia n'a qu'une envie: décacheter la missive et savoir ce qu'elle contient. 

    Pour Rachel, ce lundi n'est pas comme les autres non plus: elle vient d'apprendre que son fils allait partir s'installer avec son épouse et leur enfant à New York pour une durée de deux ans. Cette nouvelle agit comme une sorte de cataclysme. Et réactive encore plus le sentiment de deuil de cette femme qui a perdu dans des circonstances tragiques sa fille. Personne n'a jamais compris qui l'avait étranglé et Rachel n'arrive pas à surmonter cette épreuve. Face au départ de son petit fils, son obsession concernant l'identité du meurtrier s'accroît et pourrait même avoir de désastreuses conséquences.

    Pour Tess, ce lundi n'est pas du tout comme les autres non plus. Depuis l'enfance, elle est proche de sa cousine Felicity. Elles ont tout partagé jusqu'à créer leur propre boîte avec Will, le mari de Tess. Cependant, tout vient de voler en éclats: Felicity et Will sont amoureux et veulent vivre leur passion au grand jour. Ne reste pour Tess qu'une solution: fuir avec son fils et partir s'installer chez sa mère, à Sydney.

    Trois femmes à un tournant de vie. Trois femmes qui vont vivre une semaine qui va tout changer et faire basculer leur destin.

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    Cela faisait longtemps que je voulais lire un roman de Liane Moriarty. Je me suis donc tournée pendant les vacances vers son premier. 

    J'ai immédiatement aimé cette atmosphère à la Desperate Housewives. Nos trois héroïnes évoluent dans une banlieue aisée de Sydney. Dans cet univers aseptisé, tout semble aller. Les mères emmènent leurs enfants à l'école, créent leurs costumes, se retrouvent entre elles pour boire des cafés, des verres de vin et participer à des réunions tupperware. Les drames ne sont pas légions dans cet endroit. Et les secrets restent dissimulés derrière les façades bien lisses. L'autrice démontre un vrai talent pour créer une ambiance et c'est là l'une des qualités principales de son livre.

    Malgré le titre de cet ouvrage, ce n'est pas la découverte du secret qui importe, c'est le poids de ce secret et ses conséquences. Dès le premier chapitre, on sait que Cecilia a une lettre porteuse d'un secret de son mari. Elle qui croyait que son union était des plus heureuses, la perspective de ce secret caché lui montre les béances de sa vie conjugale. Elle tente de comprendre la teneur de ce mystère mais ses hypothèses lui font du mal. Jusqu'à la révélation de ce secret et l'impact qu'il a.

    La psychologie des personnages se révèle fouillée, notamment en ce qui concerne Cecilia, Rachel et leur entourage. Un peu, comme les pièces d'un puzzle, chaque morceau de leur caractère, de leurs interactions s'assemble et une sorte de portrait de groupe s'esquisse. Un portrait sans cesse mouvant et dont l'équilibre peut se révéler fragile. 

    En revanche, je dois avouer que j'ai moins accroché au segment narratif concernant Tess. Autant les autres voix de cette chorale féminine m'ont plu, autant j'ai trouvé celle de Tess moins aboutie, moins intéressante. Je comprends l'intérêt de cette protagoniste quant à l'illustration d'une autre vision de la vie conjugale. Mais je regrette son traitement.

    Le Secret du mari appartient à ces œuvres qui nous font réfléchir sur la fragilité de nos existences et sur la façon dont nos destins peuvent basculer à tout moment.

    "Les mille autres chemins que nos vies auraient pu, et peut-être dû prendre, nous restent à jamais inconnus. C'est probablement pour le meilleur. Certains secrets sont faits pour demeurer secrets. Ce n'est pas Pandore qui vous dirait le contraire."

    Les références mythologiques et catholiques émaillent le récit. La plus évidente reste évidemment celle à Pandore. Tout de suite, avec ce préambule sur cette malheureuse humaine, nous dressons une comparaison entre elle et Cecilia. Néanmoins, une fois plusieurs chapitres clos, on se rend bien compte que nos trois héroïnes sont chacune à leur façon des Pandore en puissance. Est-ce que l'espoir leur reviendra devient d'ailleurs une question sous jacente dans l'esprit du lecteur.

    Quant à la dimension catholique, elle apparaît dans le choix de l'établissement fréquenté par les enfants de Cecilia, de Tess et par Rachel comme secrétaire. Mais elle est aussi visible dans le choix de la semaine pour situer l'action. Il s'agit de celle de Pâques. Comme si les secrets devaient éclater pour mieux renaître. Comme si, à l'instar du Christ, il fallait expier ses péchés pour en quelque sorte "ressusciter".

    Bref, comme vous l'avez sans doute perçu à la lecture de ce billet, j'ai apprécié ce premier roman pour son ambiance, son histoire, le choix de certaines péripéties et la psychologie des personnages. Mais j'ai regretté certains effets de style comme ses flash-forward pas toujours idéalement placés et je n'ai pas vu beaucoup d'intérêt dans l'arcane narrative concernant Tess.

    Le Livre de Poche, 2015, 499 pages

    Billet dans le cadre du challenge de Bianca Un pavé par mois

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  • Treize raisons

    Treize raisons

    une série Netflix de Brian Yorkey

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    "Salut, c'est Hannah. Hannah Baker. Eh oui! Pas la peine de régler...ce sur quoi tu écoutes ça. C'est moi en direct et en stéréo. Pas de remboursement, pas de bis et cette fois-ci, absolument pas de réclamations. "

    Hannah Baker, une jeune lycéenne, s'est suicidée quelque temps auparavant. Clay Jensen, un de ses camarades de classe, semble avoir du mal à se remettre de sa mort. Un soir, il trouve devant sa porte une boîte à chaussures. A l'intérieur: 13 cassettes audio. Il se met à écouter la première et reconnaît la voix de la disparue.

    "Mange un truc. Installe-toi.

    Parce que je vais te raconter l'histoire de ma vie.

    Plus précisément, pourquoi ma vie s'est arrêtée.

    Et si tu écoutes cette cassette..., tu en es une des raisons. "

    13 cassettes pour 13 raisons que nous allons découvrir en compagnie de Clay Jensen au fil de ces 13 épisodes.

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    Cette nouvelle série Netflix, je l'attendais avec impatience. Parce que j'avais beaucoup apprécié le roman de Jay Asher dont elle est adaptée/Parce que j'étais curieuse aussi de voir comment ce sujet à la fois si douloureux et si nécessaire du harcèlement et de ses conséquences allait être traité sur petit écran.

    En soi, le sujet du harcèlement au lycée n'est pas novateur. On le retrouve dans beaucoup de "teen movies" mais il y est plus souvent abordé de manière optimiste car les héros s'en sortent, après maintes péripéties.

    Là, il n'en est rien. Dès les premières images, on assiste à la chronique d'une mort annoncée et au mécanisme implacable qui a conduit au décès d'Hannah Baker. Un peu comme dans une tragédie grecque où les personnages principaux tentent de s'affranchir de leur destin et échouent. Il en va de même pour notre protagoniste qui voit toutes ses portes de sortie se fermer les unes après les autres.

    "Si ça s'était passé autrement, ça ne serait peut-être jamais arrivé"

    Voici une question lancinante qui revient tout au long du visionnage, aussi bien chez le spectateur que chez ceux qui écoutent les cassettes, transformés en audience malgré eux. J'ai beaucoup aimé cette idée du double niveau d'écoute car elle nous permet encore plus de nous identifier aux autres qui ne sont pas forcément nous mais dont certaines lâchetés humaines peuvent faire miroir avec les nôtres (je n'évoque bien entendu que les raisons les moins "graves").

    Cette assimilation peut donc jouer le rôle d'un électrochoc pour le public et servir le propos didactique de cette série, à savoir la lutte contre toutes les formes de harcèlement.

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    Mais il ne faut pas réduire Treize raisons à la nécessité de se battre et de porter secours à ceux qui sont plongés dans la solitude par des bourreaux ordinaires.

    Non, cette série constitue également à une enquête. Une enquête sur tous les crimes qui ont pousséHannah Baker au suicide. A l'inverse du roman qui se concentrait sur le contenu des cassettes et l'impact sur Clay, la série permet de développer les interactions entre tous ceux concernés au premier plan et d'accroître le suspense. On pressent parfois la gravité de certains rebondissements mais on ne les devine jamais tout à fait.  On s'interroge aussi sur qui détient vraiment la vérité: Hannah? les autres? un peu des deux? De même, on mesure mieux l'impact du geste de l'héroïne et comment sont gérés la douleur et la culpabilité par son entourage.

    J'ai bien aimé ce parti pris narratif, même si je dois avouer que je n'ai pas toujours été convaincue par la pertinence de certains ajouts. Je pense notamment à certaines scènes entre le directeur et le conseiller dans les toilettes ou celle entre un professeur et le même conseiller. Peut-être est-ce dû à la prestation de ces acteurs...Qui ne m'ont pas toujours semblé justes.

    En revanche, le casting "adolescent" est incroyable. Tous, avec en tête Dylan Minette (Clay) et Katherine Langford (Hannah Baker), incarnent à merveille leurs personnages. J'ai également été bluffée par Kate Walsh, la mère d'Hannah qui aurait pu en faire trop dans le registre de la douleur mais demeure impeccable en femme broyée par le chagrin et minée par les doutes.

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    Malgré sa tonalité profondément tragique, 13 raisons parvient à offrir de belles séquences, un peu comme si elles épousaient les battements du cœur d'Hannah, toujours sur le fil de l'espoir. Je fais notamment référence à celles entre Hannah et Clay, dans le cinéma où il travaille ou aux après-midis "chocolat" avec Jessica et Alex au Monet. On se laisse prendre nous aussi au jeu et on espère, malgré tout...Et la chute n'en est que plus terrible.

    Bref, vous l'aurez compris: je ne peux que vous recommander cette série, sans faux-semblants, autour du harcèlement et qui parvient, malgré son sujet douloureux, à ménager quelques ilots de poésie.

    13 raisons, Netflix, 2017, 13 épisodes