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destins de femmes

  • Château de femmes de Jessica Shattuck

    Château de femmes

    de

    Jessica Shattuck

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    "La fête des moissons que donnait la comtesse était toujours très courue. Ce jour-là, il pleuvait des cordes. La pluie s'acharnait contre le vieux château des von Lingenfelds-fuites en jets, parquets trempés, façade jaune devenue aussi noire que la carapace d'un scarabée."

     

    Une fête dans un château. Comme les ultimes feux de joie juste avant le basculement. Mais déjà dans cette nuit de 1938, retentissent les exactions perpétrées contre les Juifs et se nouent des alliances pour faire tomber Hitler.

    Marianne von Lingenfels prête aussi un serment ce soir là : celui de toujours protéger les femmes et les enfants de ces résistants.
    Un serment qui va l'engager à jamais et la relier à deux femmes en particulier : Benita et Ania.
    C'est leurs destins que nous allons suivre dans l'Allemagne de 1945, de 1950 et de 1991. Trois époques décisives entre déroute, choix, pertes de repères et renoncements. Trois époques marquées par les lambeaux d'un passé qui les étreint à jamais.

    Se défaire du passé pour faire peau neuve/ l'enterrer dans les tréfonds de sa mémoire pour recommencer/porter à jamais le poids de la culpabilité/ entretenir le souvenir des morts quitte à ne pas se reancrer dans le flot de la vie. Telles sont les questions qui se posent pour nos héroïnes. Mais peut-on oublier vraiment ?

    Ce roman, je l'ai découvert grâce à Mélina et je l'en remercie. Pendant quelques heures, j'ai ainsi voyagé auprès de ces trois protagonistes.

    Marianne, Benita et Ania permettent à l'autrice d'exposer le destin des femmes dans l'Allemagne vaincue. Des femmes qui ont subi chacune des violences pendant le conflit, qu'elles soient d'ordre moral ou physique. Des femmes qui ont dissimulé ou participé. Des femmes qui nous permettent de mieux saisir aussi le fardeau de ces années à jamais gravées en elles. Des femmes sans doute miroirs de bien d'autres femmes.

    La construction, de cette fête introductive à cette fête reunificatrice, suit une logique chronologique. Mais pour mieux illustrer le propos, elle épouse parfois les méandres de la mémoire avec des retours à des moments anciens. Une construction certes classique mais que j'ai trouvée intéressante.

    Tout comme j'ai apprécié la manière dont Jessica Shattuck dépeint ces personnages.

    En revanche, je crois que parfois, j'aurais aimé qu'elle développe plus certains épisodes comme cet attentat ou le conflit pour Marianne ou Dresde. Même si je comprends ces silences qui font exister les femmes en dehors des hommes et symbolisent bien toutes ces absences de réponses liées à ces temps troublés.

    Bref, vous l'aurez compris : malgré ce bémol, Château de femmes constitue une lecture intéressante sur une période de l'histoire, celle de l'après, que je connais moins.
     
    Editions Points, collection Grands romans, traduit de l'anglais par Laurence Kiefé, 470 pages

     

  • Pressentiments de Katherine Webb

    Pressentiments

    de

    Katherine Webb

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    "Ma très chère Amélia,

    Nous avons ici une matinée de printemps splendide en ce jour qui sort un peu de l'ordinaire. La nouvelle servante arrive aujourd'hui. Vu la réputation qui la précède, j'avoue éprouver une certaine nervosité, mais je suis sûre que cette Cat Morley ne peut être entièrement mauvaise."

    Mai 1911, dans le village de Cold Ash Holt, le pasteur et sa femme s'apprêtent à accueillir une domestique supplémentaire. Ils ont quelque peu hésité à l'engager car elle vient de purger une courte peine de prison.

    En 2011, en Belgique, le cadavre d'un soldat mort pendant la Première Guerre mondiale est retrouvé, avec dans ses poches deux lettres signées d'une certaine H. Canning.

    "Je vous demande instamment de m'écrire. De me dire ce que vous savez sur ce qui s'est passé cet été-là. Je vous en supplie! Même si vous pensez que vos réponses ne m'apporteront pas la tranquillité, je dois savoir. Vivre dans la peur et le soupçon est intolérable, bien que j'aie porté ce fardeau ces quatre dernières années"

    Intriguée par le contenu de ses missives, Leah, une journaliste, entreprend de mener une enquête. Une enquête qui va la ramener à cet été 1911 dans le village de Cold Ash Holt.

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    Je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant de le trouver lors d'une de mes pérégrinations en librairie. J'ai été immédiatement attirée par le titre et la couverture et je l'ai dévoré.

    Le récit se déroule sur deux époques différentes: 1911 et 2011. Mais très vite, c'est l'intrigue du passé qui l'emporte sur celle du présent (tant en terme d'intérêt qu'en terme de volume).

    On suit essentiellement le destin de deux femmes. D'un côté, Cat Morley, très éprouvée par son incarcération et qui ne supporte pas sa situation de servante et de l'autre, Hester Cannelly, une jeune femme issue d'un milieu aisé, très naïve et qui souffre de l'indifférence de son mari.

    Avec ces deux protagonistes, Katherine Webb parvient à brosser un portrait de la condition féminine en Angleterre en ce début de 20ème siècle. Cat et Hester sont toutes les deux, et pour des raisons très différentes, enfermées dans leur vie. Alors que Cat essaie de changer le cours de son destin, Hester subit plus le sien.

    Le personnage de Cat Morley permet également d'évoquer le combat des femmes pour obtenir le droit de vote. En effet, Cat est une suffragette et se retrouve emprisonnée à la suite d'une manifestation. En cellule, elle subit d'atroces souffrances telles que le gavage.

    Mais une autre thématique est également développée dans ce roman: celle de la croyance dans des fées de la nature. Une croyance qui se répand (elle touchera notamment Conan Doyle) et qui passionne soudainement le pasteur Cannelly et qui le pousse à inviter Robin Durrant, un théosophe. L'arrivée de cet inconnu va bouleverser l'équilibre du presbytère.

    J'ai justement aimé cette atmosphère lourde de secrets, de tabous, de désirs enfouis, de menaces....Et j'ai trouvé que l'arc narratif de 2011 ne faisait pas le poids face à cette ambiance. Je n'ai jamais réussi à vraiment m'intéresser à Leah que je trouve inconsistante face à Cat et Hester. Je me demande même si elle n'a pas été créée pour justifier ce retour dans le passé et épaissir un peu le mystère qui entoure cet été 1911.

    De même, j'aimerais souligner un autre bémol: le choix du titre. Je préfère l'anglais "the unseen" qui rend mieux compte de l'importance de ces fées de la nature dans l'intrigue et du rôle qu'elles vont jouer dans ce drame.

    Bref, vous l'aurez compris: Pressentiments constitue une saga familiale réussie.

    Pocket, 2014, 499 pages, 8,10 €