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seconde guerre mondiale

  • La Maison allemande d'Annette Hess

    La Maison allemande

    de

    Annette Hess

    la maison allemande, annette hess, babel, actes sud, littérature allemande, second procès d'auschwitz, littérature allemande, roman, culpabilité, procès, stéphanie lux, roman allemand, seconde guerre mondiale

    "Il y avait eu un nouveau départ d'incendie cette nuit-là. Eva le sentit immédiatement en sortant sans manteau dans la rue, silencieuse en ce dimanche et recouverte d'une mince couche de neige. Cette fois, ce devait être tout près de chez eux. L'odeur âpre masquait celle de la ville en hiver: une odeur de caoutchouc carbonisé, de tissu brûlé, de métal fondu, mais aussi de cuir et de pelage roussi."

    En cette année 1963, Eva nourrit un rêve : celui d'épouser Jurgen, un jeune homme au niveau social élevé qui l'emmènerait bien loin du restaurant de ses parents, situé dans les quartiers populaires de Francfort.

    Un soir, alors que la présentation officielle de son prétendant a lieu, elle est appelée en qualité d'interprète et elle se retrouve engagée pour traduire les témoignages des Polonais lors du « second procès d'Auschwitz ».

    Un procès qui la confronte à la réalité des camps de concentration.

    Un procès qui remet en cause tous les fondements de son existence.

    Voici un roman que j'ai remarqué grâce à une story de mon amie @bouquinsetbiquettes. J'ai été immédiatement attirée par le sujet qui m'a rappelé celui du film le Labyrinthe du silence.

    C'est en effet le silence qui prédomine en partie dans ce livre. Le silence lourd et palpable de ceux qui découvrent l'horreur et la barbarie. Le silence de ceux qui taisent leur passé. Témoins ou complices. Le silence de ceux qui ploient sous la chape de leurs souvenirs et de leur culpabilité.

    Et puis, face à ce silence, il y a les pleurs et les mots. Les mots pour dire ce qui a été et ce qui n'est plus. Les mots pour accuser ou défendre. Les mots pour se sauver. Envers et contre tout.

    Les mots pour trouver ou retrouver son identité. Comme Eva qui vacille dans ses certitudes.

    J'ai beaucoup aimé la manière dont les thèmes s'entremêlent dans ce livre. Sans manichéisme.

    Par le prisme de l'héroïne et par celui de David, un des procureurs adjoints, le déroulement du procès nous est dépeint. Succession de séquences fortes qui frappent et touchent en plein cœur.

    A ce pivot central de l'intrigue viennent se greffer des réflexions autour de la condition des femmes, autour de la notion de la culpabilité, autour de la vieillesse, autour de la reconstruction. Ce qui contribue à rendre encore plus dense l'atmosphère de cet ouvrage.

    Pour autant, l'action ne ralentit jamais. En effet, Annette Hess parvient à trouver l'équilibre entre scènes d'ensemble et scènes individuelles et à toujours relancer la narration.

    Finalement, je n'aurais qu'un seul bémol : la manière peut-être un peu rapide à mon sens de faire évoluer le destin de la sœur d'Eva.

    Bref, vous l'aurez compris : une œuvre très réussie autour de la mémoire, de l'oubli et de la responsabilité. Je ne peux que vous conseiller de la découvrir à votre tour.

    Traduit de l'allemand par Stéphanie Lux, Actes Sud, 2019, 394 pages

  • Confusion de Elizabeth Jane Howard

    Confusion

    de

    Elizabeth Jane Howard

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    "La pièce était fermée depuis une semaine; le store de calicot à la fenêtre sud donnant sur le jardin de devant avait été baissé; une lumière couleur parchemin baignait l'air froid et confiné. Polly gagna la fenêtre et tira le cordon. Le store se releva dans un claquement sec et la pièce s'éclaircit pour se parer d'un gris sans chaleur, plus pâle que le ciel tourmenté envahi de nuage."


    Depuis le mois de mars 2020, j'ai rendez-vous avec eux. Les Cazalets.

    Si vous ne connaissez pas encore les Cazalets, il s'agit d'une grande famille anglaise qui nous convie dans ses demeures à la campagne ou à Londres et nous confie leurs bonheurs, leurs élans du cœur et leurs peurs.

    Pour ce troisième opus, l'heure est à la confusion. Confusion liée à l'attente pour ceux qui restent et au fracas du monde dans ces dernières années de guerre. Confusion également des sentiments où les adultes s'empêtrent dans des situations sentimentales inextricables et où certains enfants devenus grands font leurs premières armes.
    Une des joies de ce roman a d'ailleurs résidé dans l'évolution de Polly et de Clary. Aussi bien en termes de relation entre elles qu'en termes d'ouverture aux autres. J'ai été particulièrement sensible aux transformations de Clary qui devient une jeune femme très émouvante, entre maladresses et déclarations poignantes.

    Autre régal de cet ouvrage: les passages consacrés à Archie. Archie, introduit dans le précédent volet et qui devient un personnage pivot. Pivot à la fois pour les intrigues et pour les confidences. Et qui illustre à merveille tout le talent d'Elizabeth Jane Howard pour créer des héros marquants.

    De même, encore une fois, j'ai été frappée par la capacité de l'autrice pour nous embarquer dans toutes les histoires de ses protagonistes et pour livrer une narration d'une grande fluidité, malgré la multiplicité des points de vue.

    A cet art de conteuse se superpose un art de la séquence. En effet, je sais déjà que certaines scènes m'accompagneront longtemps. Comme celle d'une rencontre dans un train. D'un pique-nique. D'un échange à l'ombre d'un arbre sur un banc lors d'une soirée de liesse.

    Voilà, mes retrouvailles avec les Cazalets sont finies et c'était merveilleux. Vivement la parution du prochain tome pour répondre à toutes les questions laissées en suspens.
     
    Un grand merci aux éditions la Table ronde pour cet envoi.

    Traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff. 
     
    Editions la Table ronde, 2021, 480 pages
     
  • Château de femmes de Jessica Shattuck

    Château de femmes

    de

    Jessica Shattuck

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    "La fête des moissons que donnait la comtesse était toujours très courue. Ce jour-là, il pleuvait des cordes. La pluie s'acharnait contre le vieux château des von Lingenfelds-fuites en jets, parquets trempés, façade jaune devenue aussi noire que la carapace d'un scarabée."

     

    Une fête dans un château. Comme les ultimes feux de joie juste avant le basculement. Mais déjà dans cette nuit de 1938, retentissent les exactions perpétrées contre les Juifs et se nouent des alliances pour faire tomber Hitler.

    Marianne von Lingenfels prête aussi un serment ce soir là : celui de toujours protéger les femmes et les enfants de ces résistants.
    Un serment qui va l'engager à jamais et la relier à deux femmes en particulier : Benita et Ania.
    C'est leurs destins que nous allons suivre dans l'Allemagne de 1945, de 1950 et de 1991. Trois époques décisives entre déroute, choix, pertes de repères et renoncements. Trois époques marquées par les lambeaux d'un passé qui les étreint à jamais.

    Se défaire du passé pour faire peau neuve/ l'enterrer dans les tréfonds de sa mémoire pour recommencer/porter à jamais le poids de la culpabilité/ entretenir le souvenir des morts quitte à ne pas se reancrer dans le flot de la vie. Telles sont les questions qui se posent pour nos héroïnes. Mais peut-on oublier vraiment ?

    Ce roman, je l'ai découvert grâce à Mélina et je l'en remercie. Pendant quelques heures, j'ai ainsi voyagé auprès de ces trois protagonistes.

    Marianne, Benita et Ania permettent à l'autrice d'exposer le destin des femmes dans l'Allemagne vaincue. Des femmes qui ont subi chacune des violences pendant le conflit, qu'elles soient d'ordre moral ou physique. Des femmes qui ont dissimulé ou participé. Des femmes qui nous permettent de mieux saisir aussi le fardeau de ces années à jamais gravées en elles. Des femmes sans doute miroirs de bien d'autres femmes.

    La construction, de cette fête introductive à cette fête reunificatrice, suit une logique chronologique. Mais pour mieux illustrer le propos, elle épouse parfois les méandres de la mémoire avec des retours à des moments anciens. Une construction certes classique mais que j'ai trouvée intéressante.

    Tout comme j'ai apprécié la manière dont Jessica Shattuck dépeint ces personnages.

    En revanche, je crois que parfois, j'aurais aimé qu'elle développe plus certains épisodes comme cet attentat ou le conflit pour Marianne ou Dresde. Même si je comprends ces silences qui font exister les femmes en dehors des hommes et symbolisent bien toutes ces absences de réponses liées à ces temps troublés.

    Bref, vous l'aurez compris : malgré ce bémol, Château de femmes constitue une lecture intéressante sur une période de l'histoire, celle de l'après, que je connais moins.
     
    Editions Points, collection Grands romans, traduit de l'anglais par Laurence Kiefé, 470 pages