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roman sur l'amitié

  • Belle Epoque de Elizabeth Ross

    Belle-Epoque

    de

    Elizabeth Ross

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    "Parfaite, tout simplement parfaite.

    Le petit bonhomme bedonnant me scrute sous tous les angles. Son gros ventre menace de faire sauter les boutons de son gilet. M. Durandeau, j'imagine, même s'il n'a pas eu la politesse de se présenter. Il tourne autour de moi tandis que je reste pétrifiée au milieu du salon. Un parfum indéfinissable flotte dans l'air"

    Après avoir entendu ses voisines parler de son futur mariage avec le boucher, Maude Pichon a décidé, à tout juste 16 ans, de fuir sa Bretagne natale. Récemment débarquée à Paris, elle peine à joindre les deux bouts. Jusqu'au jour où elle répond à l'annonce d'un certain M. Durandeau...

    Ce dernier a monté une agence qui propose un service unique à ses clientes: elles peuvent louer un repoussoir qui mettra leur beauté en valeur.

    Après quelques hésitations, Maude accepte ce travail et est engagée par la comtesse Duberne pour servir de faire-valoir à sa fille Isabelle.

    Mais tout se complique quand notre héroïne devient amie avec la jeune fille....

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    J'ai immédiatement été attirée par la superbe couverture de cet ouvrage. Aussi, quand il est arrivé à la médiathèque, je l'ai emprunté immédiatement et dévoré en deux jours.

    Il s'agit du premier roman d'Elizabeth Ross. Elle s'est inspirée des Repoussoirs, une nouvelle d'Emile Zola. Ce court récit narre "comment un individu nommé Durandeau fonde une agence de location de femmes laides qui vont servir de faire-valoir à des clientes issues de la bonne société." Une manière pour l'écrivain de dénoncer une "bourgeoisie qui ne s'embarrasse pas de scrupules, capable qu'elle est de faire de la laideur féminine une marchandise comme une autre".

    Dès les premières pages, on découvre la fameuse agence Durandeau. Après avoir été évaluée sur son physique par le directeur, Maude Pichon passe son premier "casting". Avec tous les autre faire-valoirs, elle se retrouve scrutée par une cliente potentielle. Et réussit à être engagée.

    Cette scène très forte a immédiatement retenu mon attention. On a l'impression que ces femmes choisies sur leur physique se voient retirer toute humanité et se transforment en bétail. Un bétail sélectionné selon des critères bien particuliers.

    Dans ces conditions, on ne peut que comprendre la réaction de Maude et son refus. Mais la vie pour une jeune femme, fraîchement débarquée de la province, se révèle difficile dans le Paris de 1889. Elle tente d'exercer d'autres professions (blanchisseuse..). Cependant, bien vite, elle doit se résoudre à accepter le poste qui lui est proposé. Comme toutes celles qui l'ont précédé...

    On lui confie la tâche de repoussoir auprès d'une jeune femme noble, Isabelle, qui vient de faire son entrée dans le monde et que sa mère espère voir fiancée avant la fin de la saison.

    Comme Maude, Isabelle refuse son destin.

    "Il y'a tout un monde au-delà de cette société brillante, un nouveau siècle pointe le bout de son nez. Mais pour moi, la vie se limitera éternellement à ça: une alliance avec un homme bien né"

    Ces deux héroïnes, ainsi que toutes les figures féminines qui gravitent autour d'elles, permettent à la romancière de dresser un portrait de la condition des femmes à la fin du 19ème siècle.

    Un tableau bien sombre car on se rend compte que chacune d'elles, peu importe sa position dans l'échelle sociale, se retrouve prisonnière. Prisonnière de son rang, prisonnière de son image, prisonnière de sa réputation...Et il faut beaucoup de courage pour se sortir de tous ces carcans.

    Mais Belle Epoque nous plonge également dans le Paris de 1889. On se promène dans les différents quartiers. On assiste aux bouleversements induits par l'Exposition universelle, à l'instar du chantier de la Tour Eiffel qui suscite tant de critiques...On fraye avec les artistes de Montparnasse (dont une certaine Suzanne Valadon)...

    De même, on découvre la bonne société, celle qui impressionnait tant notre héroïne quand elle était plus jeune. C'est là justement où le schéma narratif se révèle le plus efficace. Le "je" de Maude se fait évolutif au fil des pages. A la fascination et la naïveté des débuts (le premier bal, le premier opéra...) succèdent un certain désenchantement et une prise de conscience quand elle va au-delà des apparences.

    Cette problématique des apparences se trouve bien évidemment au cœur de l'intrigue. Chacun des protagonistes y apporte sa réponse...Et je trouve cette thématique particulièrement intéressante car elle se fait l'écho de ce qui se passe dans notre société contemporaine, où l'image se révèle primordiale.

    J'ai aussi apprécié le fait que je ne m'attendais pas à tous les rebondissements imaginés par Elizabeth Ross. Même si j'ai regretté la fin un peu trop rapide et certaines résolutions un peu trop simplistes.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai vraiment passé un très agréable moment en compagnie de ce roman d'apprentissage bien documenté, doté de personnages attachants et d'une histoire originale.

    Robert Laffont, collection "R", 2013, 17,90 €

    Billet dans le cadre du challenge 19ème siècle

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  • La Petite fille de monsieur Linh

    La Petite fille de Monsieur Linh

    de

    Philippe Claudel

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    "C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est le seul à savoir qu'il s'appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui.

    Debout à la poupe du bateau, il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort."

    Monsieur Linh fuit un pays où il a vu mourir tous ses proches. Tous à l'exception d'une enfant de six semaines.

    "Le lait qu'il donne à l'enfant coule sur le bord de ses lèvres. Monsieur Linh n'a pas l'habitude encore. Il est maladroit. Mais la petite fille ne pleure pas. Elle retourne au sommeil, et lui, il revient vers l'horizon, l'écume du sillage et le lointain dans lequel, depuis bien longtemps déjà, il ne distingue plus rien"

    Puis, il arrive dans un pays nouveau, au milieu d'une centaine d'autres réfugiés. Commence alors pour lui et sa petite fille une nouvelle vie...Loin de leurs racines...

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    J'avais adoré deux autres romans de Philippe Claudel: Les âmes grises et le Rapport de Brodeck. Aussi, quand nous avons décidé de nous lancer avec Bianca dans cette lecture commune, j'étais ravie de retrouver l'univers de cet écrivain.

    Ce récit s'apparente à un conte. Certes, il ne débute par la formule rituelle "il était une fois". Mais il revêt très vite une dimension intemporelle en raison de l'usage des articles indéfinis. Rien n'est jamais précisé. On reste toujours dans le flou concernant l'identité de l'entourage de Monsieur Linh: "des hommes". La ville qui accueille le réfugié ressemble à toutes les villes en bord de mer, avec ses villas proprettes, ses banlieues, son parc...

    Seuls se détachent les héros de l'histoire: Monsieur Linh, sa petite fille "Sang diû", "ce qui dans la langue du pays veut dire "Matin doux"" et Monsieur Bark.

    Trois personnages très forts: deux qui vivent dans la souffrance et doivent faire le deuil et un qui les apaise par son innocence.

    Ce roman aborde la thématique du déracinement et de l'exil. Monsieur Linh a dû fuir son pays et se retrouve propulsé dans un univers très différent. On sent qu'il a du mal à trouver ses repères. En témoignent certains moments tels que la première balade dans la rue, la visite médicale...

    Heureusement, sa rencontre avec Monsieur Bark va lui redonner le goût de la vie.

    Monsieur Bark est veuf depuis deux mois et tous les jours, il s'asseoit sur le banc où il avait l'habitude d'attendre son épouse, la propriétaire du manège.

    Entre ces deux solitaires que sépare l'obstacle de la langue va se nouer une très belle relation d'amitié. Certains passages de confessions m'ont beaucoup émue. Tout comme j'ai été très touchée par les chansons que Monsieur Linh entonne quand il sent son voisin au bord de la rupture.

    J'ai été de nouveau conquise par le style de Philippe Claudel. Simple, puissant, toujours juste...

    Les pages se sont enchaînées, jusqu'à la note ultime d'espoir. Et la surprise...Je ne vous en dirai pas plus car je ne veux pas gâcher le plaisir de votre lecture. Mais je ne m'attendais pas du tout à ce dénouement, en dépit des nombreux indices dissimulés au fil de l'intrigue.

    Bref, vous l'aurez compris: même s'il n' a pas été un coup de coeur comme les Ames grises ou le Rapport de Brodeck, je me suis laissée de nouveau embarquer dans le bel univers de cet écrivain français. Si vous cherchez un ouvrage optimiste, émouvant et qui fait réfléchir, alors La petite fille de Monsieur Linh est faite pour vous.

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Bianca.

    Le Livre de Poche, 2013, 183 pages, 5,60 €