L'Héritage
de
Katherine Webb
"Caroline retrouva ses esprits. A mesure que son hébétude se dissipait, elle prit conscience qu'une myriade de pensées voletaient dans son esprit tels des oiseaux en cage, si rapidement qu'elles étaient insaisissables. Elle se leva en chancelant."
Storton Manor, en Angleterre, Beth et Erica Calcott viennent d'hériter, de leur grand-mère, le manoir familial. Un lieu qui a abrité tous leurs jeux d'enfant. Mais un lieu qu'elles ont aussi déserté depuis une vingtaine d'années, suite à la disparition mystérieuse de leur cousin Henry.
Erica espère que ce retour aux sources permettra à sa sœur, dépressive, d'affronter son passé et d'aller de l'avant. Elle est bien loin de se douter que leur séjour va également les lancer sur les traces de Caroline, leur arrière-grand-mère et révéler tout un pan de leur histoire familiale.
Récemment, je vous avais parlé de Pressentiments, le second roman de Katherine Webb. Un ouvrage que j'avais dévoré et qui m'avait fait une forte impression. Aussi, à l'occasion de ce mois anglais, j'ai été ravie de sortir de ma pal la première œuvre de cette auteure de talent.
Dans l'Héritage, on retrouve le type de structure enchâssée que j'affectionne: deux récits, situés à deux époques différentes, s'entrecroisent en permanence.
Tout d'abord, on fait la connaissance de Caroline, une jeune héritière américaine qui vit en compagnie de sa tante à New York. Lors d'une fête, elle rencontre Corin. C'est le coup de foudre et moins d'un mois après, elle se fiance. Malgré les mises en garde de sa tutrice. Malgré la peur qu'elle éprouve à quitter sa vie confortable pour le ranch de son mari dans le Territoire de l'Oklahoma.
"C'était un long voyage que celui de New York à Woodward dans le Territoire de l'Oklahoma, plus de trois mille kilomètres. Le train avalait les états, les uns après les autres, dans sa course vers l'ouest."
Arrivée là-bas, et malgré l'amour qu'elle porte à son époux, notre héroïne est confrontée à un véritable choc des cultures. Non seulement elle découvre l'ampleur des tâches quotidiennes qui l'attendent, mais elle se sent vite déphasée avec les us et coutumes en vigueur. Tout est nouveau pour elle: la présence d'Indiens qu'on lui a toujours décrits comme violents, le laisser-aller dans l'apparence, le climat...
Je me suis passionnée pour cette partie de l'histoire. J'ai trouvé que Katherine Webb savait à merveille parler de cette difficile voire impossible acclimatation, de l'âpreté de cette vie dans les ranchs...
De plus, Caroline constitue un personnage fort, plein de nuances et de contradictions. Un personnage que, tour à tour, on aime et déteste.
Face à elle, son arrière-petite-fille, Erica, celle qui prédomine dans l'intrigue plus contemporaine, se révèle tout aussi intéressante. Et sans doute plus attachante. On ne peut s'empêcher de sourire devant ses maladresses, ses hésitations...
Erica est une trentenaire qui ne parvient pas à se poser. Elle déménage sans cesse et ne travaille que comme remplaçante dans des écoles. Comme si elle ne parvenait ou ne voulait pas s'ancrer. Comme s'il lui manquait un bout de ses racines pour donner un sens à sa vie et se poser.
Dès les premières pages, on devine que ce séjour imposé dans le manoir familial par les clauses restrictives de l'héritage va donner la possibilité à ces deux sœurs de se retrouver et de régler enfin leurs comptes avec le passé.
En effet, ces quelques semaines vont servir de détonateur et déterrer tous les secrets enfouis: la disparition d'Henry, l'enfant inconnu sur la photo de Caroline...
J'ai aimé suivre cette enquête sur l'histoire des Calcott. Je me suis livrée à de nombreuses hypothèses. Pendant longtemps, j'ai cherché les liens entre les deux récits. Et, même si je n'ai pas été totalement étonnée par les révélations (notamment en raison des premières lignes), je ne les avais pas toutes anticipées.
Mais l'intérêt de ce roman à tiroirs réside aussi dans l'ambiance qui y règne. Katherine Webb rend un très bel hommage à la campagne anglaise. Si bien qu'une fois le livre refermé, on a envie de partir se reposer dans ce manoir et de marcher dans les prairies et forêts avoisinantes.
Bref, vous l'aurez compris: une fois encore, j'ai passé un bon moment et je vous recommande L'Héritage, si vous êtes fans comme moi de sagas familiales, de mystères et de destins croisés.
Editions Pocket, 2013, 523 pages, 8,10 €
Billet dans le cadre du mois anglais