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roman à tiroirs

  • La Prisonnière du temps de Kate Morton

    La Prisonnière du temps

    de

    Kate Morton

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    "Si nous nous sommes retrouvés à Birchwood Manor, c'est que les lieux, disait Edward, étaient hantés. Ce n'était pas le cas- pas encore-, mais il faut bien être revêche pour s'abstenir de raconter une bonne histoire sous prétexte qu'elle est fausse. Edward était tout sauf revêche. Sa passion, sa foi aveugle en ce qu'il défendait, même les idées les plus absurdes, constituaient deux des raisons pour lesquelles j'étais tombée amoureuse de lui. Il avait la ferveur du prêcheur: dans sa bouche, n'importe quelle opinion revêtait la puissance d'une parole d'évangile. Il avait aussi le don d'attirer à lui des hommes et des femmes et d'allumer en eux des enthousiasmes incendiaires- brasiers devant lesquels tout pâlissait, hormis Edward et ses convictions."

    A l'été 1862, Edward Radcliffe convie ses amis les plus proches à Birchwood Manor, sa nouvelle propriété. Il souhaite partager avec eux un ou deux mois d'intense création. Parmi ses hôtes, figurent également ses sœurs et Lilly Millington, sa muse. Malheureusement, rien ne va se passer. L'orage gronde sur cette maison et nul ne sera épargné par la foudre.

    Londres, 2017, Elodie Winslow est une jeune archiviste. Elle travaille notamment autour du fonds de James Stratton. A la faveur d'un carton mal inventorié, elle découvre une vieille sacoche. Et, à l'intérieur, un cadre contenant la photo d'une inconnue. Une inconnue qui la fascine immédiatement. Qui peut-elle bien être? Et quel lien entretient-elle avec James Stratton? Ces questions vont la guider vers des chemins bien éloignés de ce qu'elle pouvait imaginer. Des chemins liés à son propre passé.

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     @ Kelmscott Manor

    Kate Morton fait partie de ces autrices que j'aime retrouver de livre en livre. Pour l'atmosphère so british de ses ouvrages. Pour son sens de la construction et de l'intrigue. Pour ses personnages emportés par leurs passions ou par leur passé qui resurgit. Pour ces liens qu'elle sait trouver sur plusieurs générations.

    Aussi, quand la Prisonnière du temps est sortie au début du mois d'avril chez Presses de la Cité, j'ai été ravie. Et je n'ai pas attendu longtemps pour me plonger dedans. Quelle magnifique couverture!

    Une fois encore, la romancière reprend le principe d'une intrigue enchâssée. Plusieurs arcs narratifs se déroulent ainsi sous nos yeux. L'un en 1862. L'autre en 2017. Un autre dont la période semble plus nébuleuse. Un autre encore dans l'entre deux guerres. Un juste après la Seconde Guerre mondiale. 

    De prime abord, un seul lien paraît évident entre ces différentes voix qui retentissent: Birchwood Manor. Cette maison occupe ici une place prépondérante dans le récit. Lieu de joie, lieu fantomatique, lieu d'espoir, lieu de mort, lieu d'émancipation, lieu de complicité, lieu de rupture...Tour à tour, elle revêt des visages antagonistes. Néanmoins, elle demeure fascinante pour tous. J'ai aimé cette personnification encore plus poussée je trouve que dans les précédents opus. 

    Tout comme j'ai apprécié l'idée de la quête d'Elodie. Ces objets du passé qui ont tant d'histoires à livrer dans notre présent et qui, ici, déterminent une grande partie de l'intrigue. Même si j'avais compris certaines des connexions envisageables entre ce sac, cette photo, cette lettre et leurs éventuels propriétaires, je me suis fait surprendre par certaines des péripéties.

    C'est là justement que réside un des talents de Kate Morton: jouer sur la structure et sur cette espèce de gigantesque puzzle aux milliers de pièces qu'elle assemble, chapitre après chapitre, avant de révéler toute son entièreté dans les pages finales. Comme s'il en allait ainsi de nos vies. Sortes de pièces imbriquées les unes aux autres.

    Cependant, je dois confesser que j'ai été quelque peu déçue par ces ultimes mots. Comme si, après une histoire au rythme lent et au dessin immense, tout s'accélérait bien trop vite. Sans que le lecteur ait vraiment le temps de savourer toutes ces pistes enfin dévoilées.

    Une des atouts de ce livre réside dans sa reconstitution de l'Angleterre victorienne. Grâce au personnage de Lilly, nous évoluons ainsi des bas fonds londoniens aux milieux artistiques. Cette héroïne, par ses fonctions, nous permet de visiter la capitale anglaise. Et d'appréhender toutes les disparités de la société. Ces "voyages" en tramway et sa visite du salon ont surtout retenu mon attention. 

    Dans la Prisonnière du temps, Kate Morton dépeint la fraternité Magenta. Par ce biais, elle retranscrit ainsi l'effervescence de ce mouvement et l'atmosphère qui devait y régner dans le mouvement préraphaélite.

    "Ils partageaient les mêmes obsessions- la nature, la vérité, la couleur, la composition, le sens de la beauté. Mais là où les préraphaélites se souciaient surtout de réalisme, de précision, les peintres et les photographes de la fraternité Magenta étaient focalisés sur la sensualité, le mouvement."

    De plus, par le truchement de ces différents arcs narratifs, elle nous invite à un périple dans le temps. Birchwood Manor ne change pas. Mais ses occupants deviennent le miroir de leur époque et de cette Angleterre en pleine mutation. Ce choix m'a semblé très pertinent. Il permet de mieux cerner toutes ces évolutions sans jamais alourdir l'intrigue.

    Outre la pluralité vocale, l'écrivaine recourt aussi à un autre moyen stylistique: le mélange de type de discours. Lettre, dialogues, monologues, rêves, souvenirs, contes s'entremêlent ainsi et tiennent toujours le lecteur en alerte.

    Toutefois, même si cette multiplicité représente de nombreux avantages, j'ai regretté qu'elle soit encore plus forte que dans les précédents romans. Elle empêche d'approfondir notre connaissance de certains des narrateurs et nous maintient à distance. Quel dommage car chacun d'entre eux avait beaucoup de potentiel! Ne serait-ce que dans leur fragilités intimes aux résonances à la fois si disparates et si semblables! Et que dire de leurs secrets de famille capables de les broyer à tout moment?

    Celle qui nous retient finalement et nous subjugue, c'est cette prisonnière du temps. Quel destin! Et quel regret de la quitter! 

    Bref, vous l'aurez compris: même si j'ai rencontré quelques réserves lors de ma lecture, en comparaison avec certains de ses précédents titres, j'ai passé un bon moment en compagnie de ce Kate Morton. Il constitue un livre parfait pour s'évader dans la campagne anglaise et se perdre dans les méandres du temps et d'un récit labyrinthique et retors à souhait.

    Un grand merci aux éditions Presses de la Cité pour cet envoi!

    Presses de la Cité, 2019, 624 pages

  • La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker

    La Disparition de Stephanie Mailer

    de

    Joël Dicker

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    "A propos des événements du 30 juillet 1994.

    Seuls les gens familiers avec la région des Hamptons, dans l'Etat de New York, ont eu vent de ce qui se passa le 30 juillet 1994 à Orphea, petite ville balnéaire huppée du bord de l'océan.

    Ce soir-là, Orphea inaugurait son tout premier festival de théâtre, et la manifestation, de portée nationale, avait drainé un public important."

    Ce soir-là, aux alentours de 20h, un homme cherchait désespérément sa femme partie courir et pas encore revenue. Elle allait être découverte morte devant la maison du maire. Victime sans doute d'avoir été le témoin de l'assassinat dudit maire et de sa famille.

    Un coupable allait être trouvé. Mais 20 ans plus tard, lors du pot de départ d'un des inspecteurs chargés de l'enquête, une certaine Stephanie Mailer allait semer le doute. En affirmant que le meurtrier courrait toujours.

    Alors, mystification d'une journaliste carriériste? Ou réelle révélation?

    Les pistes allaient encore plus se brouiller suite à sa disparition...

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    J'avais vraiment beaucoup aimé l'Affaire Harry Quebert. A la fois pour son intrigue alambiquée. Cette sorte d'immense labyrinthe où les impasses se multipliaient. Mais également pour la réflexion sur l'écriture et sur son pouvoir. Je me souviens encore du plaisir de me plonger dans cet ouvrage tous les soirs, pendant mon voyage à Amsterdam. Et de cette envie de n'arrêter qu'une fois l'énigme policière résolue. Aussi, j'ai été ravie de pouvoir emprunter ce nouvel opus dans ma médiathèque.

    Comme pour le titre précédemment mentionné, Joël Dicker reprend le principe de deux schémas narratifs enchâssés: l'un qui se déroule dans le présent et l'autre dans le passé. On suit ainsi l'enquête autour de la disparition de Stephanie Mailer et, comme un écho, celle menée 20 ans plus tôt autour des tragiques quatre meurtres. Cette construction se révèle diablement efficace. En effet, elle maintient le lecteur en haleine et en même temps, elle nous éclaire sur la personnalité des différents protagonistes.

    Les crimes ont été commis en 1994 lors du premier festival de théâtre d'Orphea. 20 ans plus tard, une menace de nouvelle "Nuit noire" plane sur les représentations de ce même festival. Je n'en dirai pas plus car je veux pas révéler les ressorts de l'histoire. Mais cet élément théâtral, au cœur de l'intrigue, se retrouve dans la structure du livre. Effectivement, le roman s'articule en trois parties: Dans les abysses, Vers la surface et Élévation. Trois parties qui nous font penser aux trois actes d'une pièce.

    Dans ce drame en trois actes, le lecteur est confronté à une troupe conséquente. Les rôles sont nombreux, les tirades se succèdent et certains acteurs du passé deviennent véritablement des acteurs. Comme si la mise en abyme était poussée à son extrême.

    Cette construction m'a beaucoup intéressée. Cependant, ce choix d'une distribution trop importante présente quelques bémols. En effet, je n'ai pas trouvé la psychologie toujours assez fouillée pour tous. Et certains des personnages m'ont semblé superflus. Comme si à trop multiplier les points de vue et les possibilités, l'auteur se perdait et nous perdait.

    Pour nous conter la disparition de Stephanie Mailer, Joël Dicker recourt à une écriture cinématographique. Les plans s'enchaînent, les dialogues et les monologues aussi. Et voilà le lecteur totalement happé. C'est addictif: les pages se tournent toutes seules et on veut SAVOIR! COMPRENDRE! Jusqu'au rebondissement final...

    Je dois avouer que je n'ai pas été complètement convaincue par les derniers chapitres. Certes, tout se tient et la résolution est bien ficelée. Néanmoins, certaines scènes m'ont paru de trop. Le ou les coupables s'étaient déjà dessinés et ces ultimes péripéties ne pouvaient plus perdre le lecteur. De même, l'épilogue final ne m'a pas emballée. J'apprécie l'idée de ne pas tout savoir du futur de ceux qui restent. Et de laisser libre cours à mon imagination.

    Bref, vous l'aurez compris: malgré quelques réserves, ce roman a constitué un joli moment de lecture. Parfois, cela fait du bien de tout simplement se faire capter par une intrigue et de vouloir savoir à tout prix comment elle se finit.

    Éditions de Fallois, 2018, 640 pages

    Billet dans le cadre du challenge de Bianca Un pavé par mois

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  • Les Brumes de Riverton de Kate Morton

    Les Brumes de Riverton

    de

    Kate Morton

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    "Madame,

    J'espère que vous excuserez mon insistance: toutefois, je me permets de vous écrire à nouveau, n'ayant pas reçu de réponse à ma précédente lettre, par laquelle je vous exposais dans les grandes lignes mon projet de film: Les Brumes de Riverton.

    C'est donc un film d'amour-l'histoire des relations entre le poète R.S. Hunter et les sœurs Hartford, avant son suicide, survenu en 1924."

    En 1999, une jeune réalisatrice décide de faire un film autour de la mort tragique d'un poète à Riverton.  Pour comprendre ce qui a pu mener à ce geste fatal, elle tente de rentrer en contact avec Grace Bradley, le dernier témoin vivant...

    De prime abord, cette ancienne domestique refuse de coopérer et de donner les détails de cette nuit fatidique. Mais cette demande va réveiller les fantômes du passé...

    Et, très vite, elle va dérouler le fil de ses souvenirs.

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    Depuis que j'ai découvert Kate Morton avec le Jardin des secrets, j'aime sa manière de bâtir des intrigues gigognes où différentes temporalités s'entremêlent et où tout prend sens dans les dernières pages.

    Des quatre ouvrages qu'elle a pour l'instant écrits, il ne me restait que les Brumes de Riverton à parcourir. Il s'agit de son premier roman et j'ai trouvé que cela se ressentait.

    C'est comme si elle testait dans ses pages sa future mécanique. On retrouve les ingrédients que j'affectionne: plusieurs époques, un mystère du passé, des histoires d'amour tourmentées,un voyage dans les méandres de la mémoire...Mais tout ne se déroule pas de façon aussi efficace que dans ses autres opus.

    En effet, on sent quelques hésitations, quelques indices maladroits glissés en avance et trop révélateurs (quand on connaît déjà sa façon de faire), un sens de la découpe encore imparfait...

    Néanmoins, ces quelques défauts m'ont paru émouvants. C'est comme si on assistait à la genèse de son art romanesque. Et j'ai beaucoup aimé cela.

    J'ai également trouvé l'historie très prenante. Elle enchâsse deux intrigues: une plus contemporaine où on suit une Grace Bradley vieillie et qui se perd dans ses souvenirs et une qui court sur dix ans, de 1914 au drame de 1924.

    Très vite, la seconde prend le dessus. Ce qui m'a rendue heureuse car c'est nettement cette partie que je préférais. On assiste à tous les événements qui ont touché cette famille des Hartford et on observe la vie à Riverton par les yeux de la nouvelle bonne, Grace Bradley. Dès le début, on sent son émerveillement à découvrir une telle richesse, un tel quotidien...et de tels jeunes gens.

    Ce choix d'une "outsider" pour parler de Riverton m'a semblé très intéressant. Même si les années ont passé, on sent que la personne âgée n'a pas pris de recul par rapport à la jeune femme qu'elle était au début des années 1910. Seul le lecteur parvient à déceler quelques ombres au tableau idyllique qu'elle dépeint. Comme si sa narration lui échappait...

    Ce choix d'une "outsider" permet également de plonger dans le monde des domestiques. Et j'ai beaucoup apprécié cette atmosphère à la Downton Abbey. On apprend beaucoup de choses sur le quotidien de ces serviteurs, sur leurs règles, leurs codes....

    Cette description d'un univers en déliquescence constitue d'ailleurs, selon moi, le point fort de cet ouvrage.

    A cette ambiance so british se superposent quelques thèmes forts: l'impact de la guerre, le combat de certaines femmes pour s'affranchir des obligations inhérentes à leur rang...

    Les pages se tournent vite...La mécanique s'emballe. Jusqu'au drame final que je n'avais pas anticipé..

    Bref, vous l'aurez compris: ce roman "jachère" se révèle quand même prenant. Et, même s'il ne figure pas parmi mes préférés de cet auteur, il m'aura permis de passer un bon moment.

    Editions Pocket, 2007, 695 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca

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