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suspense

  • Grossir le ciel de Franck Bouysse

    Grossir le ciel

    de

    Franck Bouysse

    grossir le ciel, franck bouysse, le livre de poche, cévennes, monde rural, suspense, tension, intrus, doute

    "C'était une drôle de journée, une de celles qui vous font quitter l'endroit où vous étiez assis depuis toujours sans vous demander votre avis. Si vous aviez pris le temps d'attraper une carte, puis de tracer une ligne droite entre Alès et Mende, vous seriez à coup sûr passé par ce coin paumé des Cévennes. Un lieu-dit, appelé les Doges, avec deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres, de grands espaces, des montagnes, des forêts, quelques prairies, de la neige une partie de l'année et de la roche pour poser le tout. Il y avait aussi des couleurs qui disaient les saisons, des animaux, et puis des humains, qui tour à tour espéraient et désespéraient, comme des enfants battant le fer de leurs rêves, avec la même révolte enchâssée dans le cœur, les mêmes luttes à mener, qui font les victoires éphémères et les défaites éternelles."

    Gus habite dans une des deux fermes du lieu-dit les Doges. Son quotidien s'écoule toujours ou quasiment de la même façon: soins aux bêtes, entretien de ses terrains, coupe du bois, promenades avec son chien Mars. Et, parfois, pour meubler cette solitude qui s'étire, quelques verres avec le voisin, Abel.

    Mais, en ce jour de la mort de l'abbé Pierre, rien ne va comme il veut. Il se décide à aller chasser la grive. Au moment où il s'apprête à tirer, un coup de feu retentit, provenant de la ferme d'Abel. Des gémissements le suivent. Puis, plus rien.  Gus se rapproche du bâtiment pour comprendre l'origine de ces grognements de douleur.

    "Longtemps après, Gus se dirait qu'il n'aurait jamais dû baisser les yeux, mais on fait parfois des choses qui sont plus fortes que nous, quand l'instinct seul dicte sa loi. Il y avait cette grosse tache dans la neige. Comme du sang. Les flocons qui tombaient de nouveau, essayaient bien de l'effacer en martelant inlassablement, mais ils n' y parvenaient pas encore. Gus était immobile, incapable de comprendre."

    A partir de cette découverte, tout se dérègle dans cet ordinaire si bien huilé. Entre ses soupçons vis-à-vis d'Abel, ces intrus de plus en plus présents, ces traces inexpliquées, Gus se sent de plus en plus oppressé. Et la tension qui enserre les Doges s'accroît d'heure en heure. Jusqu'à l'escalade....

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    Cela faisait quelque temps que j'entendais le plus grand bien de la plume de Franck Bouysse. Quand j'ai appris que j'allais recevoir Né d'aucune femme dans le cadre du Grand prix des Lectrices Elle, j'ai eu envie de me plonger dans Grossir le ciel, un de ses précédents ouvrages.

    J'ai été immédiatement frappée par son style, sa manière à la fois âpre et poétique de saisir les impressions, de retranscrire les émotions et de décrire les lieux et les ambiances. Dès les premières lignes, il nous embarque dans une aventure que l'on sait différente de toutes celles déjà lues. Nous voilà happés et surtout captifs de son écriture et de son histoire maîtrisée de bout en bout.

    Gus, son personnage principal, est un paysan (il se revendique de ce titre et rejette celui d'agriculteur lors d'une discussion avec un banquier), replié sur lui-même et qui savoure sa solitude et son existence bien réglée. Grossir le ciel nous raconte comment cette mécanique va s'enrayer et comment notre héros va basculer dans une sorte d'enfer. L'écrivain introduit cette tension grandissante par des touches successives qui transforment le tableau initial. Tâches de sang, gémissement, traces de pas, attaque du chien Mars...tout contribue à enfermer Gus dans un état de peur et de suspicion permanentes.  Et à nous faire douter en même temps, nous lecteurs...Est-ce que Gus ne souffre pas tellement de solitude qu'il dérive doucement vers la folie et voit des signes là où il n'en existe pas?

    Doute du héros, doute du lecteur...Ou comment cet ouvrage entretient un suspense haletant.

    J'ai donc été séduite par cette intrigue retorse. Mais aussi par la description sociologique de la condition rurale que dresse son auteur. Solitude, pauvreté, divertissements rares...Ou comment la télé comble le désert social de certains. Rapport à l'église, aux banques, au futur. Tout est décortiqué en quelques phrases et quelques dialogues extrêmement ciselés.

    De plus, Franck Bouysse démontre un talent pour fouiller les ressorts psychologiques de ses protagonistes et de leurs rapports. J'ai beaucoup aimé l'analyse de la relation entre Gus et Abel. Deux taiseux qui s'entraident et partagent des verres à l'occasion. Deux solitaires qui se jaugent et se questionnent. Au fil des pages, par le jeu d'une construction enchâssée entre certaines de leurs soirées et leurs souvenirs, on comprend mieux ce qu'ils partagent.

    Bref, vous l'aurez compris: Grossir le ciel a constitué une très belle lecture pour moi. J'ai dévoré ce roman en un après-midi, tant je me sentais à la fois prisonnière de cette tension, de ce lieu et de ces héros. Vivement avril, que je découvre Né d'aucune femme!

    Le Livre de Poche, 2017, 234 pages

     

     

     

     

     

  • La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker

    La Disparition de Stephanie Mailer

    de

    Joël Dicker

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    "A propos des événements du 30 juillet 1994.

    Seuls les gens familiers avec la région des Hamptons, dans l'Etat de New York, ont eu vent de ce qui se passa le 30 juillet 1994 à Orphea, petite ville balnéaire huppée du bord de l'océan.

    Ce soir-là, Orphea inaugurait son tout premier festival de théâtre, et la manifestation, de portée nationale, avait drainé un public important."

    Ce soir-là, aux alentours de 20h, un homme cherchait désespérément sa femme partie courir et pas encore revenue. Elle allait être découverte morte devant la maison du maire. Victime sans doute d'avoir été le témoin de l'assassinat dudit maire et de sa famille.

    Un coupable allait être trouvé. Mais 20 ans plus tard, lors du pot de départ d'un des inspecteurs chargés de l'enquête, une certaine Stephanie Mailer allait semer le doute. En affirmant que le meurtrier courrait toujours.

    Alors, mystification d'une journaliste carriériste? Ou réelle révélation?

    Les pistes allaient encore plus se brouiller suite à sa disparition...

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    J'avais vraiment beaucoup aimé l'Affaire Harry Quebert. A la fois pour son intrigue alambiquée. Cette sorte d'immense labyrinthe où les impasses se multipliaient. Mais également pour la réflexion sur l'écriture et sur son pouvoir. Je me souviens encore du plaisir de me plonger dans cet ouvrage tous les soirs, pendant mon voyage à Amsterdam. Et de cette envie de n'arrêter qu'une fois l'énigme policière résolue. Aussi, j'ai été ravie de pouvoir emprunter ce nouvel opus dans ma médiathèque.

    Comme pour le titre précédemment mentionné, Joël Dicker reprend le principe de deux schémas narratifs enchâssés: l'un qui se déroule dans le présent et l'autre dans le passé. On suit ainsi l'enquête autour de la disparition de Stephanie Mailer et, comme un écho, celle menée 20 ans plus tôt autour des tragiques quatre meurtres. Cette construction se révèle diablement efficace. En effet, elle maintient le lecteur en haleine et en même temps, elle nous éclaire sur la personnalité des différents protagonistes.

    Les crimes ont été commis en 1994 lors du premier festival de théâtre d'Orphea. 20 ans plus tard, une menace de nouvelle "Nuit noire" plane sur les représentations de ce même festival. Je n'en dirai pas plus car je veux pas révéler les ressorts de l'histoire. Mais cet élément théâtral, au cœur de l'intrigue, se retrouve dans la structure du livre. Effectivement, le roman s'articule en trois parties: Dans les abysses, Vers la surface et Élévation. Trois parties qui nous font penser aux trois actes d'une pièce.

    Dans ce drame en trois actes, le lecteur est confronté à une troupe conséquente. Les rôles sont nombreux, les tirades se succèdent et certains acteurs du passé deviennent véritablement des acteurs. Comme si la mise en abyme était poussée à son extrême.

    Cette construction m'a beaucoup intéressée. Cependant, ce choix d'une distribution trop importante présente quelques bémols. En effet, je n'ai pas trouvé la psychologie toujours assez fouillée pour tous. Et certains des personnages m'ont semblé superflus. Comme si à trop multiplier les points de vue et les possibilités, l'auteur se perdait et nous perdait.

    Pour nous conter la disparition de Stephanie Mailer, Joël Dicker recourt à une écriture cinématographique. Les plans s'enchaînent, les dialogues et les monologues aussi. Et voilà le lecteur totalement happé. C'est addictif: les pages se tournent toutes seules et on veut SAVOIR! COMPRENDRE! Jusqu'au rebondissement final...

    Je dois avouer que je n'ai pas été complètement convaincue par les derniers chapitres. Certes, tout se tient et la résolution est bien ficelée. Néanmoins, certaines scènes m'ont paru de trop. Le ou les coupables s'étaient déjà dessinés et ces ultimes péripéties ne pouvaient plus perdre le lecteur. De même, l'épilogue final ne m'a pas emballée. J'apprécie l'idée de ne pas tout savoir du futur de ceux qui restent. Et de laisser libre cours à mon imagination.

    Bref, vous l'aurez compris: malgré quelques réserves, ce roman a constitué un joli moment de lecture. Parfois, cela fait du bien de tout simplement se faire capter par une intrigue et de vouloir savoir à tout prix comment elle se finit.

    Éditions de Fallois, 2018, 640 pages

    Billet dans le cadre du challenge de Bianca Un pavé par mois

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