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  • Le Dernier bain de Gwenaële Robert

    Le Dernier bain

    de

    Gwenaële Robert

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     "Jeudi 11 juillet 1793

    Midi

    "Paris!" Les passagers de la diligence en provenance d’Évreux  ne sont pas fâchés d'être arrivés. Le trajet a été long et la chaleur est écrasante sous le toit de cuir bouilli. Tirés de leur somnolence par le cri du cocher, ils s'extirpent de la voiture en bâillant, récupèrent leurs malles et entrent, un à un, dans la fournaise des rues parisiennes. Seule une jeune fille demeure sur la chaussée, visiblement déconcertée par le tumulte de la ville."

    Cette jeune fille, c'est Charlotte Corday, tout droit débarquée de sa Normandie natale avec l'intention d'assassiner Marat. Mais elle n'est pas la seule à s'intéresser à l'Ami du peuple. Autour de la rue des Cordeliers, tournent aussi une jeune Anglaise, une lingère du Temple, un moine défroqué et un célèbre peintre. En trois jours, tous ces destins vont se frôler, se croiser parfois...Jusqu'à ce fameux 13 juillet et ce dernier bain.

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    La collection "Passe-murailles", développée par Robert Laffont, entend "revisiter les mondes immuables des classiques littéraires, entrer dans des tableaux qui s'animeraient soudain, débattre avec des philosophes disparus, s'égarer dans des films ou des séries que rien ne destinait à se rencontrer, ou bien simplement évoque l'influence de ces œuvres sur nos vies."

    Pour le Dernier bain, l'autrice s'est donc appuyée sur la Mort de Marat, le célèbre tableau de David, pour dérouler le fil de son intrigue. L'action débute le 11 juillet à midi avec l'arrivée de Charlotte Corday.  Cependant, elle ne se contente pas de suivre cette jeune femme. Elle s'attarde aussi sur d'autres protagonistes.

    J'ai apprécié ce parti pris. En effet, cette narration polyphonique enrichit le propos et l'éloigne complètement de l'éventuel piège du compte-rendu. Ici, chacun des personnages abordés nous donne à voir leur Marat. Même si leurs points de vue conjugués dessinent le même type de portrait, ils confèrent une sorte de relief au grand absent de ce roman.

    Au fil des pages, jamais le lecteur n'entend le célèbre révolutionnaire. On s'approche de lui, on subit la puanteur qu'il dégage mais jamais il ne se livre à nous. Comme s'il était déjà parti. Comme s'il se muait irrévocablement en nature morte, prête à être fixée pour l'immortalité par David.

    Chacun de nos "guides": la lingère, Charlotte Corday, David, le gardien du Temple, le moine défroqué, le perruquier, le cocher....nous permet de mieux comprendre à quoi ressemblait la vie en ce mois de juillet 1793. Comme autant de figurants d'une toile dont ils ne percevraient pas les enjeux. Même si ce choix m'a paru judicieux, je dois avouer que je ne me suis pas intéressée de la même manière à tous leurs destins. Le perruquier et le moine défroqué, même s'ils apportent un éclairage sociétal de la révolution, ne m'ont pas semblé forcément primordiaux.

    Selon moi, un des autres bémols réside dans l'identité des conteurs. Quasiment tous se révèlent des "adversaires" de Marat. J'aurais aimé qu'à la voix de David s'entremêlent celles d'autres révolutionnaires convaincus pour nous donner une vision encore plus aboutie et moins manichéenne de l'Ami du peuple.

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    Si certaines scènes de ce drame en trois jours sont plus des "scènes de transition", d'autres nous saisissent et nous empoignent. Je fais notamment référence à celle de la séparation de la Reine et de son fils au Temple ou à celle de la foule déchaînée dans la rue des Cordeliers après l'assassinat. Gwenaële Robert démontre alors son talent pour créer des tableaux vivants.

    Chapitre après chapitre, la tension monte. On s'attache à Charlotte Corday, qui nous est présentée comme exaltée et émouvante. Avec une sorte de dimension sacrificielle digne des héroïnes antiques. On peut ou non adhérer à cette description du personnage mais j'ai trouvé qu'elle cadrait bien avec l'ensemble de l'intrigue.

    L'autrice m'a parfois étonnée par certaines options narratives comme des recours à l'ellipse. Ces fondus au noir peuvent déstabiliser mais j'ai trouvé qu'ils donnaient finalement plus de poids aux séquences restées en lumière. Comme cette partie autour du tableau de David où nous avons l'impression de nous être glissés dans son atelier et d'assister à la genèse de cette toile archi-connue.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai trouvé cette lecture agréable, intéressante et vivante. J'ai même été bluffée par certaines scènes. En revanche, j'ai regretté la vision parfois un peu trop manichéenne et certains héros qui étiraient un peu trop l'histoire et l'éloignaient de son centre d'intérêt principal.

    Un grand merci à Filipa et aux éditions Robert Laffont pour cet envoi.

    Robert Laffont, 2018, 231 pages

     

     

  • Les heures silencieuses

    Les heures silencieuses

    Gaëlle Josse

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    Dès les premières pages, la voix de Magdalena Van Beyeren retentit. Après avoir été peinte en 1667 par De Witte de dos, face à son épinette, dans la chambre conjugale, l'épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft, a ressenti le besoin de se confier.

    "A mettre de l'ordre dans mon coeur, et un peu de paix dans mon âme, à se souvenir des joies passées et à accueillir mes peines, [mes papiers] suffisent"

    Et c'est ainsi que nous lecteurs, nous sommes conviés à partager le récit de sa vie, à explorer les replis secrets de son âme et à découvrir ce qui se dissimule derrière le tableau.

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    Suite à de nombreuses critiques positives dans la presse et sur des sites commerciaux, j'avais emprunté ce court ouvrage à la médiathèque. Et je me suis dit en m'inscrivant hier au Challenge Cent pages de TyJecyka qu'il conviendrait parfaitement pour un premier bilet.

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    Je l'ai commencé dans la matinée et très vite, je me suis laissée emporter par les mots de Magdalena. Je ne l'ai donc reposé qu'une fois achevé.

    Pour son premier roman, Gaëlle Josse est partie d'une oeuvre picturale: Intérieur avec femme jouant du virginal d'Emmanuel de Witte et elle a brodé autour de cette inconnue.gaëlle josse,autrement,de witte,intérieur avec femme jouant du virginal,delft,tableau

    C'est vrai que le procédé n'est pas novateur. D'ailleurs, le lieu (Delft) et les deux références à Vermeer font immédiatement penser au très beau livre de Tracy Chevalier La Jeune fille à la perle.

    Mais avec son écriture juste et poétique, l'auteure arrive à rendre son héroïne profondément attachante et intéressante. Par petites touches, elle parvient à brosser le portrait d'une femme qui souffre justement de sa condition de femme et rêve d'évasion. Les moments les plus lumineux de son existence sont ceux où elle accompagne son père, puis son mari, à Rotterdam voir leurs navires. 

    On ressort de cette lecture ému, bouleversé par la nostalgie qu'éprouve Magdalena et surtout par le drame intime qui la frappe.

    "Avec le temps, ce sont nos joies d'enfants que nous convoquons le plus facilement dans nos souvenirs, elles nous accompagnent avec une rare fidélité. Retrouver ce que nous avons éprouvé dans ces moments demeure une source de félicité que nul ne pourra nous ravir. Le cours de nos vies est semé de pierres qui nous font trébucher, et de certitudes qui s'amenuisent. Nous ne possédons que l'amour, qui nous a été donné et jamais repris"

    Et puis, les Heures silencieuses, c'est la description de la vie quotidienne en Hollande à la fin du 17ème siècle dans les cercles bourgeois. Malgré la brièveté du format, je trouve que Gaëlle Josse a réussi à bien décrire cette société, ses us et ses coutumes, son goût pour la peinture (il est de bon ton de se faire représenter) et son art du commerce.

    Bref, une petite pépite que je conseille vivement!

    Autrement, collection "Littératures", 2011, 134 pages, 13 €