Chrysis
de
Jim Fergus
"Au printemps 1916, Bogart Lambert dit "Bogey", un jeune homme de 17 ans, quitte le ranch familial dans le nord du Colorado sur un hongre gris pommelé qui portait le nom de Crazy Horse; il s'en allait en France rejoindre les rangs de la Légion étrangère pour combattre les Huns, les ennemis de la Grande Guerre."
Chrysis, le quatrième roman de Jim Fergus, s'attache au destin de deux héros d'exception: d'un côté, Bogart Lambert et de l'autre, Chrysis Jungbluth.
On les rencontre tous les deux à l'âge de dix-sept ans.
En 1916, Bogart Lambert est un jeune garçon persuadé qu'il est de son devoir d'aller combattre les Huns en hommage à ses ancêtres français. Il quitte donc son Colorado natal sur son cheval Crazy Horse. Et le voilà embarqué pour un long périple aux Etats-Unis. Un périple qui va l'emmener de l'autre côté de l'Océan dans les rangs de la Légion étrangère et lui conférer le rôle de courrier.
En 1925, Gabrielle Jungbluth est une jeune femme passionnée de peinture qui vient d'entrer en première année de la seule école consacrée à cet art et ouverte au sexe féminin. Elle apprend ainsi les différentes techniques. Mais son fort caractère et son esprit de résistance lui font immédiatement remettre en cause l'enseignement trop académique et trop "pudique" de Jacques Ferdinand Humbert, un octogénaire qui a formé certains Grands comme Braque.
Nous suivons donc ces protagonistes dans leurs années charnières, celles où on quitte l'adolescence pour entrer pleinement dans l'âge adulte. Celles de toutes les découvertes et de toutes les premières fois. Celles de l'éclosion et de la confirmation des talents. Celles des premières décisions.
J'avais remarqué ce roman sur le blog de ma copinaute Céline. Mais, même si je l'avais noté et que le sujet m'intéressait beaucoup, je n'avais pas cherché à me le procurer. Et, la semaine dernière, j'ai été attirée par le titre et la couverture en farfouillant sur les rayonnages de ma médiathèque. Je l'ai ouvert ce matin et immédiatement dévoré.
Il s'agit de mon premier ouvrage de Jim Fergus. Et sans doute pas le dernier.
Celui-ci revêt une connotation particulière pour lui. Il s'est inspiré du tableau acheté pour sa compagne lors de la dernière année de sa vie. Un tableau qu'ils avaient remarqué ensemble dans une boutique de Nice lors de leur dernier voyage tous les deux en Europe et qu'il lui avait offert à leur dernier Noël ensemble.
"C'est à la fois la joie et la douleur de cette vie d'écriture: réveiller nos fantômes pour les amener sur ces pages où ils survivront à jamais"
Cette oeuvre s'intitule Orgie et a été réalisée par une jeune artiste de dix-huit ans: Gabrielle "Chrysis"Jungbluth. Par conséquent, Jim Fergus est parti sur ses traces. De son lieu de naissance à son lieu de mort, il a tout arpenté et a choisi de nous narrer l'existence de cette femme de façon romancée.
Malgré le titre, quand on ouvre les premières pages, ce n'est pas Chrysis qui se présente à nous. Mais Bogey, de son vrai nom Bogart Lambert. Un jeune cow-boy expert en boxe et en maniement des armes qui a quitté son Colorado natal pour combattre les Huns. Le second héros de ce livre.
On suit son apprentissage de son départ de la maison natale à son arrivée à New York, de sa vie dans un bordel là-bas à son arrivée dans l'armée.
Engagé dans la Légion étrangère, il parvient à garder son cheval et devient "le courrier cow-boy". Celui qui livre les messages en dépit du danger et sous les rafales de balles de l'ennemi.
Mais le 11 novembre, son destin le guette près de Mons. Marqué par l'explosion d'un obus et par les blessures qui en découlent, Bogey tente de se reconstruire en Ecosse, puis à Paris.
A cette époque, dans les années 1925-1929, la capitale, et tout particulièrement son quartier de Montparnasse, constitue un lieu d'effervescence culturel. A chaque coin de rue et dans chaque café, il n'est pas rare de croiser quelqu'un qui prétend écrire, dessiner, peindre...Et ce qui prime dans ce Paris de l'après-guerre, c'est le sens de la fête, l'envie de croquer la vie à pleine dents et de se débarrasser de tous les carcans d'autrefois.
Malgré ses origines bourgeoises et l'éducation très stricte qu'elle a reçue, Gabrielle est très attirée par ce quartier de Montparnasse, son vivier artistique et son atmosphère bohème et profondément libre. Mais il va falloir du temps à notre héroïne, qui se rebaptise Chrysis après la lecture d'un roman sulfureux, pour pouvoir entrer dans ce monde et en faire partie.
Autant d'étapes auxquelles nous assistons. Gabrielle sort peu à peu de sa chrysalide et devient cette jeune artiste enthousiaste, pleine de vie et d'espoir, sensuelle, libérée dont elle n'osait rêver adolescente. Cependant, cette transformation ne se fait pas sans heurts. On a du mal encore à cette époque à accepter qu'une femme devienne artiste et qu'elle mène son existence comme bon lui semble.
Au fil de son évolution, Chrysis croise de nombreuses personnalités de ce Montparnasse de l'époque et fréquente des lieux réputés.
Et sur son chemin, comme vous vous en doutez, elle va également faire la rencontre de Bosey...
J'ai bien aimé la construction de cet ouvrage, fondée sur l'alternance de points de vue narratifs entre Bosey et Chrysis. De plus, le choix de ces deux héros m'a semblé tout à fait pertinent. Malgré les six ans qui les séparent, Bosey et Chrysis n'ont pas la même attitude face à la vie. A la solitude et au douloureux passé de l'un répondent l'insouciance et la gaieté de l'autre. Tout simplement car l'un a vécu la conflit sur le front, et l'autre l'a connu enfant à l'arrière...
A cette réflexion sur la Première Guerre mondiale et ses conséquences sur la vie des soldats s'ajoute une autre sur l'art, la condition d'artiste et la difficulté de s'affirmer en tant que femme dans ce milieu dans les années 20.
Deux thèmes forts de ce roman qui m'ont vivement intéressée. Tout comme, vous vous en doutez, la peinture de ce Paris des années folles, l'effervescence de Montparnasse...
Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé un très bon moment en compagnie de ce roman sur l'éveil, l'amour, l'apprentissage, la liberté, l'art, la guerre et les années Folles.
Editions du Cherche-Midi, 279 pages, 2013
Commentaires
Je l'avais aussi repéré chez Céline et après lecture de ton billet je me rends compte que ce roman a tout pour me plaire !
Oui, ce roman a vraiment tous les ingrédients pour te plaire Bianca.
J'espère que tu passeras un aussi bon moment que nous en compagnie de Bogey et Chrysis.
Comme tu le sais, c'est un roman que j'ai bien aimé. J'ai aimé suivre les personnages dans ce Paris des années 1920.
Je me souviens que ton billet m'avait donné envie de le lire. C'est agréable cette incursion dans le Paris des années 20.
J'aime bien les romans de Jim Fergus en général mais là j'avoue que j'avais été déçue. J'aime toujours lire les avis ailleurs, je trouve le tien intéressant et m'inciterais presque à relire le roman avecc un autre oeil !
j'en avais parlé ici
http://www.monblogmonmiroir.com/article-chrysis-de-jim-fergus-122796577.html
J'ai été te lire Alice. C'est vrai que nous n'avons pas le même ressenti toutes les deux quant à ce roman.
C'est mon premier Jim Fergus et j'ai aimé la façon dont il parle de l'art, de l'apprentissage, du Paris des années 20...
J'avais adooooré ce livre aussi et ton billet me replonge dans l'atmosphère du roman !
En plus Jim Fergus vient souvent au salon du livre de Paris et parle très bien français !
Il faudra que j'aille faire signer un de ses romans alors. Ce sera une nouvelle occasion d'agrandir ma PAL ;)
Je n'ai pas adoooré ce livre mais j'ai passé un bon moment. Des personnages forts, le Paris des années 20, l'amour, l'art...: autant d'ingrédients qui m'ont plu.
Ralala voilà longtemps que je veux lire ce roman. Tu me fais penser que je vais l'aimer. Hop en haut de la wishlist! Il vient de sortir en poche. Ce sera l'occasion!
Bises