Le Mystère de Callander Square
de
Anne Perry
"L'air automnal était doux et légèrement brumeux: sous le soleil de cette fin d'après-midi, les feuilles mortes formaient des taches jaunes sur l'herbe de Callander Square. Dans le petit jardin au milieu du square, deux hommes armés de pelles contemplaient une excavation à la surface du sol. Se baissant, le plus grand plongea les mains dans la terre humide. Avec précaution, il en sortit l'objet qu'il recherchait: un petit os ensanglanté.
-Ce serait quoi à ton avis? Trop gros pour un oiseau.
-Une bestiole, répondit le premier. Un chien qu'on aurait enterré là-dessous"
Mais les deux hommes se rendent vite compte, en poursuivant leur tâche, que cet os appartient au reste d'un bébé enterré et que sous le premier squelette, se dissimule un second cadavre de nourrisson.
Thomas Pitt se retrouve chargé de l'enquête.
Selon lui, "il s'[agirait] probablement de quelque malheureuse servante séduite, qui [aurait] accouché seule, et l'enfant [serait] mort. Elle [aurait] dû l'enterrer en cachette et garder son chagrin pour elle-même, de peur de se retrouver à la rue sans travail et sans références pour un autre emploi"
Mais, l'affaire est-elle vraiment si simple? Quels secrets dissimulent réellement "les façades majestueuses" de Callander Square?
Après l'Etrangleur de Cater Street, voici la seconde aventure du couple Pitt que je lis avec Bianca et Céline.
Nous retrouvons nos héros, deux ans après les funestes événements qui ont entouré leur rencontre. Ils se sont mariés, en dépit de la position sociale plus élevée de la jeune femme. Et vivent très pauvres mais très heureux. Comme nous l'apprenons rapidement, Charlotte attend même un heureux évènement.
Ce qui explique l'attitude de son mari...Au début de son enquête, il souhaite, en effet, lui cacher la macabre découverte de Callander Square. Mais, Charlotte l'apprend par le journal et décide de lui porter secours. Elle sollicite l'aide de sa soeur Emily, désormais Lady Ashworth pour mener des investigations parallèles. Et se retrouve très vite engagée par un des habitants de Callander Square, le général Balantyne, pour retracer les souvenirs de guerre de sa famille.
Ainsi, nous lecteurs, disposons de trois niveaux d'entrée qui nous permettent d'appréhender chacun des suspects de façon différente et de mieux cerner l'importance de la hiérarchie sociale. Par Emily, nous disposons du traitement et du regard d'une égale. Par Thomas, nous avons accès tant aux domestiques qu'aux maîtres. Mais nous percevons nettement le peu d'égards devant sa position. Par Charlotte, en revanche, nous voyons surtout les Balantyne et certains domestiques.
A ces trois regards croisés se superposent de temps en temps ceux de certains des résidents de Callander Sqaure: le général Balantyne, Lady Augusta, Reggie Southeron...
Cette multitude de narrateurs nous permet donc de nous faire une meilleure idée de la vie dans la haute société londonienne dans les années 1880.
Les rapports entre les maris et femmes sont très bien esquissés et complètent la vision qu'on pouvait se faire après avoir parcouru L'étrangleur de Cater Street. Une nouvelle fois, les épouses sont contraintes de fermer les yeux et de tenir leur rang.
Dans la haute société, on s'entraide. En témoignent les nombreux échanges entre les privilégiés de Callander Square.
De même, ce roman nous offre la possibilité de mieux saisir les rapports entre les maîtres et les domestiques. Dans certaines maisonnées, il ne vaut mieux pas être servante. L'attitude de Reggie Southeron, un personnage lubrique et repoussant, vis-à-vis de ses employées féminines en est la preuve.
"La discrétion et le bon goût étaient les deux piliers d'un attitude de gentleman. Il existait des fonctions que tout le monde connaissait, mais dont on ne s'entretenait pas en société. Assouvir ses instincts avec les servantes en faisait partie. C'était normal, c'était dans la nature d'un homme: même si l'on vous soupçonnait de se livrer à cette activité, cela ne méritait pas de commentaires"
De plus, l'intrigue policière m'a semblé très intéressante. Au fil des pages, des morts surviennent. La tension monte jusqu'à la dramatique confrontation finale...Cette fois-ci, Thomas Pitt ne résoud pas l'énigme par hasard.
Anne Perry a su trouver une solution pertinente et parfaitement en adéquation avec les thématiques qu'elle développait dans ce roman. Je n'en dirai pas plus afin de préserver le suspense.
Bref, vous l'aurez compris: ce deuxième volet des aventures des Pitt m'a bien plu (mon coeur reste néanmoins fidèle à William Monk). L'auteur a su ressusciter, comme à son habitude, l'époque victorienne et créér une galerie de protagonistes intéressante.
Voici les billets de Bianca et de Céline.
Si vous voulez nous rejoindre pour la troisième enquête le 10 mai, vous êtes les bienvenus.
Editions 10/18, 1997, collection "Grands détectives", 382 pages, 8,70 €
Lu dans le cadre des challenges Anne Perry, God save the livre 2013, victorien, la plume au féminin 2013 et polar historique.
Commentaires
Rrrr... c'est un ronron... Je me suis arrêtée à ce tome, préférant Monk. Mais je continuerai !
Je pense tester Monk aussi à l'occasion :)
Très beau billet en tout cas. Je trouve vraiment cette époque fascinante bien que la place réservée aux femmes me révoltent mais les pauvres n'avaient pas vraiment le choix !
J'ai beaucoup aimé le dénouement aussi et je n'ai rien vu venir
Beau Billet Claire, à nous 3, nos billets se complètent bien ! Je suis vraiment contente de ces LC car nous aimons toutes les 3, du coup c'est agréable de partager ces lectures ensemble. vivement le mois prochain qu'on avale le tome 3
Désolée d'avoir fait un peu bande à part pour cette lecture qui aurait dû être commune. Je me suis beaucoup ennuyée à lire ce roman. Il a finalement fallu que je saute plusieurs chapitres pour le terminer deux jours après tout le monde. Au moins maintenant je sais que je n'aime pas du tout et que je ne vais pas continuer la série !