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  • A comme Aujourd'hui

    A comme Aujourd'hui

    de

    David Levithan

     

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    "Je me réveille.

    Aussitôt, je dois déterminer qui je suis. Et il n'est pas seulement question de mon corps-ouvrir les yeux et découvrir si la peau de mon bras est claire ou foncée, si mes cheveux sont longs ou courts, si je suis gros ou maigre, garçon ou fille, couvert de cicatrices ou lisse comme un bébé. S'adapter au physique, c'est finalement ce qu'il y a de plus facile quand on se réveille chaque matin dans un corps différent. Non, le véritable défi, c'est d'appréhender la vie, le contexte de ce corps

    Chaque jour, je suis quelqu'un d'autre. Je suis moi-même-je sais que je suis moi-même-, mais je suis aussi un autre.

    Et c'est comme ça depuis toujours."

    Tous les matins, depuis sa naissance, A. se réveille dans le corps d'un ou d'une adolescente de 16 ans. Une nouvelle identité qu'il va emprunter le temps d'une journée.

    A. a accepté ce destin extraordinaire. Et s'est même fixé quelques règles pour régir son existence: ne jamais s'attacher, ne jamais s'immiscer dans la vie de son hôte et ne jamais se faire remarquer.

    Mais tout ce code vole en éclats le jour où A rencontre Rihiannon...

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    J'aime beaucoup la maison d'édition Les Grandes personnes. Je leur dois notamment ma découverte de Mary Hooper ou de magnifiques albums en pop-up comme Drôles d'oiseaux de Philippe Ug.

    Aussi, quand ce roman est sorti en septembre, je n'ai pas tardé à l'acquérir pour la médiathèque où je travaille et à me plonger dedans.

    En effet, j'étais très attirée par l'idée de départ qui n'était pas sans me rappeler une série de mon enfance: Code Quantum.

    Mais, contrairement au docteur Samuel Beckett, A. expérimente, en général, une journée ordinaire pour son hôte. Tout au long du roman, nous le voyons ainsi habiter différents corps. L'occasion pour l'auteur de dresser le portrait d'une génération très contrastée d'adolescents américains. On croise ainsi le sosie de Beyoncé, une jeune fille suicidaire, un ado accro aux drogues, un joueur de football américain, un jeune homme obèse, une mineure contrainte d'effectuer illégalement des ménages....Certains sont en butte aux préjugés, d'autres au contraire jouissent d'une grande popularité.

    J'ai été vraiment très intéressée par cette incursion (plus ou moins approfondie selon les profils) dans la société américaine. David Levithan a su éviter l'écueil du trop plein de clichés. J'ai trouvé chaque tranche de vie juste et passionnante. De plus, j'avais hâte de découvrir à chaque chapitre la nouvelle identité de notre héros.

    A. a décidé de ne jamais influer sur le cours de l'existence de chacune des personnes qu'il incarne. Cependant, un matin, il endosse le rôle de Justin et rencontre Rihiannon, sa petite amie.

    "Que se passe-t-il au moment précis où l'on tombe amoureux? Comment un laps de temps aussi court peut-il contenir quelque chose d'aussi immense? [...] Le moment où l'on tombe amoureux semble puiser sa source des siècles, des générations en arrière-dans un passé qui s'aligne pour donner naissance à cette intersection précise, étonnante. Peu importe que cela puisse paraître ridicule, on sent au plus profond de soi que tout cela était écrit, que toutes les flèches invisibles pointaient dans cette direction, que l'univers préparait tout cela depuis l'éternité-et c'est seulement à cet instant que l'on s'en rend compte, en arrivant là où l'on était attendu depuis toujours"

    Les sentiments de A. vont le pousser à contrevenir au code qu'il s'était érigé. Il veut sans cesse revoir Rihiannon. Et révèle très vite à la jeune femme son destin.

    Mais comment débuter une histoire d'amour alors que chaque jour est un recommencement sous une nouvelle apparence? Telle est la question que tente de résoudre A.

    S'ensuivent des rendez-vous tour à tour réussis, éphémères, ratés, sublimes....Et un sentiment de frustration qui s'installe. Mais je ne vous en dirai pas plus afin de ne pas gâcher tous ces rebondissements.

    A cette problématique amoureuse, se superpose une autre éminemment morale. Est-ce que notre héros a le droit de changer le destin de ces hôtes? Peut-il même envisager d'envahir définitivement l'un d'entre eux?

    J'aimerais aussi parler du schéma narratif. Je l'ai trouvé très astucieux. Chaque chapitre correspond à une nouvelle personnalité. On ne peut donc s'empêcher de commencer le suivant afin de découvrir le sort quotidien qui attend A.

    De même, j'ai été sensible au style de David Levithan et aux nombreuses réflexions qui l'émaillent.

    "L'amour vous donne envie de réécrire le monde. Il vous donne envie de choisir les personnages, de construire le décor, de mener l'intrigue. Celui ou celle que vous aimez est assis en face de vous, et vous voulez alors tout faire ce qui est en votre pouvoir pour que l'amour soit possible, indéfiniment possible. Et lorsqu'il n y a que vous deux, seuls dans une pièce, vous pouvez vous imaginer que vous touchez enfin au but, ce jour-là, et pour toujours."

    Bref, vous l'aurez compris: un roman juste, sensible, émouvant. Un véritable hymne à l'amour que j'ai eu du mal à refermer.

    Editions les Grandes personnes, 2013, 373 pages

     

  • Des albums pour rêver

    Des albums pour rêver


    Ce soir, j'avais envie d'essayer un nouveau type de billets autour des albums jeunesse. Je regrette de ne pas en parler plus sur ce blog alors que j'en lis beaucoup.

    Voici donc une petite sélection des albums qui m'ont récemment fait rêver.

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    Commençons tout d'abord par Folles saisons, un album de Jean-François Chabas, illustré par David Sala et publié chez Casterman en 2013. Un jour, sur un coup de tête, l'Hiver rend visite à son frère, l'Eté car il ne le croise jamais. Leur rencontre perturbe tout l'équilibre de la nature et suscite de la jalousie chez l'Automne et le Printemps qui décident également de se réunir.

    "Enivrés par leur audace, les frères donnaient toute leur puissance pour montrer ce dont ils étaient capables. L'hiver fendit des rochers énormes. L'automne fit souffler des vents déments. L'été gonfla son soleil rouge, et le printemps réveilla les pauvres êtres qui s'efforçaient de trouver le repos dans le sommeil."

    J'ai apprécié l'intrigue de cet ouvrage. Mais je dois avouer que j'ai surtout eu un coup de cœur pour les magnifiques illustrations qui m'ont rappelé certaines œuvres de Klimt. Je vous laisse juge....

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    Après ce dérèglement des saisons, direction la Vallée des Moulins, un livre de Noelia Blanco et Valeria Docampo, paru chez Alice jeunesse en 2013.

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    "Dans la Vallée des Moulins vivaient des hommes, des femmes et des enfants semblables à tous les autres. Puis, un jour, les Machines parfaites sont arrivées" Elles ont permis à tous d'avoir tout ce qu'ils désiraient. Alors, les gens ont cessé de rêver et les moulins  de tourner.

    Seule Anna parvient encore à songer. Elle s'imagine "broder de la dentelle de mer, des boutons d'étoiles, des manteaux de nuage..."Une nuit, son chemin va croiser celui de l'homme oiseau, lui aussi à la poursuite d'un but. Pour l'aider à "danser avec les nuages", elle se rend au Jardin des pissenlits, [là] "où les villageois faisaient leurs vœux avant l'arrivée des machines parfaites"

    Je ne dirai rien de plus de cette histoire, pleine de poésie, qui sait si bien évoquer la nécessité d'avoir des rêves et de tenter de les accomplir. Je me suis également laissée emporter par les très belles illustrations. Elles nous font ressentir toute l'immobilité et l'ennui d'un monde parfait, puis, le souffle du vent et le retour de l'espoir...

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    Cap maintenant sur l'Orphelinat du Bout du monde, un album d'Emna, illustré par Coralie Saudo et paru chez les P'tits bérets en 2012.

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    Pépine et Pato ont découvert qu'ils ne pourraient jamais avoir de bébé ensemble. Un jour, ils trouvent un oeuf et décident de s'en occuper.

    "Un papa crocodile, une maman autruche et un petit perroquet: quel beau présage pour un monde coloré"

    Très vite, leur histoire se répand de "bec à oreille" et on se met à leur envoyer d'autres oeufs....Si bien qu'ils fondent l'orphelinat du bout du monde, destiné à donner un foyer affectueux à tous ceux qui en ont besoin...

    Cette histoire autour de l'adoption, un sujet encore trop rarement abordé dans la littérature jeunesse, m'a semblé vraiment jolie. Les illustrations très colorées et très riches (j'adore les détails de chaque animal) l'accompagnent à merveille.

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    Pour clore cette exploration et toujours dans une veine très poétique et propice au rêve, j'aimerais parler de l'album Voir le jour de Emma Giuliani, publié aux éditions des Grandes personnes en 2013.

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    Il s'agit d'un petit livre animé qui, autour d'une fleur, aborde des sujets essentiels tels que l'amour, l'amitié, la beauté, la vieillesse, la mort....Ce qui m'a impressionnée, c'est l'économie des mots. Tout est exprimé en peu de phrases.

    Visuellement, l'auteur a pris le parti de faire des dessins en noir et blanc. La lumière et la couleur n'apparaissent que lorsqu'on soulève les rabats.

    Une très belle réussite, tant stylistique que visuelle!

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    J'espère vous avoir donné envie de découvrir ces quatre bijoux.

  • La Princesse effacée de Alexandra de Broca

    La Princesse effacée

    de

    Alexandra de Broca

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    "Dans la moiteur d'une oppressante soirée de juin, alors que Paris et ses habitants s'endorment, un curieux cortège quitte par une porte latérale l'enceinte de l'ancien domaine des Templiers.

    Aucun bruit de pas, d'armes ou de paroles ne vient perturber l'étrange procession qui s'avance lentement. Huit soldats, dirigés par un caporal, et une dizaine d'hommes en civil aux visages en partie masqués progressent serrés les uns contre les autres pour dissimuler le petit cercueil en bois clair qu'ils transportent"

    Depuis la mort de son mari en 1786, Renée Chantereine s'est installée rue des Rosiers. Elle a noué des contacts avec le voisinage, notamment le citoyen Binet, petit-fils du célèbre perruquier de Louis XIV et le citoyen Robert qui travaille pour le Convention.

    Ce dernier la sollicite d'ailleurs pour une mission de la plus haute importance en juillet 1795. Il est à la recherche d'une femme sans lien avec la royauté qui rendrait visite à la fille Capet. Renée accepte et rencontre pour la première fois au Temple Madame Royale.

    "Une ombre grise se tient debout devant elle, les mains jointes dans le dos comme si elle attendait d'être suppliciée. Chantereine, à sa propre surprise, esquisse, pour la première fois de sa vie, une révérence presque au ras du sol et s'immobilise. Elle attend un geste, un ordre pour se relever. C'est un rire puissant, caverneux, affreux, qui l'oblige à affronter le regard de la prisonnière. Le râle est bien sorti de cette forme inerte où seuls les yeux affolés prennent vie en roulant sans cesse. Ce ricanement est haché de raclements de gorge incompréhensibles! Ce ne sont pas des paroles, mais des sons comparables à ceux d'un animal blessé."

    Renée se retrouve ainsi face à une jeune femme de 16 ans qui a perdu tous ses proches et qui n'appartient quasiment plus au monde des vivants.

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    La Tour du Temple vers 1795

    J'avais remarqué cet ouvrage sur le beau blog de Bianca. Et j'ai été ravie de pouvoir l'emprunter rapidement dans la médiathèque que je fréquente.

    Dès les premières pages, je me suis laissée emporter par ce roman qui permet de découvrir un personnage historique, généralement peu évoqué, à savoir Marie-Thérèse de France, surnommée Madame Royale, la fille aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

    J'ai été frappée par l'état d'animalité dans lequel elle se trouve quand Renée fait sa connaissance pour la première fois. Elle vit dans le noir et surtout dans des conditions hygiéniques déplorables, dort sur une paillasse, n'a pas adressé la parole à quiconque depuis 13 mois- si on excepte les officiels... Et surtout elle ignore tout du sort de sa mère, de sa tante et de son frère.

    Après l'avoir lavée, habillée confortablement, la citoyenne Chantereine doit lui apprendre ce qui est advenu des siens. Et se rend vite compte que le seul moyen de la sauver serait de la laisser dicter ses mémoires.

    "Soit elle bascule dans la folie dans les prochaines heures, soit vous lui donnez une raison de se maintenir en vie avec ce témoignage"

    Débutent alors des séances d'écriture autour des souvenirs de cette "princesse effacée". Tout oppose ses deux femmes: leur condition, leur destin, leurs manières...Néanmoins, elles vont nouer une relation profonde.

    Dans cette première partie qui s'étend de juillet 1795 au 19 décembre 1795, deux niveaux de récit s'entremêlent donc: celui du retour à la vie de Marie-Thérèse et celui des évènements auxquels elle a assisté depuis son emprisonnement avec sa famille en août 1792.

    J'ai beaucoup apprécié ce schéma narratif. Il permet de vivre de l'intérieur ce qu'a enduré la famille royale. On assiste ainsi aux premiers jours au Temple, à la séparation des fidèles (Mme de Lamballe suppliciée, la gouvernante Mme de Tourzel, le fidèle valet Hué), à la dégradation des conditions de vie, aux derniers jours du Roi, au départ du Dauphin, à celui de la Reine et de Mme Elizabeth....Mais aussi aux brimades quotidiennes, aux regards intrusifs et sales des gardes révolutionnaires, au silence qui s'installe, au combat mené pour survivre malgré tout...

    Le 19 décembre 1795, Marie-Thérèse, après de longues tractations, est finalement confiée à son oncle, l'empereur d'Autriche. Les adieux sont déchirants.

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                   Marie-Thérèse libérée du Temple

    La seconde partie s'ouvre le 3 mai 1814 sur le retour de Louis XVIII et de Madame Royale. Alexandra de Broca imagine les retrouvailles entre cette dernière et Renée Chantereine (alors qu'on a perdu sa trace dans l'histoire en 1806).

    Les deux femmes se rendent à Versailles et au Trianon. L'occasion pour la dauphine d'évoquer son mariage douloureux à l'impuissant duc d'Angoulême et surtout de reparler des derniers temps au château, de ceux aux Tuileries, de la fuite à Varennes...Pour finalement revenir sur la petite "Mousseline", que sa mère adorait.

    Néanmoins, on ne peut s'empêcher de ressentir de la tristesse pour cette femme brisée par son passé.

    "Je ne sais pas me libérer de mon passé et pourtant, sans lui, je ne suis rien"

    On apprend aussi beaucoup de choses sur la fin de l'Ancien Régime, la Révolution française et le début de la Restauration. Sans jamais avoir l'impression d'être submergé par les informations.

    Bref, vous l'aurez compris:  j'ai beaucoup aimé ce roman aux allures de biographie sur un personnage assez méconnu (le titre est à cet égard très bien choisi). Il se dévore et on en ressort avec la sensation d'en savoir plus sur ce tournant de l'histoire française.

    Editions Points, 2010, 403 pages, 7,50 €