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  • Liberté j'écris ton nom

    Liberté, j'écris ton nom

    charlie hebdo.jpg

    Ce matin, j'avais prévu de publier un billet autour d'un très beau conte illustré par Sarah Gibb. Mais, par rapport aux événements d'hier, je me serai sentie en décalage.

    Parce que les mots se bousculent encore trop dans ma tête pour que je puisse vraiment exprimer tout ce que je ressens face à la barbarie d'hier

    Parce que je reste tellement admirative de ces hommes qui, malgré les menaces, sont restés debout et ne se sont pas mis à genoux

    Parce que je crois en la liberté d'expression qu'on a tenté de museler hier

    Parce qu'il y aura sans doute un avant et un après 7 janvier...

    Parce que...

    Je me contenterai de citer ce magnifique poème de Paul Eluard, extrait d'Au-rendez vous allemand

     

    Sur mes cahiers d’écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable sur la neige
    J’écris ton nom

     

    Sur toutes les pages lues
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J’écris ton nom

     

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’écris ton nom

     

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l’écho de mon enfance
    J’écris ton nom

     

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J’écris ton nom

     

    Sur tous mes chiffons d’azur
    Sur l’étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J’écris ton nom

     

    Sur les champs sur l’horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J’écris ton nom

     

    Sur chaque bouffée d’aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J’écris ton nom

     

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l’orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J’écris ton nom

     

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J’écris ton nom

     

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J’écris ton nom

     

    Sur la lampe qui s’allume
    Sur la lampe qui s’éteint
    Sur mes maisons réunies
    J’écris ton nom

     

    Sur le fruit coupé en deux
    Du miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J’écris ton nom

     

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J’écris ton nom

     

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J’écris ton nom

     

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J’écris ton nom

     

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attentives
    Bien au-dessus du silence
    J’écris ton nom

     

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J’écris ton nom

     

    Sur l’absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J’écris ton nom

     

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

     

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Liberté.

  • Swing à Berlin

    Swing à Berlin

    de

    Christophe Lambert

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    "Berlin, 1936,

    Wilhelm Dussander terminait son solo au piano quand il vit les hommes en noir entrer dans le club. Ils étaient cinq, vêtus de gabardines, avec casquettes et chapeaux enfoncés jusqu'aux sourcils. Ils conversaient entre eux en inspectant les lieux du regard. Tous portaient le sinistre brassard de la SS."

    A Berlin, en 1936, certains membres du groupe de jazz, les Musician Harmonists, sont arrêtés en raison de leurs opinions politiques ou de leur judaïcité.

    Puis, l'action se déplace en 1942, toujours dans la capitale allemande. Afin de soutenir le moral de la population, Goebbels a décidé de diffuser de nouveaux programmes "qui feront la part belle aux "musiques de danse fortement rythmées" mais dans un esprit typiquement germanique".

    Pour accomplir cette mission, il recrute Wilhelm Dussander qui a jadis appartenu aux Musician Harmonists. Cet ancien jazzman se voit donc contraint de sillonner le pays entier à la recherche de jeunes talents susceptibles d'interpréter de "la musique de danse fortement rythmée".

    Mais, même s'il a toujours refusé de se mêler de politique, pourra t-'il conserver son indépendance et ne pas se laisser influencer par tout ce qu'il découvre, au fil des castings, des répétitions et des concerts?

     

    goldene sieben.jpg

    Les Goldene Sieben

    J'avais entendu du bien de ce roman sur la blogosphère. De même, Claire, une de mes collègues, l'avait lu et beaucoup apprécié. Aussi, je n'ai pas hésité longtemps avant de me lancer et j'ai dévoré cet ouvrage.

    Pour l'écrire, Christophe Lambert s'est fortement documenté sur la période et s'est inspiré des Goebbels bands (tels que les Goldene Sieben) mais aussi de récits biographiques.

    J'ai été immédiatement bluffée par le prologue. Un groupe de jazz est en train de jouer dans un club et quelques SS entrent dans la salle et en bloquent les issues. On sent la tension monter parmi les musiciens, surtout que certains d'entre eux peuvent être menacés par ces soldats (en raison de leur religion ou de leur engagement politique). Malgré tout, comme si leur vie en dépendait, ils continuent leur morceau...Plus la peur les gagne, plus les fausses notes s'accumulent. Jusqu'à la fin et le début des affrontements. Un coup de feu est tiré et... fondu au noir. Le lecteur n'en saura pas plus sur le sort réservé aux Musician Harmonists.

    Après un bond dans le temps de six ans, on retrouve leur leader Wilhelm Dussander chargé d'une mission de formation d'un groupe de jazz (même si officiellement, le jazz est considéré comme de la musique "nègre", on lui demande de créer un groupe capable de jouer ce type de musique rebaptisée pour l'occasion). Accompagné d'un membre du parti, il sillonne ainsi le pays afin de dénicher de futurs talents.

    Une opération loin d'être facile, tant son niveau d'exigence est élevé. Ce qui engendre des difficultés avec son "censeur" (et quelques scènes très drôles)

    Finalement, quatre jeunes gens sont recrutés. Quatre profils différents: l'un vient de la rue, l'autre se révèle totalement embrigadé dans les jeunesses hitlériennes et fidèles aux idéaux aryens...

    Un peu à la manière du professeur du Cercle des poètes disparus, Wilhelm va les initier au jazz...Mais cette aventure pédagogique va forcément avoir des répercussions humaines. Petit à petit, ces jeunes gens s'ouvrent à une culture qu'ils ne connaissaient pas, se confient, se débarrassent de leurs préjugés, apprennent à réfléchir autrement, évoluent...

    De plus, leur changement rejaillit sur leur enseignant. Alors qu'il ne s'était encore engagé qu'une fois (et je vous laisse découvrir comment), il va se questionner sur son comportement citoyen.

    Et, alors qu'il considérait que la politique n'était pas l'affaire des musiciens, il va entrer progressivement en révolte. Révolte contre l'ordre établi. Révolte contre sa passivité. Révolte contre le sort réservé à ceux que les théories aryennes condamnent (les Juifs, les handicapés, les homosexuels...)

    Cette thématique de l'engagement de l'artiste et de l'entrée en résistance m'a vraiment passionnée.

    De même, j'ai beaucoup apprécié la description de l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. A la suite des musiciens, on sillonne ce pays, on côtoie plusieurs cercles de la société, plusieurs écoles de pensée également... Des couloirs du Ministère de la Propagande à l'imprimerie de Sophie et Hans Scholl, il y a évidemment tout un monde que le lecteur est amené à observer. Cette radioscopie m'a rappelé celle dans Seul à Berlin d'Hans Fallada (un roman très fort que je vous recommande si vous ne le connaissez pas encore et que l'auteur Christophe Lambert évoque justement dans sa postface).

    J'aimerais également saluer l'écriture très cinématographique. Les scènes s'enchaînent, souvent fortes en émotions ou en tensions, et on est happés par le rythme. Et cette fin? Ah, cette fin, juste sublime, qui a failli me tirer quelques larmes...

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été transportée par ce livre. Et je ne suis pas passée loin du coup de cœur (je crois que j'aurais aimé qu'il soit un tout petit peu plus long).

    Bayard Jeunesse, 2012, 274 pages

    En bonus, voici un extrait musical des Goldene Sieben.


     

     

  • Marie-Antoinette, Carnet secret d'une Reine

    Marie-Antoinette

    Carnet secret d'une Reine

    de

    Benjamin Lacombe

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    "Schönbrunn, 21 avril 1770,

    Règlement à lire tous les soirs

    Ce 21 avril, jour du départ. A votre réveil, vous ferez tout de suite, en vous levant, vos prières du matin à genoux et une petite lecture spirituelle, ne fût-ce même que d'un seul demi-quart d'heure, sans vous être occupée d'autre chose ou avoir parlé à personne d'autre"

    Dans Marie-Antoinette, Carnet secret d'une reine, Benjamin Lacombe nous fait entrer dans l'univers de cette souveraine à la fois tant admirée et tant décriée. Entremêlant véritables lettres et extraits d'un journal intime fictif, il nous conte son destin. Un destin qu'il décline en quatre chapitres: la fin de l'enfance, les affres de l'amour, le théâtre de la vie et une révolution. Autant d'étapes qui nous entraînent des couloirs de Schönnbrun à ceux de la Conciergerie.

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    Je crois déjà avoir eu l'occasion de vous parler de la passion que j'entretenais, petite fille, pour Marie-Antoinette. J'avais découvert cette reine pendant les célébrations du bicentenaire en 1989 (j'avais à l'époque 6 ans) et j'avais aussitôt manifesté l'envie d'en savoir plus. Au fil des années, j'avais ainsi parcouru diverses biographies, les mémoires de sa femme de chambre, celles de son coiffeur...

    Aussi, quand ce roman graphique est sorti en cette fin d'année, j'étais à la fois impatiente et anxieuse de le lire. Impatiente car je suis généralement très fan du travail de Benjamin Lacombe. Mais, en même temps, anxieuse car il s'attaquait à un des mythes de mon enfance.

    Alors, ce magnifique objet, je l'ai posé, reposé, tourné, retourné...Pour finalement céder à la tentation.

    D'emblée, on sent tout le travail d'investigation mené par l'auteur. Biographies, correspondance, mode de l'époque, tableaux, plans de Versailles et du Trianon...: tout semble avoir été disséqué par lui.

    Et, en quelques 96 pages, accompagné de l'historienne Cécile Berly, il nous livre sa vision de cette Reine.

    Forcément, il ne peut pas tout dire.

    Forcément, il demeure certaines zones d'ombre.

    Mais, par le choix des lettres et les extraits d'un journal intime inventé, il nous donne à voir l'essentiel.

    Au ton toujours juste, sensible et émouvant de ce carnet secret s'allie la richesse graphique. J'ai été bluffée par les peintures, aquarelles, crayonnés... qui emplissent cet ouvrage.

    Benjamin Lacombe invente, réinvente, détourne...Quel bouillonnement créatif! On admire, on observe, on cherche les références...alors que le destin tragique de Marie-Antoinette est en marche et que les tonalités se font de plus en plus sombres.

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    . L'escarpolette de Fragonard

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    Et, celle de Benjamin Lacombe

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été totalement séduite par ce magnifique ouvrage illustré et je ne saurais que vous en recommander la lecture.

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    Soleil Productions, collection Métamorphose, 2014, 96 pages, 24,95 €