Toute la lumière que nous ne pouvons voir
de
Anthony Doerr
"A l'aube, ils tombent en masse du ciel, passent par-dessus les remparts, caracolent au-dessus des toits, descendent lentement entre les hautes maisons. Des rues entières en bouillonnent, taches blanches sur les pavés. Message urgent aux habitants de cette ville. Dispersez-vous dans la campagne.
La marée monte. La lune, petite, jaune, est presque toute ronde. Sur les toits des hotels du front de mer, à l'est, et dans les jardins par-derrière, une demi-douzaine d'unités d'artillerie américaines flanquent des obus incendiaires dans la bouche de mortiers."
7 août 1944. Tombent les bombes sur Saint-Malo. Et chacun retient sa respiration pour être épargné.
Marie-Laure attend seule dans la maison de son grand-oncle. Elle ne voit rien mais elle entend au loin les craquements des feux et les effondrements des toits ou des façades.
Peut-être même qu'elle entend l'hôtel des Abeilles s'écrouler. Et ces trois Allemands prisonniers dans la cave au milieu des éboulements. Parmi eux, Werner, tout juste sorti de l'adolescence. Werner, un génie de la mécanique qui comprend comme personne les radios et les ondes.
Marie-Laure et Werner. Les deux héros de cette fresque qui va nous emporter de 1934 à 1944. Par un système de retours incessants entre le passé et le présent. A la manière d'un puzzle où l'urgence prend tout son sens.
Ce livre, je l'ai découvert sur les conseils de mon frère. Et, dès les premières pages, j'ai été entraînée dans ce chant de mort et de vie. Dans cet univers que les ténèbres semblent engloutir mais où pointent des îlots de lumières. Qu'on ne peut pas toujours percevoir ou anticiper mais qui surgissent à la faveur d'un brin d'humanité.
Récit de deux enfances et de deux adolescences contrastées.
Histoire d'une obsession pour un diamant bleu qui mène un soldat allemand à traquer tous ceux qui pourraient le posséder.
Hymne au courage et à toutes ces résistances de l'ombre.
Description de toutes ces lâchetés ordinaires et de ces renoncements. Ne rien dire. Ne rien faire. Détourner le regard. Et se noyer dans un océan de cauchemars et de regrets.
Fragment d'un amour extraordinaire entre une fille et son père.
Fresque de la Seconde Guerre mondiale.
Rapport sur l'importance de la radio dans ces combats.
Rappel de la beauté des mots et de la musique même quand la fin du monde semble proche.
Il y a tant de lectures possibles et de thèmes dans cet ouvrage.
Un ouvrage qui se déploie sur quelques 700 pages et qui nous retient captifs.
Grâce à une construction où se distille une certaine tension.
Grâce à un souffle incroyable.
Grâce à une manière de mettre en scène les émotions et de bâtir un parcours qui, tour à tour, nous fracasse ou nous donne de l'espoir.
Grâce à une galerie de personnages forts. Marie-Laure, Werner mais aussi Étienne, von Rumpel, Jutta, Mme Manec, M.Leblanc, Frederick, Volheimer...Incarnation de toute notre nature, entre failles et heures glorieuses. Oscillement de leurs êtres. Cicatrices de leurs âmes face aux circonstances du conflit et de leur avant.
Bref, vous l'aurez compris : il s'agit d'un coup de cœur pour moi. Et je ne peux que vous recommander de partir sur les traces de cette lumière que nous ne pouvons voir.
Le Livre de Poche, 2017, 696 pages