Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

roman français

  • Les Lendemains de Mélissa Da Costa

    Les Lendemains

    de

    Mélissa Da Costa

    IMG_20210313_184329_323.jpg

     

    "La serrure rouillée cède difficilement. L'homme est obligé de forcer, de retirer la clé, d'essayer encore. Ici aussi il fait terriblement chaud.  Pas aussi chaud qu'en ville ou en plaine, mais tout de même. La température avoisine les trente degrés. L'homme souffle, semble réfléchir une seconde, puis donne un léger coup contre le bois de la porte, en même temps que la clé tourne. Un déclic: le lourd panneau de bois à la peinture écaillée cède et bascule vers l'intérieur, vers l'obscurité, la fraîcheur."

     

    Le drame un soir de fête de la musique. Une moto qui se retrouve encastrée.
    Et, en quelques heures, Amande perd tout. Son mari et son bébé mort né.

    Dans la brume de sa douleur, surgit une solution. Trouver un refuge. Loin du soutien aimant de sa belle-famille, loin de la maladresse de sa mère.

    Un refuge à soi. Une maison isolée au milieu des bois. Où elle ne laisse rien entrer. Ni lumière, ni bruit.

    Mais voilà même dans le désespoir, peuvent surgir des lueurs. Un chat errant. Des calendriers oubliés où l'ancienne propriétaire notait toutes ses astuces de jardinage de cuisine.

    Les jours passent. Et peu à peu, Amande se réancre dans l'existence. Par cette terre qu'elle cultive. Par ces tissus qu'elle suspend dans un arbre. Par ces invitations qu'elle redonne.

    Laisser entrer.
    Partager.
    Laisser partir.
    Et retrouver le goût de vivre et des lendemains qui chantent.

    Il y a un an, je découvrais, lors d'un voyage à Porto, la plume de Melissa Da Costa. Je me souviens encore de l'émotion à ma lecture de Tout le bleu du ciel. De ce coup de cœur comme une déflagration et ce besoin absolu d'écrire une lettre à son héros. Pour me résoudre aux adieux.

    Dès les premières pages, j'ai de nouveau eu les larmes aux yeux. Car Melissa Da Costa sait nous emporter dans un tourbillon d'émotions.

    J'aime les histoires de résilience et assister au deuil et à la reconstruction d'Amande m'a beaucoup touchée.

    J'aime les histoires qui parlent de/à notre humanité. Et il y a eu tellement d'instants qui ont fait écho.

    Tout comme ces calendriers retrouvés résonnent en Amande. Tutos de jardinage. Tuteurs aussi de ces mois à se relever. Même si je regrette que cette idée n'ait pas été plus creusée.

    Il y a de beaux passages. De communion avec la nature. De couleurs portées par le vent. D'entraide. De barbecue à la pleine lune.

    Mais, pour autant, j'ai trouvé que l'intrigue s'accélère trop vers la fin. Et se résoud trop vite. Laissant une sensation d'inachevé. Comme si certains chapitres restaient à écrire pour conclure cette année avec Amande.

    Bref, vous l'aurez compris: un joli instant de lecture. 

    Albin Michel, 2020, 347 pages

  • L'Odeur de la forêt d'Hélène Gestern

    L'Odeur de la forêt

    de

    Hélène Gestern

    l'odeur de la forêt, hélène gestern, arléa, mémoire, seconde guerre mondiale, première guerre mondiale, photographie, photographie de guerre, deuil, secrets, secrets de famille, littérature française, roman français

    "Réveillée par des voix haut perchées, riant trop fort d'une histoire racontée par un homme à la voix alcoolisée. Leur bruit dans la rue, à trois heures du matin, transperce le sommeil et les fragments de présent se mélangent à des bribes de mon rêve, faisant apparaître le fantomatique Alban dans ma cour intérieure, là où il n'a rien à faire."

    Il est des demandes qui changent radicalement le cours de notre destin. Comme cette expertise de l'album d'un poilu qu'opère Élisabeth Bathori pour Alix de Chalendar.

    Quelques mois plus tard, la voilà héritière de la vieille dame. A elle la maison de famille de Jaligny, à elle surtout les archives de ce soldat mort au combat. Alban de Willecot. Proche du poète symboliste Anatole Massis.

    Une double charge qui arrive comme un bouleversement dans la vie de cette spécialiste, perdue dans les méandres d'un chagrin immense.

    Remonter le fil du temps à la recherche de la mémoire de ces absents va ainsi, paradoxalement, lui permettre de se reancrer dans le monde des vivants. Comme si le passé pouvait réparer le présent.

    L'année dernière, j'avais découvert la plume d'Hélène Gestern avec son très beau roman Eux sur la photo. Un roman où la photographie et les échanges épistolaires structuraient la narration.

    Il en va de même dans cet ambitieux récit qui alterne entre le point de vue de l'héroïne, des passages dans le passé et des retranscriptions de missives et d'un journal intime. Comme autant de matières textuelles qui enrichissent sans cesse le propos.

    J'ai toujours eu une prédilection pour ce genre d'ouvrages, entre quête et reconstruction. Deux pôles autour desquels gravite l'intrigue.

    Ainsi, nous suivons la reappropriation de son destin par l'héroïne. Par le jeu d'une succession de rencontres et de voyages, notamment au Portugal. Par ses investigations aussi dans sa nouvelle demeure et dans ses papiers jaunis.

    Même si cette partie m'a intéressée, je me suis surtout passionnée pour le volet historique. Deux périodes s'entrecroisent vite. La première et la seconde guerre mondiale. Mais c'est surtout la première guerre mondiale qui occupe le devant de la scène. Apparaissent bien vite des secrets de famille que seule l'étude acharnée d'Élisabeth pourra dissiper. Labyrinthe de mystères qui nous entraîne dans les impasses d'un amour interdit, dans le fracas des conflits, dans les mensonges d'une entreprise courageuse qui teste les limites de l'honneur, dans la violence de destins sacrifiés.

    C'est un livre dense qui véhicule de nombreuses émotions et qui bruisse de tout le poids de ces souvenirs. Fragments de photos et de mots qui résonnent et nous entraînent.

    Mon seul bémol tiendra finalement à la relation de l'héroïne avec un des protagonistes. Une relation qui m'a vite ininteresssee.

    Me resteront l'odeur de la forêt, des clichés choc, les voix de Diane, Alban et Élisabeth, une sensation de curiosité sans cesse attisée, les scènes avec le vice-consul. Et cette confirmation que j'aime infiniment la manière qu'a Hélène Gestern de conter. Avec élégance, profondeur et poésie.

    Bref, je ne peux que vous conseiller ce périple de plus de 700 pages. 
     
    Arléa, 2018, 736 pages
     
  • La Somme de nos vies de Sophie Astrabie

    La Somme de nos vies

    de

    Sophie Astrabie

    IMG_20200725_091356_829.jpg

    Il y a ces vies que l'on suit. Emportés par le flot des années. Sans jamais vraiment choisir. Calqués sur des modèles conçus par d'autres.

    Il y a ces vies qu'on invente. Pour ne pas décevoir. Pour être à la hauteur des attentes de ces autres qui comptent tant.

    Il y a ces vies qui dépassent les cadres et prennent des chemins inespérés.

    Il y a cette somme de toutes ces vies. Les réelles et les rêvées qui s'entremêlent. Jusqu'à cet équilibre à sans cesse recréer et consolider.

    Il y a ce roman de Sophie Astrabie. Son deuxième. Mon premier parcouru. Même si je connaissais déjà sa plume via ses posts Instagram. Elle fait partie de ces regards que j'aime suivre. Comme si ces mots parvenaient à retranscrire le beau et le grave de nos existences.

    C'est justement ce beau et ce grave que j'ai retrouvés dans cet ouvrage.
    Grâce à Camille, Marguerite et Thomas.
    Trois personnages liés par un appartement. Celui que Marguerite a occupé depuis l'âge de 9 ans. Celui qu'elle a mis en vente pour redorer un peu ses jours teintés d'ennui. Même si elle ne veut pas vraiment s'en séparer. Thomas se charge de la transaction. Camille fait partie des potentiels acheteurs.

    Camille, la spectatrice. Celle qui a bâti une fausse vie pour sa famille. Pour correspondre à l'image qu'ils ont fabriquée d'elle. Celle qui observe aussi ses voisins en face. Héroïne en lisière. Qui attend un signe pour basculer dans un mouvement et être chavirée par une vague d'émotions.

    Forcément, vous l'aurez compris: la rencontre de ces trois là va inverser le cours de leurs destins. Et nous allons entendre ce bouleversement par leurs trois voix. Trois voix qui vont s'apprivoiser, se répondre, se soutenir, s'accorder.

    Une trame déjà abordée mais voilà, chaque histoire se pare d'originalité grâce à la voix de son autrice ou de son auteur. Et j'ai aimé la manière de Sophie Astrabie de mettre en scène ses protagonistes, d'émailler son propos de réflexions sensibles et de nous emmener dans un univers touchant.

    Bref, vous l'aurez compris : une jolie parenthèse livresque qui fait du bien tout simplement.

    Editions Flammarion, 2020, 400 pages