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destin

  • Montre jamais ça à personne

    Montre jamais ça à personne

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    C'était lundi soir il y a 15 jours. J'étais en quête d'un nouveau programme quand je suis tombée sur cette photo. Orelsan ne fait pas partie des artistes que je connais bien . Loin de là même. Mais voilà, ce titre et ce cliché ont suscité ma curiosité. Et j'ai regardé à la suite les six épisodes de ce documentaire.

    Un documentaire entamé il y a 20 ans par un petit frère, Clément Cotentin qui croyait déjà au destin du plus grand. Un plus grand qui avait son propre appartement à Caen et qui avec sa bande fascinait son cadet.

    C'est je crois ce qui m'a le plus émue dans cette création : le regard d'un frère sur l'autre. Plein d'amour et de confiance. Un frère qui, avec le caméscope de son anniversaire, interviewe son aîné et collectionne tous ses instants de vie, de doutes, de rires, de colère, de peur, d'échecs et de succès.

    Ainsi s'enchaîne sous nos yeux une succession de séquences sur le vif où Orelsan et ses amis : Skread, Ablaye et Gringe se livrent. Avec cet effet miroir de ces scènes de maintenant, au cadrage plus classique, où chacun revient sur leur passé en commun. Pour un voyage dans le temps infiniment émouvant.

    Les années ont passé. Mais ce qui demeure, c'est ce lien. Vecteur de tous les possibles qui les a unis dès la fin de l'adolescence. Dans le bouillonnement d'un appartement, certains y ont cru plus tôt. Y ont travaillé aussi avec plus d'intensité. Avec cette certitude que tout allait s'ouvrir à eux. Puis, Orelsan a rattrapé le train de Skread et Ablaye. Sans jamais oublier le quatrième mousquetaire :Gringe avec lequel il a crée le groupe les Casseurs Flowteurs, après le succès de son deuxième album et tourné un programme court pour Canal +.

    Le regard d'un frère. La force d'une amitié qui ne se dément jamais. Autant d'éléments si sincères qui jalonnent cet itinéraire.

    Et puis, il y a ces autres voix qui retentissent. Celles de la famille un peu désemparée face à ce garçon qui ne semble pas trouver totalement sa place et dont le succès les prend de court. Celles des professionnels : managers, producteurs, auteurs, compositeurs, interprètes. Contrepoints qui éclairent d'autres facettes d'Orelsan.

    Il y a ces moments également où se dégage un air de fête. La fête des gens heureux d'être ensemble. Joie sur les tournages des clips artisanaux des débuts. Complicité sur les tournées qui prennent de l'ampleur. Rêve sur grand écran. Tous ces projets qui grandissent avec eux et dont l'ampleur parfois les surprend.

    Il y a ces heures en studio. Ecrire, raturer, chanter, recommencer, chercher le mot juste, l'intensité. Quête créative passionnante.

    Il y a ces réflexions sur le monde de la musique et sur la difficulté encore plus grande pour ceux qui ne viennent pas de Paris ou de Marseille.

    Montre jamais ça à personne.

    La preuve qu'il ne faut pas toujours écouter les grands frères.

    Montre jamais ça à personne.

    Ou un documentaire coup de cœur. Récit d'existences croisées que je ne peux que vous recommander.

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  • Le Tour du malheur de Joseph Kessel

    Le Tour du malheur tome 1: La Fontaine Médicis, l'Affaire Bernan

    de

    Joseph Kessel

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    "Il y avait eu le mois d'août 1914. 

    Et septembre...octobre...novembre...décembre...

    La guerre avait pris pour nom tour à tour: Thann, Le Grand-Couronné et Charleroi, puis la Marne et la course à la Mer, enfin le nom de toutes les tranchées qui allaient des Flandres à la Suisse."

    Fresque à dimension fortement autobiographique, le Tour du Malheur retrace le parcours de Richard Dalleau, de la Grande Guerre à la fin des années 20.

    Dans ces deux premières parties: la Fontaine Médicis et l'Affaire Bernan, nous faisons sa connaissance en 1915. Par une nuit normande où son frère fait le guet pendant qu'il part rencontrer sa future conquête. En quelques pages, tout est installé : l'admiration de Richard pour ceux qui font la guerre, sa relation avec son frère, sa mère et son père ainsi que son rapport aux femmes et son envie de briller.

    Comme si Joseph Kessel plantait dès les premières lignes les graines de cet apprentissage qu'il va développer.
    Un apprentissage entre admiration et désir de briller, un apprentissage entre volonté d'indépendance et recherche de l'approbation des siens et des autres.
    Un apprentissage marqué par l'envie viscérale de s'élever. Au risque de se renier.

    Ce roman questionne ainsi la bravoure, l'amitié, l'amour, la camaraderie, l'esprit de clan, la fidélité, l'honneur. Comme autant de principes qui sillonnent la route de notre héros, lui servent de repères ou l'entraînent vers des voies détournées.

    A ce parcours de Richard se joignent celui de son frère, son meilleur ami d'études, un lieutenant d'aviation croisé au combat....Figures représentatives de cette époque de la Grande Guerre et de cet après à reconstruire, entre traumatisme et besoin de vivre voire de se brûler.

    Ce livre, je l'ai découvert grâce à Olivia de Lamberterie et je l'en remercie. Elle l'avait cité l'année dernière au milieu de 40 titres. Il s'agit de ma seconde incursion dans l'univers de Joseph Kessel. J'avais tant aimé l'Armée des ombres.
    Et là, de nouveau, je suis tombée sous le charme.

    Ce premier tome de six cent pages propose tout ce que j'aime en littérature : un volet historique; une dimension psychologique; une construction polyphonique; des protagonistes incarnés, entre ombres et lumières; des scènes marquantes et ce besoin viscéral de continuer, chapitre après chapitre. Pour connaître le sort de ces êtres de papier et l'orchestration de leurs destins croisés.

    Joseph Kessel reconnaît avoir distribué "ses nerfs et son sang à ses créatures" dans tous ses romans. Il lui a fallu 20 ans pour créer cette oeuvre là. Et peut-être que c'est cette part de lui, instillée pendant si longtemps, qui rend si émouvantes les scènes avec sa famille ou avec son capitaine. Ou tout simplement son grand talent d'écrivain.

    Bref, vous l'aurez compris: un ouvrage coup de cœur, que j'ai dévoré. 

    Folio, 670 pages

  • Le Pianiste de Hartgrove Hall

    Le Pianiste de Hartgrove Hall

    de

    Natasha Solomons

    le pianiste de hartgrove hall, natasha solomons, calmann levy, musique, littérature anglaise, roman, destin, famille

    "Edie chanta à ses propres funérailles. Il n'aurait pu en être autrement. La plupart des gens l'avaient d'abord connue par sa voie. Il fallait quelques semaines, voire des mois, aux nouvelles relations pour concilier cette voix, une voix qui vous électrisait avec ce petit bout de femme aux yeux gris munie d'un grand sac à main. Grive musicienne, elle chantait comme un rossignol. Ce dernier surnom -"le petit rossignol"- était celui qui, d'après moi, lui convenait le mieux."

    Poussez les portes de Hartgrove Hall et faites la connaissance de Fox, notre héros, sur deux périodes de vie très distinctes.

    Celle des années 2000 où il vient de perdre sa femme et où son inspiration musicale s'est évanouie. Comme si les notes se refusaient désormais à lui.

    Celle des années 45/50, juste après la Seconde Guerre mondiale, où il hésite entre rester avec ses frères pour sauver le manoir familial et écouter l'appel de la musique.

    Deux périodes comme des échos. Deux périodes qui s'imbriquent et se répondent.

    J'avais vraiment apprécié le roman Le manoir de Tyneford. Aussi, j'étais contente de redécouvrir la plume de Natasha Solomons. Mais nos retrouvailles ont mis du temps à s'opérer. Je crois que ce qui m'a désarçonnée, c'est cette arcane contemporaine qui donnait bien des réponses aux enjeux du passé. Comme si l' important ne se tenait pas là.

    Il m'a fallu accepter ce pacte narratif pour entrer de plein pied dans cette intrigue et me laisser porter par le charme de ce livre.

    La musique constitue le cœur palpitant de ces pages. La musique comme une passion dévorante et solitaire qui peut éloigner de sa famille. La musique comme un lien qui relie ceux qui ne vivent que pour elle. La musique comme un moyen de collecter ce temps qui passe et de garder à jamais l'atmosphère d'un lieu et de préserver les sensations. La musique comme début et comme fin. La musique et ses dérives.

    J'ai été particulièrement sensible à tous les passages autour de la collecte des chansons par notre héros. L'émotion de sentir le poids des ans dans une ritournelle.

    J'ai aimé la partie ancienne. Comme un vieux film nostalgique et élégant. Récit d'apprentissage. Récit de perte. Récit d'amour. Récit autour de ces rencontres déterminantes qui bouleversent tout. A l'ombre du manoir et des notes.

    La partie contemporaine ne m'a pas toujours autant intéressée. Même si le rapport entre Fox et son petit-fils Robin ainsi que les réunions des anciens amis m'ont touchée.

    J'apprécie quand les sentiments sont explorés avec pudeur et sensibilité. Et j'ai jugé que Natasha Solomons réussissait le plus souvent à merveille cet exercice.

    Bref, vous l'aurez compris : une jolie saga familiale autour de la musique et de la mémoire. 

    Calmann Lévy, 2017, 441 pages