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première guerre mondiale

  • L'Odeur de la forêt d'Hélène Gestern

    L'Odeur de la forêt

    de

    Hélène Gestern

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    "Réveillée par des voix haut perchées, riant trop fort d'une histoire racontée par un homme à la voix alcoolisée. Leur bruit dans la rue, à trois heures du matin, transperce le sommeil et les fragments de présent se mélangent à des bribes de mon rêve, faisant apparaître le fantomatique Alban dans ma cour intérieure, là où il n'a rien à faire."

    Il est des demandes qui changent radicalement le cours de notre destin. Comme cette expertise de l'album d'un poilu qu'opère Élisabeth Bathori pour Alix de Chalendar.

    Quelques mois plus tard, la voilà héritière de la vieille dame. A elle la maison de famille de Jaligny, à elle surtout les archives de ce soldat mort au combat. Alban de Willecot. Proche du poète symboliste Anatole Massis.

    Une double charge qui arrive comme un bouleversement dans la vie de cette spécialiste, perdue dans les méandres d'un chagrin immense.

    Remonter le fil du temps à la recherche de la mémoire de ces absents va ainsi, paradoxalement, lui permettre de se reancrer dans le monde des vivants. Comme si le passé pouvait réparer le présent.

    L'année dernière, j'avais découvert la plume d'Hélène Gestern avec son très beau roman Eux sur la photo. Un roman où la photographie et les échanges épistolaires structuraient la narration.

    Il en va de même dans cet ambitieux récit qui alterne entre le point de vue de l'héroïne, des passages dans le passé et des retranscriptions de missives et d'un journal intime. Comme autant de matières textuelles qui enrichissent sans cesse le propos.

    J'ai toujours eu une prédilection pour ce genre d'ouvrages, entre quête et reconstruction. Deux pôles autour desquels gravite l'intrigue.

    Ainsi, nous suivons la reappropriation de son destin par l'héroïne. Par le jeu d'une succession de rencontres et de voyages, notamment au Portugal. Par ses investigations aussi dans sa nouvelle demeure et dans ses papiers jaunis.

    Même si cette partie m'a intéressée, je me suis surtout passionnée pour le volet historique. Deux périodes s'entrecroisent vite. La première et la seconde guerre mondiale. Mais c'est surtout la première guerre mondiale qui occupe le devant de la scène. Apparaissent bien vite des secrets de famille que seule l'étude acharnée d'Élisabeth pourra dissiper. Labyrinthe de mystères qui nous entraîne dans les impasses d'un amour interdit, dans le fracas des conflits, dans les mensonges d'une entreprise courageuse qui teste les limites de l'honneur, dans la violence de destins sacrifiés.

    C'est un livre dense qui véhicule de nombreuses émotions et qui bruisse de tout le poids de ces souvenirs. Fragments de photos et de mots qui résonnent et nous entraînent.

    Mon seul bémol tiendra finalement à la relation de l'héroïne avec un des protagonistes. Une relation qui m'a vite ininteresssee.

    Me resteront l'odeur de la forêt, des clichés choc, les voix de Diane, Alban et Élisabeth, une sensation de curiosité sans cesse attisée, les scènes avec le vice-consul. Et cette confirmation que j'aime infiniment la manière qu'a Hélène Gestern de conter. Avec élégance, profondeur et poésie.

    Bref, je ne peux que vous conseiller ce périple de plus de 700 pages. 
     
    Arléa, 2018, 736 pages
     
  • Le Tour du malheur de Joseph Kessel

    Le Tour du malheur tome 1: La Fontaine Médicis, l'Affaire Bernan

    de

    Joseph Kessel

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    "Il y avait eu le mois d'août 1914. 

    Et septembre...octobre...novembre...décembre...

    La guerre avait pris pour nom tour à tour: Thann, Le Grand-Couronné et Charleroi, puis la Marne et la course à la Mer, enfin le nom de toutes les tranchées qui allaient des Flandres à la Suisse."

    Fresque à dimension fortement autobiographique, le Tour du Malheur retrace le parcours de Richard Dalleau, de la Grande Guerre à la fin des années 20.

    Dans ces deux premières parties: la Fontaine Médicis et l'Affaire Bernan, nous faisons sa connaissance en 1915. Par une nuit normande où son frère fait le guet pendant qu'il part rencontrer sa future conquête. En quelques pages, tout est installé : l'admiration de Richard pour ceux qui font la guerre, sa relation avec son frère, sa mère et son père ainsi que son rapport aux femmes et son envie de briller.

    Comme si Joseph Kessel plantait dès les premières lignes les graines de cet apprentissage qu'il va développer.
    Un apprentissage entre admiration et désir de briller, un apprentissage entre volonté d'indépendance et recherche de l'approbation des siens et des autres.
    Un apprentissage marqué par l'envie viscérale de s'élever. Au risque de se renier.

    Ce roman questionne ainsi la bravoure, l'amitié, l'amour, la camaraderie, l'esprit de clan, la fidélité, l'honneur. Comme autant de principes qui sillonnent la route de notre héros, lui servent de repères ou l'entraînent vers des voies détournées.

    A ce parcours de Richard se joignent celui de son frère, son meilleur ami d'études, un lieutenant d'aviation croisé au combat....Figures représentatives de cette époque de la Grande Guerre et de cet après à reconstruire, entre traumatisme et besoin de vivre voire de se brûler.

    Ce livre, je l'ai découvert grâce à Olivia de Lamberterie et je l'en remercie. Elle l'avait cité l'année dernière au milieu de 40 titres. Il s'agit de ma seconde incursion dans l'univers de Joseph Kessel. J'avais tant aimé l'Armée des ombres.
    Et là, de nouveau, je suis tombée sous le charme.

    Ce premier tome de six cent pages propose tout ce que j'aime en littérature : un volet historique; une dimension psychologique; une construction polyphonique; des protagonistes incarnés, entre ombres et lumières; des scènes marquantes et ce besoin viscéral de continuer, chapitre après chapitre. Pour connaître le sort de ces êtres de papier et l'orchestration de leurs destins croisés.

    Joseph Kessel reconnaît avoir distribué "ses nerfs et son sang à ses créatures" dans tous ses romans. Il lui a fallu 20 ans pour créer cette oeuvre là. Et peut-être que c'est cette part de lui, instillée pendant si longtemps, qui rend si émouvantes les scènes avec sa famille ou avec son capitaine. Ou tout simplement son grand talent d'écrivain.

    Bref, vous l'aurez compris: un ouvrage coup de cœur, que j'ai dévoré. 

    Folio, 670 pages

  • Les Croix de bois de Roland Dorgelès

    Les Croix de bois

    de

    Roland Dorgelès

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    "Les fleurs à cette époque de l'année, étaient déjà rares, pourtant on en avait trouvé pour décorer tous les fusils du renfort et la clique en tête entre deux haies muettes de curieux, le bataillon, fleuri comme un grand cimetière, avait traversé la ville à la débandade."

    Ainsi commence le roman Les Croix de Bois. Il tire son nom de toutes les croix, faites à la va-vite, que l'on pouvait trouver au-dessus des cadavres des soldats français et allemands.

    Rolend Dorgelès entend, avec cet ouvrage, rendre hommage à tous ces combattants de la Première Guerre mondiale. Et on le sent bien dès les premiers chapitres.

    En effet, on assiste à une succession de scènes toutes représentatives du front: l'arrivée des nouvelles recrues, la première nuit dans les tranchées, l'appel, les permissions....Autant de succédanés de ce que pouvait être la vie de ceux qui ont été appelés ou se sont engagés.

    A ces scènes de la vie quotidienne s'entremêlent des scènes de combat ou d'attente de l'ennemi.

    Des scènes qui nous parlent de l'absurdité des batailles et de la cacophonie des ordres.

    Des scènes qui nous disent tout de la peur des hommes et de la tristesse de voir leurs compagnons tomber.

    Des scènes inoubliables qui restent longtemps ancrées dans la mémoire et qui nous rappellent ce qu'a subi toute une génération.

    "Nous acceptons tout: les relèves sous la pluie, les nuits dans la boue, les jours sans pain, la fatigue surhumaine qui nous fait plus brutes que les bêtes, nous acceptons toutes les souffrances, mais laissez-nous vivre, rien que cela, vivre...Ou seulement le croire jusqu'au bout, espérer toujours, espérer quand même. Maintenant et à l'heure de notre mort, ainsi soit-il..."

    Adolescente, j'avais déjà lu ce roman mais je ne me souvenais pas de cette structure si particulière. Quand je l'ai repris pour cette lecture commune avec ma copinaute Céline, je dois avouer que j'ai été quelque peu désarçonnée par ce rythme et cette absence d'"intrigue".

    Puis, je me suis attachée à ce groupe de soldats, je me suis fondue dans leur bataillon, j'ai vécu leur quotidien, j'ai prié avec eux sur la colline...et je me suis laissée prendre par le style de Roland Dorgelès, par son humanité et par sa faculté à donner du souffle même aux situations les plus triviales.

    Ce qui donne encore plus de force à ce récit, c'est le sentiment de vécu qui se dégage de ces pages. On se rend bien compte que l'auteur a mis beaucoup de lui et de son expérience dans son œuvre.

    "Maintenant, on savoure la moindre joie, comme un dessert dont on est privé. Le bonheur est partout: c'est le gourbi où il ne pleut pas, une soupe bien chaude, la litière de paille sale où l'on se couche, l'histoire drôle qu'un copain raconte, une nuit sans corvée...[...] Pareil aux enfants pauvres, qui se construisent des palais avec des bouts de planche, le soldat fait du bonheur avec tout ce qui traîne."

    Ce sentiment de vécu amplifie d'ailleurs encore plus l'horreur de certaines séquences. Celle du tunnel creusé...Celle du soldat blessé qui appelle au secours et que tout le monde laisse mourir...Celle du cimetière...

    On ressort des Croix de Bois profondément choqués et émus. Avec la conviction de ce "plus jamais".

    Et je ne vous dis rien des pages finales qui prennent, au regard de l'histoire, une résonance particulière.

    Bref, vous l'aurez compris: je vous recommande vivement cette lecture.

    Le Livre de Poche, 288 pages, 5,10 €

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Céline et du Challenge Première Guerre mondiale.

     

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