Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

gallimard

  • Mansfield Park de Jane Austen

    Mansfield Park

    de

    Jane Austen

    mansfield park, jane austen, fanny price, roman anglais, classique, littérature anglaise, avis livre, je lis jane austen, roman classique

    Une de mes intentions livresques de 2025 est de relire Jane Austen. En janvier, j'ai donc commencé par le titre que j'avais le moins aimé. Peut-être car je considère qu'il manque de rythme par rapport à Orgueil et préjugés. Peut-être aussi car je le juge résolument plus triste et plus moralisateur. 
     
    Ma relecture m'a confirmé qu'il ne ferait toujours pas partie de mes préférés de Jane. Néanmoins, je lui ai trouvé plus de qualités. 
     
    Fanny Price a été recueillie assez jeune par les Bertram à Mansfield Park. Elle a pu ainsi bénéficier d'une meilleure éducation que celle qu'elle aurait reçue chez elle et de meilleures conditions d'existence. Comme le lui rappelle souvent sa tante, l'horrible Mrs Norris. Elle a grandi avec ses quatre cousins et au fil des années, s'est rapprochée d'Edmund, le cadet.
    Surgissent un frère et une sœur, les Crawford. Au charme et à la séduction évidents. Et tout bascule. 
     
    Ce point de bascule est très bien montré dans le livre. Mary et Henry Crawford apparaissent comme des "tentateurs" qui aiment plaire et être aimés. Quitte à ne pas toujours suivre la ligne de conduite la plus exemplaire. Ces "méchants " vont donc servir de détonateurs et permettre à plusieurs des personnages de faire leur apprentissage. Un apprentissage parfois douloureux. 
     
    J'évoquais le rythme d'Orgueil et préjugés plus haut. Sur certains plans, Mansfield Park m'a semblé comme un miroir inversé de cet ouvrage. Dans la résolution de certains nœuds d'intrigue. Dans l'absence de rédemption pour un ou une protagoniste. Dans l'histoire d'amour aussi. Et puis, bien entendu avec la personnalité de l'héroïne. Une Fanny aux antipodes d'une Elizabeth. 
     
    Pour autant, Fanny se révèle attachante. Avec sa résilience. Avec ses intimes convictions. Avec sa rectitude comme baromètre. Avec sa fidélité aux sentiments et aux gens. Autre découverte pour moi lors de cette relecture : Sir Thomas. J'en gardais un souvenir tout autre et il m'a semblé très intéressant. Notamment lors de sa remise en cause. 
     
    Il y a moins d'humour et de vivacité dans Mansfield. Pourtant, l'ironie de Jane affleure toujours. Dans les descriptions de certains. A commencer par Mrs Norris et sa radinerie ou Rutsworth et sa garde-robe théâtrale. 
     
    De même, son ironie domine également dans certaines situations. La fameuse pièce par exemple. 
     
    Bref, vous l'aurez compris : même si je resterai définitivement hermétique au charme d'Edmund, j'ai pris plus de plaisir lors de cette seconde lecture que lors de ma première. La preuve que certains classiques gagnent à être relus. Privilège de l'âge et de l'expérience qui rendent sensible à d'autres éléments.
     
    Traduit par Pierre Goubert

     

  • Le Tour du malheur de Joseph Kessel

    Le Tour du malheur tome 1: La Fontaine Médicis, l'Affaire Bernan

    de

    Joseph Kessel

    IMG_20200715_082902_915.jpg

    "Il y avait eu le mois d'août 1914. 

    Et septembre...octobre...novembre...décembre...

    La guerre avait pris pour nom tour à tour: Thann, Le Grand-Couronné et Charleroi, puis la Marne et la course à la Mer, enfin le nom de toutes les tranchées qui allaient des Flandres à la Suisse."

    Fresque à dimension fortement autobiographique, le Tour du Malheur retrace le parcours de Richard Dalleau, de la Grande Guerre à la fin des années 20.

    Dans ces deux premières parties: la Fontaine Médicis et l'Affaire Bernan, nous faisons sa connaissance en 1915. Par une nuit normande où son frère fait le guet pendant qu'il part rencontrer sa future conquête. En quelques pages, tout est installé : l'admiration de Richard pour ceux qui font la guerre, sa relation avec son frère, sa mère et son père ainsi que son rapport aux femmes et son envie de briller.

    Comme si Joseph Kessel plantait dès les premières lignes les graines de cet apprentissage qu'il va développer.
    Un apprentissage entre admiration et désir de briller, un apprentissage entre volonté d'indépendance et recherche de l'approbation des siens et des autres.
    Un apprentissage marqué par l'envie viscérale de s'élever. Au risque de se renier.

    Ce roman questionne ainsi la bravoure, l'amitié, l'amour, la camaraderie, l'esprit de clan, la fidélité, l'honneur. Comme autant de principes qui sillonnent la route de notre héros, lui servent de repères ou l'entraînent vers des voies détournées.

    A ce parcours de Richard se joignent celui de son frère, son meilleur ami d'études, un lieutenant d'aviation croisé au combat....Figures représentatives de cette époque de la Grande Guerre et de cet après à reconstruire, entre traumatisme et besoin de vivre voire de se brûler.

    Ce livre, je l'ai découvert grâce à Olivia de Lamberterie et je l'en remercie. Elle l'avait cité l'année dernière au milieu de 40 titres. Il s'agit de ma seconde incursion dans l'univers de Joseph Kessel. J'avais tant aimé l'Armée des ombres.
    Et là, de nouveau, je suis tombée sous le charme.

    Ce premier tome de six cent pages propose tout ce que j'aime en littérature : un volet historique; une dimension psychologique; une construction polyphonique; des protagonistes incarnés, entre ombres et lumières; des scènes marquantes et ce besoin viscéral de continuer, chapitre après chapitre. Pour connaître le sort de ces êtres de papier et l'orchestration de leurs destins croisés.

    Joseph Kessel reconnaît avoir distribué "ses nerfs et son sang à ses créatures" dans tous ses romans. Il lui a fallu 20 ans pour créer cette oeuvre là. Et peut-être que c'est cette part de lui, instillée pendant si longtemps, qui rend si émouvantes les scènes avec sa famille ou avec son capitaine. Ou tout simplement son grand talent d'écrivain.

    Bref, vous l'aurez compris: un ouvrage coup de cœur, que j'ai dévoré. 

    Folio, 670 pages

  • Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu

    Sacrées Sorcières

    de

    Pénélope Bagieu

    IMG_20200801_161214_978.jpg

    La bande dessinée s'ouvre sur une scène qu'on croirait tout droit sorti d'un film de super-héros, la lutte entre une sorcière aux allures de la méchante sorcière de l'Ouest et un super-héros. Jusqu'à ce qu'un chien volant semble sur le point de régler le conflit. Mais le lecteur restera en suspens face à cet incroyable combat.

    En effet, le jeune garçon à l'origine de cette séquence d'anthologie vient d'être ramené à la réalité par sa grand-mère. Elle lui propose une glace pour oublier momentanément la tristesse liée à l'enterrement de ses parents, décédés dans un accident. Et le soir venu, elle lui raconte des histoires de sorcières. Des histoires qui, selon elle, se sont réellement déroulées. Des enfants auraient ainsi disparu suite à leur rencontre avec ces êtres fantastiques. Elle lui confie aussi les moyens de les reconnaître. Quelques temps plus tard, tous deux partent pour un séjour à la mer. Et  voilà notre héros qui lors d'une excursion dans les couloirs de l'hôtel, se retrouve enfermé au milieu d'un congrès de sorcières. Dissimulé derrière un paravent, il découvre avec horreur que leur chef, la grandissime sorcière, a fomenté un terrible plan pour que tous les enfants soient exterminés.
    Parviendra-t-il à déjouer le complot ?

    IMG_20200801_161214_983.jpg



    Petite, Roald Dahl fait partie de ces auteurs dont j'ai lu quelques titres avec beaucoup de plaisir. Je me souviens notamment d'heures merveilleuses passées en compagnie de Charlie et de Matilda. Mais je n'avais jamais eu l'occasion de parcourir Sacrées sorcières. J'ai réparé cette erreur avec cette adaptation graphique par Pénélope Bagieu.

    Réussir à adapter un classique tout en continuant à instiller de sa personnalité artistique peut se révéler une gageure. Ici, j'ai trouvé le pari relevé. J'ai apprécié les dessins tout en rondeurs, truffés de références aux films comme le Magicien d'Oz, Catwoman ou à une Nounou d'Enfer avec cette grand-mère, sosie de Yeta.

    J'ai été frappée par le dynamisme de la narration. Le choix des découpes de cases, les dialogues, la fragmentation de l'histoire : tout invite en permanence au mouvement.

    Pour autant, l'humour, parfois noir, si cher à Roald Dahl,  demeure bien prégnant.  Je me suis souvent surprise à sourire voire à rire au fil des pages.

    Il y a également une certaine dose d'émotion, notamment dans la relation entre le héros et sa grand-mère et cette peur viscérale de voir l'autre disparaître. Comme s'ils étaient désormais les remparts l'un de l'autre face à la solitude et au vide.

    Bref, vous l'aurez compris : une oeuvre réussie que je ne peux que vous recommander et qui confirme une fois encore le talent de Pénélope Bagieu. 

    Editions Gallimard, 2020