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éditions héloïse d'ormesson

  • Poste restante à Locmaria de Lorraine Fouchet

    Poste restante à Locmaria

    de

    Lorraine Fouchet

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    "Il l'aperçoit à la terrasse du Caffe Rosati et c'est l'été, bien qu'on soit en avril. Elle est seule devant un espresso. Il n'aime plus dormir depuis qu'ils sont ensemble, parce qu'ils sont séparés lorsqu'il rêve. Elle a littéralement kidnappé son cœur. Ce jour-là, elle porte une robe orange, sa couleur favorite-il voit la vie en orange désormais. Elle entoure sa tasse d'un geste si sensuel qu'il envie la porcelaine."

    A Rome, début des années 1990, un homme va rejoindre sa femme, à la terrasse d'un café. Mais, distrait, il se fait renverser par une Vespa et meurt sur le coup. Sa veuve Livia est enceinte. Elle accouche de Chiara, une jeune femme, qu'elle élève sans tendresse, en lui faisant comprendre que sa présence est un fardeau.

    Chiara se construit dans ce rejet maternel et dans l'image idéalisée de son père, décédé avant sa naissance. Aussi, quand le soir des 50 ans de Livia, elle apprend par sa marraine qu'elle est peut être la fille d'un pêcheur de l'île de Groix, rencontré lors d'une soirée toscane, son monde s'écroule.

    Décidée à comprendre ses origines, elle part en Bretagne, sur les traces de celui qui l'a peut être conçue.

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    J'avais déjà eu l'occasion de vous parler de la Mélodie des jours et de l'Agence, deux œuvres de Lorraine Fouchet, qui m'avaient fait passer un bon moment de lecture. Et je n'avais pas pris le temps de chroniquer Entre ciel et Lou, un très beau roman "doudou".

    Comme dans ses précédents opus, on retrouve dès les premières pages la "petite musique" de l'autrice. A savoir son style humaniste, son regard tendre sur ses protagonistes et son sens de la phrase poétique qui jaillit au gré d'un paragraphe.

    Poste restante à Locmaria traite de sujets graves: la paternité, l'absence de paternité, la mort des proches, la culpabilité qu'elle génère parfois,le deuil, le déracinement, le rejet, la construction de fausses identités...Mais, ces thématiques parfois sombres et qui résonnent en chacun d'entre nous, s'accompagnent d'amour, d'entraide, de solidarité, de sentiment d'appartenance, de pardon, de reconstruction, de rires, de repas conviviaux...C'est la vie avec toutes ces facettes que l'écrivaine invite dans son œuvre.

    J'ai aimé ce fourmillement d'idées, ce jaillissement d'émotions...Toutefois, vers la fin, j'ai trouvé que cette multitude était de trop. J'aurais préféré m'arrêter plus longtemps sur certains sujets ou certains personnages.

    On suit ainsi Chiara, Gabin, Charles, Perig, Louis, Viola, Livia, Urielle, Rozenn, Didier, Oanelle...Tant de destins qui palpitent, étreignent, pleurent et que nous effleurons parfois à peine. Une fois, encore, ce grand nombre m'a quelque peu gênée dans ma découverte. J'ai regretté de ne pas faire plus ample connaissance avec certains d'entre eux et de rester avec des interrogations.

    Néanmoins, je dois reconnaître que tous ces protagonistes, même s'ils ne sont pas toujours aussi fouillés que je le souhaiterais, sonnent toujours justes. Je me suis particulièrement attachée à quatre d'entre eux: Chiara, Charles, Gabin et Louis. Je me suis même demandée si Lorraine Fouchet n'avait pas mis beaucoup d'elle dans ses trois héros masculins. Le médecin, l'adolescent sans père, l'écrivain...Comme trois échos. Et la pirouette finale a encore plus ancré en moi cette théorie.

    Pour dérouler le fil de l'intrigue, les voix s'entremêlent. J'ai apprécié cette polyphonie narrative car elle m'a permis de mieux cerner Chiara, Louis, Gabin ou Charles. En revanche, j'aurais préféré que ce choix soit uniquement orienté vers des humains. Les monologues de la boîte aux lettres ou de Pégase n'ont pas emporté mon adhésion.

    Comme dans Entre Ciel et Lou, l'île de Groix sert de cadre principal à l'action. L'autrice rend un vibrant hommage à ce lieu. Sous sa plume, on voyage sur les sentiers, bercés par le bruit des vagues; on sent les embruns sur notre peau; on respire l'air iodé et on n'a qu'une envie: prendre un aller simple pour cet endroit d'exception.

    Bref, vous l'aurez compris: même si j'émets quelques réserves et si les rebondissements des derniers chapitres m'ont semblé parfois trop télescopés,  je me suis promenée avec intérêt sur ces chemins bretons. Et j'aurais plaisir à retrouver cette autrice sensible pour son prochain livre.

    Merci à Roxane et aux éditions Héloïse d'Ormesson pour cet envoi.

    Editions Héloise d'Ormesson, 2018, 382 pages

     

  • La Part des flammes

    La Part des flammes

    de

    Gaëlle Nohant

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    "La marquise de Fontenilles n'en finissait pas de la faire attendre dans cette antichambre aux allures de bonbonnière. Érodée par l'impatience et la nervosité, l'assurance de Violaine de Raezal s'effritait. Elle espérait tant de cette entrevue! La marquise était un des sphinx de dentelle vêtus qui gardaient les portes du Bazar de la Charité. Sans son accord, la comtesse de Raezal avait peu de chances d'y obtenir une place de vendeuse."

    Mai 1897, la comtesse de Raezal, fraichement veuve, patiente dans l'antichambre de la marquise de Fontenilles. Elle espère recevoir un sésame pour le Bazar de la Charité. En effet, chaque année, les femmes de la haute société se disputent les stands et il est primordial pour assurer une réputation de faire partie des heureuses élues.

    Cependant, l'entrevue avec la marquise ne porte pas ses fruits et la comtesse se voit proposer d'aider les phtisiques. Lors de sa première journée de bonnes œuvres, elle fait la connaissance de la duchesse d'Alençon et aussitôt, noue des liens très forts avec elle.

    C'est donc tout naturellement qu'elle se retrouve à ses côtés sur le stand 4 du Bazar de la Charité. Parmi les autres fortunées, on compte également la jeune Constance d'Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles.

    En cet après-midi du 4 mai 1897, le Bazar bruisse de monde. Quand, soudain, une étincelle et le feu qui embrase toute la vente de charité...

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    Le lieu du sinistre un jour après

    Depuis sa sortie aux éditions Héloïse d'Ormesson, je suis tombée sous le charme de cette couverture et de ce titre. Et je n'ai pu résister à la tentation quand ce roman est arrivé à la médiathèque.

    Ce livre se consacre à trois femmes à un tournant de leur vie: la comtesse de Raezal qui jouit d'une réputation sulfureuse et qui ne bénéficie plus de la protection de son mari, mort des suites d'une longue maladie; la jeune Constance d'Estingel, qui vient d'abandonner son fiancé afin de se consacrer à Dieu et la mystérieuse duchesse d'Alençon, Sophie, sœur de Sissi et ancienne promise du roi Louis II de Bavière, qui se consacre corps et âme aux bonnes œuvres.

    Trois femmes que le destin a réunies sur ce stand en ce fatidique 4 mai. Un moment d'inattention du côté des projectionnistes du cinématographe et tout brûle.

    J'avais entendu vaguement parler de ce fait divers et j'ai été bluffée par le talent de Gaëlle Nohant pour le ressusciter.

    On assiste à ce quart d'heure fatidique par différents regards: ceux des victimes Constance et Violaine, celui du cocher de la duchesse d'Alençon qui tente de porter secours aux personnes emprisonnées à l'intérieur, celui d'un journaliste arrivé très vite sur les lieux du drame...

    Autant de voix pour parler de: Panique/Cris/Bousculades/Combats/Personnes écrasées/Actes d'héroïsme/Brûlures/Souffrance... Certaines pages sont plus dures à tourner, certaines situations nous choquent profondément...Et cette question lancinante se manifeste à nous: qu'aurais-je fait dans un tel cas? Me serai-je sauvée à tout prix?

    Cet ouvrage aborde aussi les conséquences d'une telle catastrophe: le deuil immédiat, les recherches des familles pour reconnaître leurs proches parmi les corps calcinés, les cauchemars des rescapés, les accusations portées dans les journaux, la recherche de bouc-émissaires, les rumeurs...

    Mais La Part des flammes ne se résume pas à l'évocation de ce 4 mai 1897. Non, il s'agit d'un roman dense, prenant, dont les phrases se développent à l'infini.

    Pour nous parler de ce feu certes...Mais pour nous parler aussi des femmes en cette fin du 19ème siècle. Constance, Violaine, Sophie: trois femmes pour illustrer la condition de leurs comparses. Sans oublier celles que l'on croise telle que cette marquise de Fontenilles qui a perdu bien plus que sa beauté dans ce drame...

    Dans cette haute société parisienne,les femmes n'ont plus aucune liberté. Elles n'existent que par leur rang et leur beauté. Elles n'ont pas le droit à la faute, sous peine d'être bannies. Elles dépendent de leur père, frère, mari pour tout. Et quand elles dévient de la conduite qui leur est imposée, leur punition peut se révéler bien sévère.

    Forcément, j'ai été choquée par ce portrait. Et notamment par le sort de cette Jeanne d'Arc du Bazar, la ténébreuse et mystique Sophie d'Alençon. Un être brisé dans sa coquille par les siens, par la possessivité de son mari...

    Et que dire de toute cette partie dans un hôpital psychiatrique? J'en ai eu froid dans le dos...

    Mariage, entrée dans les ordres...:les jougs sont nombreux et parfois, inattendus.

    Roman noir donc, description réaliste et sans concessions d'une époque cynique et dure avec le sexe féminin...

    Cependant, la Part des flammes offre aussi quelques très jolies scènes lumineuses. Que ce soit quand elle souligne la solidarité de certaines protagonistes entre elles ou quand elle évoque certains élans amoureux.

    De même, ce titre n'est pas exempt d'ingrédients du roman historique populaire à la Dumas. Duel, enlèvements, coups montés...se succèdent au fil des pages.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup apprécié cette œuvre composite, au croisement des genres: historique, populaire, réaliste, d'amour, d'apprentissage, et je me suis passionnée pour le destin de ces trois femmes enfermées dans une société ultra codifiée et rigide. Une réussite, donc. Je dois d'ailleurs avouer que, depuis que j'ai achevé l'ultime chapitre samedi, j'ai bien du mal à me lancer dans un autre livre.

    Editions Héloïse d'Ormesson, 2015, 492 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

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  • Le Bois du Rossignol de Stella Gibbons

    Le Bois du Rossignol

    de

    Stella Gibbons

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    "Il est difficile d'obtenir un jardin sinistre, mais le vieux Mr Wither y était parvenu.

    Même s'il ne travaillait pas lui-même à celui de sa maison des environs de Chesterbourne, en Essex, son manque d'intérêt pour la terre et sa répugnance à dépenser de l'argent n'étaient pas sans influencer le jardinier. Le résultat était une pelouse souffreteuse et une rocaille plâtreuse où presque rien n'attirait le regard, tandis que les arbustes sans caractère proliféraient car Mr Wither appréciait leur capacité à meubler l'espace à peu de frais."

    Viola Wither se retrouve veuve à 21 ans. Elle aimerait profiter de la vie londonienne avec sa meilleure amie mais ses faibles moyens la contraignent à accepter l'invitation de sa belle-famille, les austères Wither, et à s'installer chez eux dans la campagne anglaise.

    Elle s'ennuie ferme dans cette retraite forcée, avec cette famille conventionnelle et tous ces horaires fixes.

    Mais, un soir, à la faveur d'une invitation, elle croise le Prince charmant de son adolescence, le beau Victor Spring, fraîchement fiancé à une amie de longue date mais néanmoins courtisé par toute la gent féminine.

    Et Viola n'est pas la dernière à flirter avec lui...Au grand dam de la bonne société de Chestbourne et des Wither...

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    J'avais entendu beaucoup de bien de ce, notamment auprès de mes copinautes Emjy et Shelbylee. Et je me suis décidée mardi dernier à entrer dans son univers.

    Une décision que je n'ai pas du tout regrettée, tant je me suis retrouvée emportée.

    Ce roman constitue une relecture moderne de Cendrillon. Mais bien loin de se contenter de transposer cette idylle au début du siècle en Angleterre, l'auteur la pare d'ironie. C'est ce qui frappe immédiatement le lecteur dans ce conte contemporain. Chaque paragraphe en est pétri. Rien  n'échappe à la plume acérée et acerbe de Stella Gibbons. Aucune petite manie. Aucune tenue. Aucune idée. Tout est prétexte à ce fameux humour so british.

    Cependant, malgré son regard sans concession, on sent qu'elle éprouve une certaine tendresse pour ses personnages.

    A commencer par l'héroïne, Viola, prénommée ainsi en hommage à Shakespeare. Quand on la rencontre, elle a tout de ces ravissantes blondes un peu idiotes et maladroites de l'âge d'or du cinéma hollywoodien. Alors qu'elle s'est mariée sans enthousiasme, elle a la chance d'être remarquée par un prince pas si charmant lors d'un bal. Et, malgré ses actes un peu mufles, elle continue d'y croire. Mais cette jeune femme ne se résume pas à cet aspect fleur bleue, à cette crédulité (que dire de son aveuglement face à sa cousine)...Non, elle est également pleine de bonté pour ses proches, profondément généreuse...

    Et c'est là une des forces de Stella Gibbons: tout en se moquant d'eux, avoir réussi à montrer les contrastes des personnalités de ses protagonistes.

    Il en va de même pour chacun d'entre eux: Victor Spring, le prince pas si charmant qui aspire à une femme conventionnelle; Tina Wither, la cousine vieille fille qui fait tout pour rencontrer l'amour...

    On assiste à leur évolution, leurs idylles, leurs espoirs...Au gré de bals, de thés dansants, de visites à Londres, de vacances à la mer, de leçons de conduite, de promenades dans le Bois du Rossignol...

    On comprend leurs hontes intimes, leurs désarrois, leurs coups de cœur...

    Certaines scènes se révèlent plus marquantes que d'autres: la garden-party ratée des Wither (que j'ai ri!), les rencontres avec l'ermite...

    Et on sent bien l'influence de cette romancière sur certaines séries que j'apprécie beaucoup (l'idylle entre Tina et Saxon m'a forcément fait penser à celle élaborée dans Downton Abbey par Julian Fellowes)

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup aimé ce roman et je vous le recommande vivement si vous êtes fans comme moi de campagne anglaise et d'ironie. Je pense d'ailleurs que je ne tarderai pas à me replonger dans un autre des titres de Stella Gibbons (vous me conseilleriez lequel?)

    Editions Héloïse d'Ormesson, 556 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

     

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