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  • La Sorcitresse de Philippe Arnaud

    La Sorcitresse

    de

    Philippe Arnaud

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    "Je me suis toujours dit que les parents devraient être punis quand ils donnent n'importe quel prénom à leur enfant. Pas une grosse punition, non: juste un truc du genre laver la vaisselle à perpétuité, histoire qu'ils n'oublient jamais leur erreur. Moi, ça fait bientôt dix ans que je dois répondre au pénible nom de Balthazar..."

    Balthazar, le héros de cette histoire, a été envoyé à "Deuxième Chance", une maison de redressement, surnommée par ses pensionnaires "Double-Peine".

    Après une première soirée en solitaire, il fait la connaissance de trois autres élèves: Romain, le Marseillais costaud; Timothée, le souffre-douleur et Charlotte, la si belle Charlotte qui invente son propre langage.

    Très vite, ces quatre là deviennent inséparables.

    A quatre, on est plus forts, on se serre les coudes, on se raconte tous les secrets de la terre et on est capables de tout affronter.

    Même l'"alternance" de leur maîtresse "bellifique"par cette infâme sorcitresse.

    Et si cette dernière fomentait un plan pour se débarrasser de sa rivale?

    Nos quatre amis décident de tout mettre en œuvre pour sauver leur professeur adoré.

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    Depuis les événements de vendredi, j'ai eu du mal à retrouver le chemin de la lecture. Trop d'images en tête, trop de doutes, trop de peurs aussi....

    Et puis j'ai ouvert la Sorcitresse et la magie a opéré. Je suis retournée dans ce pays béni de l'enfance, celui des romans d'aventures, des copains à la vie à la mort,de l'espoir en pagaille, de l'entraide, des bagarres dans la cour de l'école...

    Avec des accents à la Roald Dahl, Philippe Arnaud nous conte l'histoire de Balthazar et de sa bande. Une histoire sans doute de facture classique (un groupe d'amis lutte contre un méchant et essaie de déjouer ses projets ...)

    Mais quelle inventivité à partir de cette trame déjà lue autre part! Rien qu'en termes de langage. Jeu de mots, parenthèses toujours à bon escient, réflexions désopilantes et néologismes savoureux (par le truchement de Charlotte et de ses "horriblique", "atterement"...) émaillent ainsi la narration. Pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques!

    Et que dire de l'infâme sorcitresse? J'adore quand les méchants sont de vrais méchants, laids, qui puent et qui font un peu peur...Et là, c'est exactement le cas! Jugez plutôt d'après cette description.

    "Tim s'est fait pipi dessus rien qu'en la voyant. Elle trimballait des ongles de vingt centimètres, une peau toute ridée-avec des plissures par-dessus les rides-, et un nez crochu qui lui descendait jusque sous la bouche, avec des narines façon caverne. Quand elle souriait, ça puait dans toute la classe, un mélange de crotte de vieille chèvre puissance 10, de diarrhée humaine, de putois malade et de punaise écrasée. [...] Pour couronner le tout, elle n'avait que la peau sur les os. Le squelette apparaissait à travers. On aurait dit que c'était les orbites du crâne qui fixaient à travers."

    Par conséquent, on suit avec délectation les tribulations de Balthazar, Charlotte, Romain et Tim... Maintes épreuves attendent nos amis: maison hantée, cave, méchants surveillants...Mais rien ne semble les démotiver. Pour le plus grand plaisir du lecteur qui adore les voir tourner en ridicule les adultes.

    Bref, vous l'aurez compris: si vous cherchez une pilule de bonne humeur, ce livre est le remède parfait pour vous. N'hésitez pas à le prescrire à tous les enfants de 7 à 77 ans.

    Sarbacane, collection Pépix, 2015, 190 pages

     

     

     

  • Monsieur mon Amour

    Monsieur Mon Amour

    de

    Alexandra de Broca

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    "Au citoyen Philippe d'Orléans

    Palais-Royal

    Pardonnez-moi de vous importuner à l'heure où Paris gronde et attend son rédempteur. Vous, peut-être? Cette lettre, je vous l'assure, pourrait être la dernière car je sens la mort approcher. Mais si la guillotine devait tarder, alors je m'engage à vous écrire jusqu'à ce que mon nom soit crié et mon funeste départ ordonné."

    Emmenée en même temps que la famille Royale au Temple, la princesse de Lamballe vient d'être séparée d'eux et conduite à la prison de la Force pour y attendre son jugement.

    Elle profite de ces quelques jours de sursis pour se livrer à une bouleversante confession. En quinze lettres, étalées du 21 août au 3 septembre 1792, elle ose enfin avouer son amour à Philippe d'Orléans et revient sur ses années en France, de son mariage aux dernières heures de la Monarchie.

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    J'avais beaucoup apprécié la Princesse effacée, le premier ouvrage d'Alexandra de Broca, consacré à Madame Royale. Aussi, lorsque j'ai appris qu'elle venait de publier un nouvel opus, cette fois-ci autour d'une des favorites de Marie-Antoinette, j'ai eu hâte de me plonger dedans.

    Dans ses Mémoires, Talleyrand mentionne la princesse de Lamballe parmi les femmes qui se"crurent successivement aimées par" [Philippe d'Orléans]. Et c'est cette phrase qui a inspiré l'auteure.

    En effet, elle a  imaginé une déclaration d'amour de cette femme, rédigée lors de ses derniers jours à la Prison de la Force.

    S'adressant à celui qui a toujours ignoré le secret de son cœur, elle décide de tout lui dire.

    Un schéma narratif très astucieux qui entremêle ainsi des aspects biographiques et romancés.

    On en apprend plus sur le destin de cette jeune aristocrate turinoise, mariée au fils du duc de Penthièvre et qui fut torturée par son mari lors de sa nuit de noces et tout le temps de leur union.

    Devenue veuve à dix-neuf ans, elle manque épouser le roi Louis XV mais une intrigue de la favorite, la duchesse du Barry, annule ce projet.

    Elle rencontre alors la Dauphine, Marie-Antoinette, et devient très vite sa favorite. Tout le monde se dispute ses faveurs. Mais sa santé fragile, son sérieux, son renoncement aux idylles et l'arrivée de la Polignac dans l'entourage de la nouvelle Reine la précipitent en disgrâce.

    Rentrée à Paris, la princesse fréquente les salons d'avant-garde, comme celui du duc d'Orléans et adhère aux franc-maçons.

    Puis, suite aux événements de 1789, elle revient en faveur et regagne une place de confiance auprès de Marie-Antoinette.

    Jusqu'à cette arrestation en août 1792...

    J'ai trouvé toute cette partie biographique très intéressante. Cette princesse a tour à tour été admirée pour sa vertu, conspuée pour sa place à la Cour et maudite pour ses relations soi disant amoureuses avec la Reine.

    Avec ce "je", Alexandra de Broca entend rétablir la vérité autour de cette figure historique.

    A t-elle raison? A t-elle tort? Difficile de se prononcer.

    Mais, ce qui est certain, c'est qu'à la lecture de ces pages, on ne peut que ressentir de la compassion pour cette femme dont la vie a été sacrifiée aux autres.

    J'ai beaucoup apprécié également la peinture de ce tournant, entre le chute de la Monarchie et les massacres de septembre. On comprend mieux l'atmosphère de chaos qui devait régner et cette peur qui devait étreindre les aristocrates enfermés.

    En revanche, j'ai eu du mal à adhérer à cette amour forcené pour le duc d'Orléans. Les élans passionnés qui retentissent dans chaque lettre ne m'ont pas convaincue. Comme si cela me paraissait impossible de croire à un lien entre ces deux personnalités si antagonistes.

    De même, je reprocherai le flou qui entoure certaines dates. Je comprends cette idée de mémoire labyrinthe et cette possibilité de se perdre entre certains événements. Cependant, dans le cas d'une biographie romancée comme ici, je m'attendais à plus de précision. Notamment au moment du voyage d'Angleterre relié à l'affaire du collier mais dont les dates ne m'ont pas semblé coïncider (1781 et 1785)

    Bref, vous l'aurez compris: Monsieur mon Amour constitue une œuvre intéressante sur le plan historique et elle met en lumière une personnalité jalousée et calomniée. Toutefois, je dois avouer que je n'ai pas toujours été captée par les accents romantiques et que je me suis égarée dans certains faits historiques.

    Albin Michel, 2014, 233 pages

     

  • Invisible de Charlotte Bousquet & Stéphanie Rubini

    Invisible

    un roman graphique de Charlotte Bousquet

    illustré par Stéphanie Rubini

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    "Ne me cherchez pas sur la photo de classe. Je n'y suis plus. Je n'y suis jamais de toute façon.

    Ce rituel, je trouve ça débile. Et puis, c'est toujours la même chose, les petits devant, les grands derrière, le prof sur le côté, "ouistiti!". A la fin, tout le monde se bat pour récupérer un truc moche et gribouiller des petits cœurs dessus."

    Marion se sent invisible. Invisible aux yeux de sa famille. Invisible aux yeux de ses camarades de collège.

    De celles dont on confond le prénom. De celles qu'on ne remarque jamais. Sauf dans les situations difficiles qui lui valent des quolibets.

    "Tu ferais mieux de renoncer avant de te prendre la réalité en pleine face, ma grosse. Même pour tes parents, t'es invisible. Nulle. Néant. Nada. "

    Puis, quand elle se rapproche de Soan, elle finit par croire que sa présence va prendre un tout autre sens.

    Et si...?

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    J'avais déjà eu l'occasion de vous parler sur ce blog de Rouge Tagada, le premier roman graphique consacré à ces années collèges, si marquantes et parfois si dures pour ceux qui les traversent.

    Un album qui m'avait marqué par sa justesse et sa très grande sensibilité.

    Puis, Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini ont poursuivi l'exploration des membres de cette classe. Bulles&blues ainsi que Mots cutter, mots rumeurs ont enrichi cette collection.

    Harcèlement/Besoin de se démarquer/Envie de s'affirmer/Doutes sur sa sexualité/Amour qui tait son nom/Honte aussi...autant de maux d'adolescents évoqués entre ces pages.

    Jusqu'à ce dernier opus. On y fait la connaissance de Marion, l'absente-invisible. Un peu grosse, très timide, tout le temps rougissante. Elle rase les murs. Et disparaît parfois même aux yeux de ses parents.

    Un désarroi profond l'envahit. Comme si elle acceptait cette invisibilité. Qui la fait pourtant tant souffrir.

    Toujours dans les tons gris, elle se fond dans le décor. Mais Stéphanie Rubini, par des touches de couleur (ses bocaux, ses affiches, ses créations) nous montre à quel point cette héroïne se dévalorise.

    On a envie d'y croire. On a envie, comme elle, de penser qu'elle va enfin exister pour les autres et par les autres. Surtout lorsque le beau Soan, jeune premier de la Nuit des Rois, la pièce dont elle est la costumière, commence à lui parler.

    A cette question du regard de ceux qui entourent, regard si important, regard si fui et si espéré à la fois, se superpose donc celle des premiers émois.

    "Quand je suis arrivée en cours, Soan n'était pas là. Toute la journée, j'ai eu une boule dans la gorge, une boule de larmes dures et salées qui m'empêchait de respirer."

    Montagne russe des sentiments/Oscillation perpétuelle entre le "il m'aime"/"il n'en a rien à faire de moi"

    "J'ai chassé cette voix familière, cette voix que je haïssais à coups de comètes et de rêves éveillés."

    Que c'est beau! Que c'est poignant aussi!

    A la manière d'une pièce de théâtre, les actes s'enchaînent. Et on ne sait si ce magnifique roman graphique prendra la tournure d'une comédie ou d'une tragédie.

    Jusqu'à ces ultimes pages dont je ne vous dirai rien. Mais qui m'ont tant émue.

    Bref, vous l'aurez compris: un volet extrêmement réussi, à la fois poignant et percutant, qui confirme tout le talent de ce duo Charlotte Bousquet/Stéphanie Rubini.

    Gulf Stream, 2015