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  • Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu

    Sacrées Sorcières

    de

    Pénélope Bagieu

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    La bande dessinée s'ouvre sur une scène qu'on croirait tout droit sorti d'un film de super-héros, la lutte entre une sorcière aux allures de la méchante sorcière de l'Ouest et un super-héros. Jusqu'à ce qu'un chien volant semble sur le point de régler le conflit. Mais le lecteur restera en suspens face à cet incroyable combat.

    En effet, le jeune garçon à l'origine de cette séquence d'anthologie vient d'être ramené à la réalité par sa grand-mère. Elle lui propose une glace pour oublier momentanément la tristesse liée à l'enterrement de ses parents, décédés dans un accident. Et le soir venu, elle lui raconte des histoires de sorcières. Des histoires qui, selon elle, se sont réellement déroulées. Des enfants auraient ainsi disparu suite à leur rencontre avec ces êtres fantastiques. Elle lui confie aussi les moyens de les reconnaître. Quelques temps plus tard, tous deux partent pour un séjour à la mer. Et  voilà notre héros qui lors d'une excursion dans les couloirs de l'hôtel, se retrouve enfermé au milieu d'un congrès de sorcières. Dissimulé derrière un paravent, il découvre avec horreur que leur chef, la grandissime sorcière, a fomenté un terrible plan pour que tous les enfants soient exterminés.
    Parviendra-t-il à déjouer le complot ?

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    Petite, Roald Dahl fait partie de ces auteurs dont j'ai lu quelques titres avec beaucoup de plaisir. Je me souviens notamment d'heures merveilleuses passées en compagnie de Charlie et de Matilda. Mais je n'avais jamais eu l'occasion de parcourir Sacrées sorcières. J'ai réparé cette erreur avec cette adaptation graphique par Pénélope Bagieu.

    Réussir à adapter un classique tout en continuant à instiller de sa personnalité artistique peut se révéler une gageure. Ici, j'ai trouvé le pari relevé. J'ai apprécié les dessins tout en rondeurs, truffés de références aux films comme le Magicien d'Oz, Catwoman ou à une Nounou d'Enfer avec cette grand-mère, sosie de Yeta.

    J'ai été frappée par le dynamisme de la narration. Le choix des découpes de cases, les dialogues, la fragmentation de l'histoire : tout invite en permanence au mouvement.

    Pour autant, l'humour, parfois noir, si cher à Roald Dahl,  demeure bien prégnant.  Je me suis souvent surprise à sourire voire à rire au fil des pages.

    Il y a également une certaine dose d'émotion, notamment dans la relation entre le héros et sa grand-mère et cette peur viscérale de voir l'autre disparaître. Comme s'ils étaient désormais les remparts l'un de l'autre face à la solitude et au vide.

    Bref, vous l'aurez compris : une oeuvre réussie que je ne peux que vous recommander et qui confirme une fois encore le talent de Pénélope Bagieu. 

    Editions Gallimard, 2020

  • La Brodeuse de Winchester de Tracy Chevalier

    La Brodeuse de Winchester

    de

    Tracy Chevalier

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    ""Chut!"

    Violet Speedewell plissa le front. On n'avait pas à lui faire chut; elle n'avait rien dit."

    1932, Winchester, Violet, 38 ans, vient de décider de prendre son envol. Loin de la maison familiale où elle subissait la loi de sa mère. Loin des fantômes de ceux morts à la guerre. Cortège qui ne cessait de la hanter.

    Mais elle peine à trouver sa place. Dans une société où sa position de vieille fille la relègue dans un coin et la condamne à trouver plus tard un refuge de vieillesse auprès des siens.

    Lors de ses déambulations dans cette ville nouvelle, ses pas l'attirent vers la cathédrale. Ombre tutélaire qui invite au refuge. Elle assiste ainsi un jour par hasard à un office particulier. Un office qui lui donne envie de découvrir le cercle des brodeuses. Elle est bien loin de se douter que ce choix va ainsi modifier le cours de son destin.

    Même si je n'ai pas lu encore tous ses romans, j'aime la plume de Tracy Chevalier. Sa manière de mettre en scène des portraits de femmes. Sa manière de nous faire voyager dans l'histoire.

    Ici, elle nous convie à un périple dans l'Angleterre du début des années 30. Le pays porte encore les ravages de la Grande Guerre. Avec comme conséquence notamment ces femmes qui sont contraintes au célibat après tous ces hommes morts aux combat.

    Violet fait partie de ces dernières. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'autrice la décrit et dépeint sa situation. Contrainte à tout restreindre, à se soumettre aux désirs de sa famille, à s'oublier, elle évolue sous nos yeux vers une forme de liberté. Tout comme certaines amies de son cercle. Incarnations comme elle des visages multiples des femmes de cette époque entre tradition et modernité.

    A ces trames individuelles se noue une dimension collective. A la fois grâce à la cathédrale, personnifiée et à ces élans de groupe comme lors des cérémonies de cloches.

    Autour des femmes, se dessinent des figures d'homme. Tantôt protecteurs, tantôt démunis, tantôt menaçants, tantôt conservateurs, ils offrent des contrepoints différents et obligent les femmes à un positionnement. Comme autant de déclics sur leurs parcours.

    Certains protagonistes se démarquent. Gilda, Miss Peisel, Arthur...Mais j'ai trouvé la galerie de ceux qui évoluent autour de Violet et la relient à un ensemble, en général bien campée.

    Un des autres atouts réside dans le contexte. Contexte sociétal. Contexte politique avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Et puis, ce cercle qui a réellement existé. Cette idée de refuge créatif, ancré dans une pratique séculaire.

    Bref, vous l'aurez compris: une belle expérience de lecture pour moi. Et je tiens à souligner le travail sur la couverture avec ce fil comme brodé sur le bleu.

    Editions la Table ronde, traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff, 2020, 349 pages

  • Frieda d'Annabel Abbs

    Frieda

    de

    Annabel Abbs

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    "Plus tard, après que le scandale eut éclaté et que les journaux l'eurent mise au rang de paria, elle fit remonter l'origine de tout cela à une journée précise. A un moment précis. Parfois, ce moment tournoyait devant elle en une valse vertigineuse, avant de se fixer en une scène unique."

    Nottingham, 1907. Mère de 3 enfants et mariée à un universitaire anglais, Frieda mène une existence marquée par la routine. Comme si tout lui échappait sans qu'elle puisse réellement identifier ce tout. Comme si elle se languissait d'un bonheur inconnu.

    La visite de sa soeur et sa rencontre avec Otto Gross vont représenter un tournant. Celui d'une libération exubérante du corps. Celui d'une liesse qu'elle ne peut désormais contenir. Même si elle tente de rentrer dans le carcan conjugal. Avant que D.H Lawrence ne vienne frapper à sa porte. Évidence de cet ailleurs à construire. Malgré tout.

    Construit sur un modèle narratif choral, ce roman dresse le portrait d'une femme en quête de sens et de liberté. Une femme qui n'a cessé de se définir au regard de ses soeurs, au regard de son mari et au regard des attentes de la société. Quitte à s'oublier. Le choix de ses soeurs ainsi que la rencontre d'Otto Gross qui prône une sexualité ouverte et rêve de communautarisme vont modifier son parcours.

    Scène après scène, l'autrice montre les étapes de cette métamorphose sensuelle et morale. Elle tire ainsi de la matière biographique un personnage éminemment romanesque. Ce qui nous permet de mieux saisir encore toutes les ressemblances de Frieda avec la célèbre Lady Chatterley.

    A cette réappropriation de son corps, dans une communion avec la nature et avec ses désirs, se greffe toute une réflexion sur la condamnation par la société. Et par les intimes mêmes.

    Est brossé également tout le mécanisme qui a poussé Frieda au divorce. Mécanisme éclairé par les voix de son mari et de son fils. Car, forcément, la liberté a un prix. Celui des enfants dans une société corsetée où les apparences font loi.

    Les ombres de chacun transparaissent entre les pages. La force vitale de Frieda aussi. Comme une boussole qui aimante tout.

    J'ai beaucoup apprécié la manière dont les personnages sont décrits, dans leurs contrastes.

    De même, j'ai été séduite tant par le style que par la manière dont la construction s'opérait, entre polyphonie et chapitres assez resserrés qui nous poussent à tourner les pages.

    Tout le rapport complexe avec D.H Lawrence m'a particulièrement intéressée. Rapport créatif tout autant que rapport amoureux. Rapport d'égalité. Rapport de destruction.

    Mais surtout ce qui demeure, une fois achevée cette oeuvre, c'est la sensation d'une femme en liberté qui a existé. Envers et contre tout.

    Demeure aussi cette envie de me replonger dans Lady Chatterley.

    Editions Hervé Chopin, 2020, 461 pages