Chat par-ci/ Chat par-là
de
Stéphane Servant
"J'attends Lundi.
C'est un drôle de nom pour un chat.
Mais je n'aime ni les lundis ni les chats. C'est pour cela que j'ai choisi de l'appeler Lundi."
Suite à un accident à vélo, Lorette, une vieille dame, se retrouve plâtrée. Et elle s'ennuie à mourir. Heureusement, pour la distraire, elle bénéficie de la présence d'un chat qu'elle a surnommé Lundi.
Aujourd'hui est un jour pas comme les autres car autour du cou du chat, elle trouve un message. Quelqu'un essaie d'engager la conversation avec elle.
Lorette aimerait bien que ce soit le vieux monsieur en face.
Une correspondance s'établit...
"J'attends Lunes.
C'est un drôle de nom pour un chat.
Mais j'adore les lundis et les chats. Et l'espagnol aussi. Lunes, ça veut dire lundi."
Sofiane doit rester chez lui car il a une jambe plâtrée. Mais compte les heures car personne ne vient lui rendre visite.
"Personne ne vient jamais sonner à ma porte. Parce que je ne sais pas comment me faire des amis. Le jour où je suis né, on a oublié de me donner le mode d'emploi."
Sofiane rêverait de sortir de sa coquille et d'aborder notamment la petite voisine qu'il adore entendre rire ou chanter.
Quel stratagème employer pour engager la conversation?
Je ne sais pas si vous connaissez la collection Boomerang du Rouergue. Elle a l'originalité de proposer des romans recto verso. Peu importe le sens de lecture, on est toujours surpris quand les intrigues se rejoignent.
Avec Chat par-ci et son pendant Chat par-là, Stéphane Servant propose un très joli texte sur les solitudes modernes et sur les cœurs esseulés.
Lorette/Sofiane: deux personnes aux âges opposés mais réunis par le même problème: tous deux sont refermés sur eux-mêmes et peinent à s'ouvrir aux autres.
Deux voix qui vont nous raconter leur semaine et l'évolution de leur vie grâce à un chat.
Pour mieux montrer les points communs entre ces deux narrateurs, l'auteur a pris le parti de commencer de la même manière son recto et son verso. A une variante près: là où Lorette se montre négative, Sofiane se révèle positif.
Puis, après avoir souligné les ressemblances entre ces deux protagonistes, il se lance dans deux récits différents et qui parviennent quand même à se recouper au milieu du livre.
Comment? Je vous laisse le plaisir de la découverte. Sachez juste que j'ai trouvé l'idée très ingénieuse et j'ai eu hâte de me lancer dans le verso (Chat par-là) pour tout comprendre.
A cette trame très bien conçue se superpose un langage à la fois prosaïque et poétique. Le prosaïque, c'est plus pour Lorette, la poétique, plus pour Sofiane. Mais le langage prosaïque de Lorette se teinte de plus en plus fortement d'éléments poétiques au fil des jours. Tout comme la poésie de Sofiane s'intensifie.
"Avec Pablo Neruda et tes chansons et tes rires dans le jardin d'en bas, le mercredi est passé à toute allure. Mes yeux vont des poèmes au jardin, et du jardin aux poèmes. Et tout se mélange. La vie et la poésie. Tout est beau. Tout brille. Et les phrases de Pablo et tes yeux. Des soleils partout."
On est conquis par les scènes, par les échanges de regards, par les vagues d'espoir qui étreignent nos héros, par leur ouverture progressive et on ressort émus de cette lecture.
Bref, vous l'aurez compris: un très beau roman jeunesse qui résonnera aussi bien dans les cœurs des plus petits que des plus grands.
Rouergue, 2014, 74 pages (37 et 37)