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the frenchbooklover - Page 142

  • La Garçonnière de Hélène Grémillon

    La Garçonnière

    de

    Hélène Grémillon

     

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    "Lisandra était entrée dans la pièce les yeux rougis, gonflés d'avoir trop pleuré, titubante de chagrin, les seuls mots qu'elle avait prononcés étaient: "il ne m'aime plus", elle les avait répétés inlassablement, comme si son cerveau s'était arrêté, comme si sa bouche ne pouvait plus rien proférer d'autre: "il ne m'aime plus". "Lisandra je ne t'aime plus", avait-elle soudain articulé comme si ses mots à lui sortaient de sa bouche à elle, apprenant ainsi son prénom, j'en profitai pour m'immiscer dans sa tétanie"

    C'est ainsi que Vittorio, psy de son état, a rencontré pour la première fois Lisandra. Bouleversé par leur bref entretien, il a tout fait pour la retrouver. Ils se sont mariés.

    Et un soir, en rentrant du cinéma, il l'a découverte, morte, défenestrée.

    "Lisandra, je n'aurais jamais pensé parler d'elle au passé...."

    Très vite, la police est persuadée de sa culpabilité et le fait écrouer.

    Pour tenter de prouver son innocence, il doit recourir à l'aide d'une de ses anciennes patientes, Eva Maria.

     

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    J'avais beaucoup aimé le Confident, le premier ouvrage d'Hélène Grémillon. Aussi, quand Priceminister a proposé dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire la Garçonnière, je n'ai pas hésité longtemps avant de le demander.

    J'ai retrouvé avec plaisir la richesse de construction qui m'avait tant plu dans le Confident. Dans ce roman à tiroirs, les narrateurs se multiplient, les récits se font tantôt à la première personne, tantôt à la troisième, tantôt sous la forme de retranscriptions d'entretiens entre le psy et son patient....

    Tous ces éléments narratifs confèrent un formidable élan à l'intrigue. Les pages se tournent toutes seules et on arrive très rapidement au dénouement.

    Une des autres qualités de la Garçonnière réside dans la faculté d'Hélène Grémillon à semer le doute dans l'esprit de son lecteur. Ces personnages ne sont pas d'un bloc. Chacun dissimule des failles. Par conséquent, jusqu'au bout, on est jamais à l'abri de surprises les concernant et concernant l'identité du ou des coupables.

    A cette intrigue policière très bien ficelée s'ajoute une radioscopie de la société argentine en 1987. Après le coup d'état de 1976, de nombreuses personnes ont disparu. Les familles de ces desaparecidos, à l'instar d'Eva Maria, ont beaucoup de mal à se reconstruire. De même, certains enregistrements retranscrits par la patiente de Vittorio permettent de comprendre la position tant des bourreaux que des victimes.

    Ce roman évoque également le drame de la jalousie. Hélène Grémillon sait trouver les mots justes pour dire ce que peuvent ressentir certains conjoints.

    «Nul refuge temporel ne peut m'abriter. Je n'ai plus rien. Je voudrais rencontrer mon double pour lui parler et mon contraire, pour me distraire.»

    Quant au sens du titre, il ne survient que dans les dernières pages. Ce dénouement, je ne l'attendais pas du tout. Une fois encore, l'auteur démontre son talent à surprendre son lecteur par une fin implacable, de celles qui touchent et font réfléchir longtemps après.

    Bref, vous l'aurez compris: un roman que j'ai vraiment beaucoup aimé et que je vous recommande. Vivement le prochain!

    Flammarion, 2013, 357 pages, 20 €

     


     

  • A comme Aujourd'hui

    A comme Aujourd'hui

    de

    David Levithan

     

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    "Je me réveille.

    Aussitôt, je dois déterminer qui je suis. Et il n'est pas seulement question de mon corps-ouvrir les yeux et découvrir si la peau de mon bras est claire ou foncée, si mes cheveux sont longs ou courts, si je suis gros ou maigre, garçon ou fille, couvert de cicatrices ou lisse comme un bébé. S'adapter au physique, c'est finalement ce qu'il y a de plus facile quand on se réveille chaque matin dans un corps différent. Non, le véritable défi, c'est d'appréhender la vie, le contexte de ce corps

    Chaque jour, je suis quelqu'un d'autre. Je suis moi-même-je sais que je suis moi-même-, mais je suis aussi un autre.

    Et c'est comme ça depuis toujours."

    Tous les matins, depuis sa naissance, A. se réveille dans le corps d'un ou d'une adolescente de 16 ans. Une nouvelle identité qu'il va emprunter le temps d'une journée.

    A. a accepté ce destin extraordinaire. Et s'est même fixé quelques règles pour régir son existence: ne jamais s'attacher, ne jamais s'immiscer dans la vie de son hôte et ne jamais se faire remarquer.

    Mais tout ce code vole en éclats le jour où A rencontre Rihiannon...

    david levithan.jpg

    J'aime beaucoup la maison d'édition Les Grandes personnes. Je leur dois notamment ma découverte de Mary Hooper ou de magnifiques albums en pop-up comme Drôles d'oiseaux de Philippe Ug.

    Aussi, quand ce roman est sorti en septembre, je n'ai pas tardé à l'acquérir pour la médiathèque où je travaille et à me plonger dedans.

    En effet, j'étais très attirée par l'idée de départ qui n'était pas sans me rappeler une série de mon enfance: Code Quantum.

    Mais, contrairement au docteur Samuel Beckett, A. expérimente, en général, une journée ordinaire pour son hôte. Tout au long du roman, nous le voyons ainsi habiter différents corps. L'occasion pour l'auteur de dresser le portrait d'une génération très contrastée d'adolescents américains. On croise ainsi le sosie de Beyoncé, une jeune fille suicidaire, un ado accro aux drogues, un joueur de football américain, un jeune homme obèse, une mineure contrainte d'effectuer illégalement des ménages....Certains sont en butte aux préjugés, d'autres au contraire jouissent d'une grande popularité.

    J'ai été vraiment très intéressée par cette incursion (plus ou moins approfondie selon les profils) dans la société américaine. David Levithan a su éviter l'écueil du trop plein de clichés. J'ai trouvé chaque tranche de vie juste et passionnante. De plus, j'avais hâte de découvrir à chaque chapitre la nouvelle identité de notre héros.

    A. a décidé de ne jamais influer sur le cours de l'existence de chacune des personnes qu'il incarne. Cependant, un matin, il endosse le rôle de Justin et rencontre Rihiannon, sa petite amie.

    "Que se passe-t-il au moment précis où l'on tombe amoureux? Comment un laps de temps aussi court peut-il contenir quelque chose d'aussi immense? [...] Le moment où l'on tombe amoureux semble puiser sa source des siècles, des générations en arrière-dans un passé qui s'aligne pour donner naissance à cette intersection précise, étonnante. Peu importe que cela puisse paraître ridicule, on sent au plus profond de soi que tout cela était écrit, que toutes les flèches invisibles pointaient dans cette direction, que l'univers préparait tout cela depuis l'éternité-et c'est seulement à cet instant que l'on s'en rend compte, en arrivant là où l'on était attendu depuis toujours"

    Les sentiments de A. vont le pousser à contrevenir au code qu'il s'était érigé. Il veut sans cesse revoir Rihiannon. Et révèle très vite à la jeune femme son destin.

    Mais comment débuter une histoire d'amour alors que chaque jour est un recommencement sous une nouvelle apparence? Telle est la question que tente de résoudre A.

    S'ensuivent des rendez-vous tour à tour réussis, éphémères, ratés, sublimes....Et un sentiment de frustration qui s'installe. Mais je ne vous en dirai pas plus afin de ne pas gâcher tous ces rebondissements.

    A cette problématique amoureuse, se superpose une autre éminemment morale. Est-ce que notre héros a le droit de changer le destin de ces hôtes? Peut-il même envisager d'envahir définitivement l'un d'entre eux?

    J'aimerais aussi parler du schéma narratif. Je l'ai trouvé très astucieux. Chaque chapitre correspond à une nouvelle personnalité. On ne peut donc s'empêcher de commencer le suivant afin de découvrir le sort quotidien qui attend A.

    De même, j'ai été sensible au style de David Levithan et aux nombreuses réflexions qui l'émaillent.

    "L'amour vous donne envie de réécrire le monde. Il vous donne envie de choisir les personnages, de construire le décor, de mener l'intrigue. Celui ou celle que vous aimez est assis en face de vous, et vous voulez alors tout faire ce qui est en votre pouvoir pour que l'amour soit possible, indéfiniment possible. Et lorsqu'il n y a que vous deux, seuls dans une pièce, vous pouvez vous imaginer que vous touchez enfin au but, ce jour-là, et pour toujours."

    Bref, vous l'aurez compris: un roman juste, sensible, émouvant. Un véritable hymne à l'amour que j'ai eu du mal à refermer.

    Editions les Grandes personnes, 2013, 373 pages

     

  • Des albums pour rêver

    Des albums pour rêver


    Ce soir, j'avais envie d'essayer un nouveau type de billets autour des albums jeunesse. Je regrette de ne pas en parler plus sur ce blog alors que j'en lis beaucoup.

    Voici donc une petite sélection des albums qui m'ont récemment fait rêver.

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    Commençons tout d'abord par Folles saisons, un album de Jean-François Chabas, illustré par David Sala et publié chez Casterman en 2013. Un jour, sur un coup de tête, l'Hiver rend visite à son frère, l'Eté car il ne le croise jamais. Leur rencontre perturbe tout l'équilibre de la nature et suscite de la jalousie chez l'Automne et le Printemps qui décident également de se réunir.

    "Enivrés par leur audace, les frères donnaient toute leur puissance pour montrer ce dont ils étaient capables. L'hiver fendit des rochers énormes. L'automne fit souffler des vents déments. L'été gonfla son soleil rouge, et le printemps réveilla les pauvres êtres qui s'efforçaient de trouver le repos dans le sommeil."

    J'ai apprécié l'intrigue de cet ouvrage. Mais je dois avouer que j'ai surtout eu un coup de cœur pour les magnifiques illustrations qui m'ont rappelé certaines œuvres de Klimt. Je vous laisse juge....

    folles saisons.jpg

    Après ce dérèglement des saisons, direction la Vallée des Moulins, un livre de Noelia Blanco et Valeria Docampo, paru chez Alice jeunesse en 2013.

    la vallée des moulins.gif

    "Dans la Vallée des Moulins vivaient des hommes, des femmes et des enfants semblables à tous les autres. Puis, un jour, les Machines parfaites sont arrivées" Elles ont permis à tous d'avoir tout ce qu'ils désiraient. Alors, les gens ont cessé de rêver et les moulins  de tourner.

    Seule Anna parvient encore à songer. Elle s'imagine "broder de la dentelle de mer, des boutons d'étoiles, des manteaux de nuage..."Une nuit, son chemin va croiser celui de l'homme oiseau, lui aussi à la poursuite d'un but. Pour l'aider à "danser avec les nuages", elle se rend au Jardin des pissenlits, [là] "où les villageois faisaient leurs vœux avant l'arrivée des machines parfaites"

    Je ne dirai rien de plus de cette histoire, pleine de poésie, qui sait si bien évoquer la nécessité d'avoir des rêves et de tenter de les accomplir. Je me suis également laissée emporter par les très belles illustrations. Elles nous font ressentir toute l'immobilité et l'ennui d'un monde parfait, puis, le souffle du vent et le retour de l'espoir...

    LaValleedesMoulinsVent_Le-Peigne-du-Vent.jpg

    Cap maintenant sur l'Orphelinat du Bout du monde, un album d'Emna, illustré par Coralie Saudo et paru chez les P'tits bérets en 2012.

    orphelinat du bout du monde.png

    Pépine et Pato ont découvert qu'ils ne pourraient jamais avoir de bébé ensemble. Un jour, ils trouvent un oeuf et décident de s'en occuper.

    "Un papa crocodile, une maman autruche et un petit perroquet: quel beau présage pour un monde coloré"

    Très vite, leur histoire se répand de "bec à oreille" et on se met à leur envoyer d'autres oeufs....Si bien qu'ils fondent l'orphelinat du bout du monde, destiné à donner un foyer affectueux à tous ceux qui en ont besoin...

    Cette histoire autour de l'adoption, un sujet encore trop rarement abordé dans la littérature jeunesse, m'a semblé vraiment jolie. Les illustrations très colorées et très riches (j'adore les détails de chaque animal) l'accompagnent à merveille.

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    Pour clore cette exploration et toujours dans une veine très poétique et propice au rêve, j'aimerais parler de l'album Voir le jour de Emma Giuliani, publié aux éditions des Grandes personnes en 2013.

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    Il s'agit d'un petit livre animé qui, autour d'une fleur, aborde des sujets essentiels tels que l'amour, l'amitié, la beauté, la vieillesse, la mort....Ce qui m'a impressionnée, c'est l'économie des mots. Tout est exprimé en peu de phrases.

    Visuellement, l'auteur a pris le parti de faire des dessins en noir et blanc. La lumière et la couleur n'apparaissent que lorsqu'on soulève les rabats.

    Une très belle réussite, tant stylistique que visuelle!

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    J'espère vous avoir donné envie de découvrir ces quatre bijoux.