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deuil

  • Les Lendemains de Mélissa Da Costa

    Les Lendemains

    de

    Mélissa Da Costa

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    "La serrure rouillée cède difficilement. L'homme est obligé de forcer, de retirer la clé, d'essayer encore. Ici aussi il fait terriblement chaud.  Pas aussi chaud qu'en ville ou en plaine, mais tout de même. La température avoisine les trente degrés. L'homme souffle, semble réfléchir une seconde, puis donne un léger coup contre le bois de la porte, en même temps que la clé tourne. Un déclic: le lourd panneau de bois à la peinture écaillée cède et bascule vers l'intérieur, vers l'obscurité, la fraîcheur."

     

    Le drame un soir de fête de la musique. Une moto qui se retrouve encastrée.
    Et, en quelques heures, Amande perd tout. Son mari et son bébé mort né.

    Dans la brume de sa douleur, surgit une solution. Trouver un refuge. Loin du soutien aimant de sa belle-famille, loin de la maladresse de sa mère.

    Un refuge à soi. Une maison isolée au milieu des bois. Où elle ne laisse rien entrer. Ni lumière, ni bruit.

    Mais voilà même dans le désespoir, peuvent surgir des lueurs. Un chat errant. Des calendriers oubliés où l'ancienne propriétaire notait toutes ses astuces de jardinage de cuisine.

    Les jours passent. Et peu à peu, Amande se réancre dans l'existence. Par cette terre qu'elle cultive. Par ces tissus qu'elle suspend dans un arbre. Par ces invitations qu'elle redonne.

    Laisser entrer.
    Partager.
    Laisser partir.
    Et retrouver le goût de vivre et des lendemains qui chantent.

    Il y a un an, je découvrais, lors d'un voyage à Porto, la plume de Melissa Da Costa. Je me souviens encore de l'émotion à ma lecture de Tout le bleu du ciel. De ce coup de cœur comme une déflagration et ce besoin absolu d'écrire une lettre à son héros. Pour me résoudre aux adieux.

    Dès les premières pages, j'ai de nouveau eu les larmes aux yeux. Car Melissa Da Costa sait nous emporter dans un tourbillon d'émotions.

    J'aime les histoires de résilience et assister au deuil et à la reconstruction d'Amande m'a beaucoup touchée.

    J'aime les histoires qui parlent de/à notre humanité. Et il y a eu tellement d'instants qui ont fait écho.

    Tout comme ces calendriers retrouvés résonnent en Amande. Tutos de jardinage. Tuteurs aussi de ces mois à se relever. Même si je regrette que cette idée n'ait pas été plus creusée.

    Il y a de beaux passages. De communion avec la nature. De couleurs portées par le vent. D'entraide. De barbecue à la pleine lune.

    Mais, pour autant, j'ai trouvé que l'intrigue s'accélère trop vers la fin. Et se résoud trop vite. Laissant une sensation d'inachevé. Comme si certains chapitres restaient à écrire pour conclure cette année avec Amande.

    Bref, vous l'aurez compris: un joli instant de lecture. 

    Albin Michel, 2020, 347 pages

  • L'Odeur de la forêt d'Hélène Gestern

    L'Odeur de la forêt

    de

    Hélène Gestern

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    "Réveillée par des voix haut perchées, riant trop fort d'une histoire racontée par un homme à la voix alcoolisée. Leur bruit dans la rue, à trois heures du matin, transperce le sommeil et les fragments de présent se mélangent à des bribes de mon rêve, faisant apparaître le fantomatique Alban dans ma cour intérieure, là où il n'a rien à faire."

    Il est des demandes qui changent radicalement le cours de notre destin. Comme cette expertise de l'album d'un poilu qu'opère Élisabeth Bathori pour Alix de Chalendar.

    Quelques mois plus tard, la voilà héritière de la vieille dame. A elle la maison de famille de Jaligny, à elle surtout les archives de ce soldat mort au combat. Alban de Willecot. Proche du poète symboliste Anatole Massis.

    Une double charge qui arrive comme un bouleversement dans la vie de cette spécialiste, perdue dans les méandres d'un chagrin immense.

    Remonter le fil du temps à la recherche de la mémoire de ces absents va ainsi, paradoxalement, lui permettre de se reancrer dans le monde des vivants. Comme si le passé pouvait réparer le présent.

    L'année dernière, j'avais découvert la plume d'Hélène Gestern avec son très beau roman Eux sur la photo. Un roman où la photographie et les échanges épistolaires structuraient la narration.

    Il en va de même dans cet ambitieux récit qui alterne entre le point de vue de l'héroïne, des passages dans le passé et des retranscriptions de missives et d'un journal intime. Comme autant de matières textuelles qui enrichissent sans cesse le propos.

    J'ai toujours eu une prédilection pour ce genre d'ouvrages, entre quête et reconstruction. Deux pôles autour desquels gravite l'intrigue.

    Ainsi, nous suivons la reappropriation de son destin par l'héroïne. Par le jeu d'une succession de rencontres et de voyages, notamment au Portugal. Par ses investigations aussi dans sa nouvelle demeure et dans ses papiers jaunis.

    Même si cette partie m'a intéressée, je me suis surtout passionnée pour le volet historique. Deux périodes s'entrecroisent vite. La première et la seconde guerre mondiale. Mais c'est surtout la première guerre mondiale qui occupe le devant de la scène. Apparaissent bien vite des secrets de famille que seule l'étude acharnée d'Élisabeth pourra dissiper. Labyrinthe de mystères qui nous entraîne dans les impasses d'un amour interdit, dans le fracas des conflits, dans les mensonges d'une entreprise courageuse qui teste les limites de l'honneur, dans la violence de destins sacrifiés.

    C'est un livre dense qui véhicule de nombreuses émotions et qui bruisse de tout le poids de ces souvenirs. Fragments de photos et de mots qui résonnent et nous entraînent.

    Mon seul bémol tiendra finalement à la relation de l'héroïne avec un des protagonistes. Une relation qui m'a vite ininteresssee.

    Me resteront l'odeur de la forêt, des clichés choc, les voix de Diane, Alban et Élisabeth, une sensation de curiosité sans cesse attisée, les scènes avec le vice-consul. Et cette confirmation que j'aime infiniment la manière qu'a Hélène Gestern de conter. Avec élégance, profondeur et poésie.

    Bref, je ne peux que vous conseiller ce périple de plus de 700 pages. 
     
    Arléa, 2018, 736 pages
     
  • Il est juste que les forts soient frappés

    Il est juste que les forts soient frappés

    de

    Thibault Bérard

    il est juste que les forts soient frappés,thibault bérard,éditions de l'observatoire,premier roman,littérature française,amour,maladie,deuil-

    "J'imagine que vous serez d'accord: ce que tout le monde veut dans la vie, c'est laisser une trace, non. Résister à l'oubli éternel?"

    Cela commence comme un film de Capra. Une femme en proie à des démons qui la broient. Deux rencontres à quelques années. Et la voilà métamorphosée.

    Mais, pour celle qui pensait mourir avant 40 ans, point de happy end.
    C'est elle qui nous raconte son histoire. Depuis une cellule dans un au-delà où ses souvenirs remontent comme des bulles. Bulles de joie. Bulles de combat. Bulles de douleur. Bulles de tout ce qui ne se dit pas.

    Il y a la voix de Sarah qui nous mène sur ce chemin peuplé de tous ces rires passés, de toutes ces souffrances larvées et de tous ces possibles réinventés. Sarah, la reine noire, qui ne croit pas au bonheur mais que la rencontre avec Théo a bouleversée. Sarah qui se dévoile entière, dans ses failles les plus reculées. Avec une sincérité désarmante qui nous pousse à l'aimer et à la pleurer.

    Il y a son lutin. Cet amoureux porté par une foi dans l'existence. Celui qui revoit les scènes de ses longs métrages préférés dans les séquences de ses journées. Celui qui grandit dans l'épreuve. Comme si le baptême de feu de l'inquiétude et de la peur le rendaient adulte et balayaient son insouciance.

    Il y a ceux qui évoluent autour de ce couple frappé par la pire épreuve. Simon et Camille, leurs deux enfants, pris dans la tourmente. Le Dr House, figure de référence, contre laquelle achoppent tous les espoirs comme toutes les colères.

    Il y a ce style fébrile qui épouse au mieux l'urgence. Ces phrases qui se font tantôt courtes ou tantôt longues pour accompagner les méandres de la pensée et du discours de l'héroïne. Cette poésie qui émerge dans certains paragraphes. Ces bulles. Cette nacre. Comme des îlots de beauté dans un univers dévasté.

    Il y a cette émotion qui nous saisit et nous accompagne. Cette envie d'y croire. Malgré la chronique d'une mort annoncée.

    Il y a cet entremêlement de références modernes et plus anciennes qui s'harmonisent au fil des pages.

    Il y a ces chansons qui réconfortent et apaisent. Comme autant d'échappées magnifiques et momentanées.

    Il y a ces instants fugaces de communion et de paix que Sarah fige pour l'éternité.

    Il y a Cléo, la lumière , qui ouvre ses bras pour le rescapé et l'empêche d'échouer.

    Il y a cette pensée qui envahit le lecteur. Cette idée que le roman s'appuie sur une matière autobiographique qui rend l'hommage encore plus poignant.

    Ce livre, je l'ai fini le cœur à la fois serré et ensoleillé.

    Ce livre, il m'a embarquée. Même si le premier chapitre, ce pacte narratif nécessaire, m'avait laissée dubitative. Même si j'aurais préféré que l'intrigue s'achève sur ce "Hey Jude" vibrant et laisse les vivants s'effacer devant Sarah, l'absente si présente.

    Ce livre, malgré ces deux réserves, je ne peux que vous le recommander.

    Editions de l'Observatoire, 2020, 296 pages