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  • L'Albatros de Nicolas Houguet

    L'Albatros

    de

    Nicolas Houguet

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    "Parfois, pas souvent dans une vie, on bloque.

    Tomber amoureux dans le parc d'un château. Garder l'instant figé dans une tête. Une photo indélébile. Parfois, on touche à l'éternité en étant mortel. Des grâces qui vous tombent d'on ne sait où. On se demande même si on les mérite, mais enfin voilà, c'est là. On l'a vécu."

    Il est des nuits où notre cœur déborde. Où notre trop plein de mots veut se déverser. Où nos confessions se bousculent sur le bord de nos lèvres. Dans l'attente d'une oreille aimante qui sera capable de les comprendre. Ou d'une oreille inconnue qui nous écoutera et répondra par un silence complice à tout ce que nous avons enfin osé partagé.

    Parce que la nuit libère nos émotions. Parce que la musique aussi.

    Parce que certains concerts peuvent parfois nous faire voyager loin. Bien loin et nous ramener à l'essentiel. A ce qui nous constitue et nous porte. Notre cohorte de joies et de chagrins. Nos présents et nos absents. Toute notre grammaire de l'intime que certaines notes ou certaines paroles réveillent.

    Ce moment sublime, Nicolas l'a vécu. Lors d'un concert. Celui de Patti. Patti Smith. Un mardi 20 octobre 2015. A l'Olympia. 

    "C'était l'anniversaire de Rimbaud. Le début d'une nouvelle page et d'un nouvel automne pour moi, marqué par la conscience de ma fragilité, de ma mortalité et par la fin de souffrances chroniques qui m'avaient contraint à l'immobilité pendant des mois. J'étais disponible."

    Dans la fosse, E. était là aussi. E. la femme tant aimée. La femme tant pleurée. Ce concert sonnait comme le mot ultime de leur histoire.

    Et chaque chanson de Patti résonnait en Nicolas. Comme si la musique allait chercher aux tréfonds de son âme. 

    Chaque morceau entonné par cette chamane des temps modernes suscitait en lui tout un flot de souvenirs. Son enfance. Sa maladie. Ses parents. Ses grand-parents. Ses amis. Ses amours. Ses absents. E.  

    Et c'est ce flot qu'il a choisi de nous confier dans l'Albatros.

    "Je ne sais pas si on peut vivre sans s'inventer des histoires, sans masquer notre peur du vide. Ces maladroites rustines d'idéal pour combler le vide."

    Parfois, on est pas à l'heure de certains rendez-vous. Notamment des rendez-vous littéraires. Un peu comme si les livres savaient exactement à quel moment nous trouver et nous toucher. C'est ce qui est arrivé pour moi avec l'Albatros. Je l'ai commencé une première fois. J'ai aimé le style. Ce phrasé. Cette intensité. Mais j'ai senti que je restais en dehors. Comme si je n'étais pas prête à recevoir le récit de Nicolas. 

    Et puis, le billet d'Eva m'a redonné envie de reprendre l'intrigue. Je me suis laissée happer par toute cette densité. Ces émotions brutes. Cette sincérité. Cette authenticité.

    Nicolas se met à nu devant nous. Dans une sorte de pudeur impudique. Une retenue et un laisser-aller. Il nous fait rentrer dans son univers. Sensible. Poétique. Engagé. Et porté par une liberté de tous les instants.

    "Tout passe par le corps. Même les mots, surtout les mots. On doit transpirer quand on les sort de soi. On doit s'essouffler. Ça doit vous vider, être une nuit d'amour ou un marathon. Sinon, ça veut rien dire."

    On se laisser porter justement par ces mots. Par cette chanson. Autour de sa vie. Bonheurs, malheurs, luttes, répits, courage....Par ces personnes qui l'accompagnent. Ce père et cette mère incroyables. Ce grand-père et cette grand-mère tout aussi remarquables. E. bien évidemment. E. la femme envolée mais dont la lumière aura nimbé de joie tant d'instants. 

    Tout un pan d'une existence se dévoile sous nos yeux. Une existence unique certes. Mais dont certains chapitres font forcément écho en nous. Car Nicolas, comme le soulignait si justement Eva, parvient à rendre son histoire à la fois singulière et universelle.

    Ce livre est beau. Habité. Par tant d'émotions. 

    Comme Nicolas, ce 20 octobre 2015, on aimerait qu'il ne se finisse jamais. Ou alors qu'il y ait très prochainement des bis. Et que nos cœurs, une fois encore, battent à l'unisson de celui de cet auteur. Dans une sorte de communion. Autour de la vie. De la mort. De l'amour. De la perte. 

    Comme seuls certains concerts, certains spectacles ou certaines lectures peuvent provoquer. Ces moments que l'on collectionne précieusement et qui font que nous sommes des vivants.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été bluffée par ce premier roman. Par cette construction maîtrisée qui laisse la part belle aux vibrations de l'âme. Et j'espère qu'à votre tour, vous vous laisserez porter par ce voyage.

    Editions Stock, 2019, 227 pages

     

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    Et, en bonus, un extrait de ce concert de Patti Smith du 20 octobre 2015.


  • Sous le soleil de mes cheveux blonds de Agathe Ruga

    Sous le soleil de mes cheveux blonds

    de

    Agathe Ruga

     

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    "On dit que les rêves des femmes enceintes peuvent changer le monde.

    Que leur puissance hypnotique s'apparente à de la voyance.

    Qu'ils ressuscitent les âmes et les disparus."

    La disparue depuis six ans, c'est Brigitte. L'amie avec un grand A. Celle rencontrée sur les bancs du lycée dans une classe de première S. Celle des premières confidences, des premières danses, des premières fois. Celle de la période charnière entre l'adolescence et l'âge adulte. Celle dont la trahison à plusieurs reprises a fait le plus de mal. Celle dont l'absence prend toute la place.

    "Je dois faire le deuil de toi vivante. L'absence est pire que la mort, rien n'arrête le sentiment d'absence, on est condamné à vivre avec tous ces absents qui demeurent quelque part et sans nous. Et quand bien même ils tenteraient de revenir nos vies, leur réapparition ne changerait rien. Ils ont été absents, ils seront toujours absents, ils ont créé un immense vide, impossible à combler. Il y a pas d'issue. Nos absents sont des trous dans nos cœurs."

    Parce que ce trou au cœur ne se comblera jamais...

    Parce que, désormais enceinte, elle rêve toutes les nuits de Brigitte...

    Parce qu'elle ne lui a pas encore tout dit...

    Brune va se lancer dans une déclaration, sa déclaration.

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    Certains livres, on ignore avant de les ouvrir qu'ils vont nous marquer et résonner si profondément en vous. On les prend, sur les conseils d'une amie (merci Eva!) On les ouvre, un peu curieuses. Et puis, la magie opère. On est emportés par l'histoire, par la langue. Tout s'efface et plus rien n'existe. Si ce n'est le bruit des pages qui se tournent trop vite, les images qui s'imposent à l'esprit, les émotions qui affleurent...Sous le soleil de mes cheveux blonds appartient à ce genre d'ouvrages.  Je l'ai dévoré un après-midi de février et j'y suis revenue ce soir, avec le même plaisir, les mêmes ressentis et cette envie de rajouter certaines phrases à ma collection de citations.

    Ce roman, c'est une magnifique lettre de Brune à son amie enfuie. Une lettre dans laquelle elle revient sur toutes les étapes de leur relation. Mais aussi sur son quotidien de femme enceinte. Comme si ce "tu"perdurait, envers et contre tout. Et, en même temps, comment mettre le point final à une amitié aussi forte, une sororité même? Est-ce réellement possible?

    Derrière chacun des mots, on ressent toute l'affection, le désarroi, le manque, le vide, le bonheur de certains souvenirs envolés...Le mal qu'elles sont capables de se faire aussi.

    "Tu es ma plus belle robe de soirée, mon champagne le plus euphorisant, mon plus long SMS. Mon plus bel amour inachevé."

    Brune et Brigitte constituent ainsi le cœur palpitant de ce livre. Mais leur amitié ne pourrait résumer cet ouvrage. En effet, Sous le soleil de mes cheveux blonds traite avec beaucoup de justesse et de sensibilité de tout ce qui fait l'étoffe de nos vies.

    A commencer par les amours adolescentes et les passions adultes. Ici, elles sont incarnées par deux figures masculines, deux amis: Valéry et Marceau. Deux étapes essentielles dans le parcours de Brune vers sa vérité de femme. Premiers émois, premières déceptions, besoin de plaire, premiers regards coupables, premiers rapprochements...: tout est décrit avec une force et une sincérité admirables. Agathe Ruga démontre un réel talent pour reconstituer des ambiances, faire surgir des scènes devant nous et retranscrire tout ce qui peut traverser nos âmes.

    Son récit, c'est aussi celui d'une émancipation. Comme si pour être heureuse maintenant, Brune avait dû s'affranchir de tant de choses: les amitiés ravages, les amours ennuyeuses, les métiers prisons...Et imposer aussi des limites à sa mère, à la fois trop absente et trop intrusive.

    Forcément, avec de telles thématiques, ce roman ne peut que faire écho à nos propres existences. Et c'est là justement que réside une de ses grandes forces: donner à une histoire intime une dimension universelle, capable de faire réagir de nombreux lecteurs. 

    J'ai aimé le souffle de liberté qui anime cette héroïne, dans sa quête de sens et dans son envie d'être pleinement vivante.

    J'ai aimé la mélancolie de ce récit, cette absente toujours présente. Cette béance que chacun à nos âges a sans doute éprouvé.

    J'ai aimé ces pépites qui surgissent au milieu d'une phrase et vous touchent, encore et encore.

    J'ai aimé cette histoire qui, pour plein de raisons personnelles, a tant fait écho en moi.

    J'ai aimé cette sensation de vie qui se dégageait de chaque page. La vie dans sa complexité, sa richesse, sa joie, sa tristesse aussi.

    J'ai aimé ce duo Brune/Brigitte et je les ai quittées à regret.

    J'ai aimé cette magnifique lettre d'amour à l'enfuie.

    J'ai aimé...

    Bref, vous l'aurez compris: Sous le soleil de mes cheveux blonds est un livre coup de cœur, sensible, juste, émouvant et je ne peux que vous le recommander.

    Stock, collection "Arpège, 2019, 299 pages

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  • Baronne Blixen de Dominique de Saint-Pern

    Baronne Blixen

    de

    Dominique de Saint-Pern

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    "Il existe un dieu pour veiller sur les légendes en perdition. Pour sauver les étoiles un peu oubliées. Un ange gardien capable de quitter la table du banquet où les dieux festoient. Il existe, sinon comment expliquer.

    Blixen. Karen Blixen. Ce nom n'évoque plus grand chose de nos jours. Pas davantage Isak Dinesen, son nom de plume. "Celui qui rit" en hébreu. Isak, la perpétuelle promise à un prix Nobel de littérature qui n'est jamais venu. Quant à la baronne Blixen...de son vivant déjà, ses jeunes compatriotes danois la croyaient morte. Sa vie et ses contes appartenaient à une époque périmée."

    Clara Svendsen a vécu plus de vingt ans en compagnie de Karen Blixen. Jusqu'à sa mort à l'automne 1962.

    En 1983, elle est contactée par la production d'Out of Africa. En effet, Meryl Streep qui doit incarner l'écrivain dans ce biopic souhaiterait en apprendre plus sur elle.

    "Qui la connaît mieux que vous?

    La connaître...Je l'ai vue, telle une bougie sur le point de brûler la dernière fibre de sa mèche, puis flamboyer à nouveau. Ou courbée par la souffrance, écrivant ses contes pour continuer d'avancer dans une nuit vivante. Je l'ai surprise à créer des romances avec des êtres de chair, brisant des couples pour en former d'autres avec les débris des premiers. Je l'ai connue tourbillon de foudre, cri de joie, incisive ou vulnérable, joyeuse, jamais la même, toujours poussée par son goût immodéré du jeu. Car elle jouait, comme les enfants dans leur toute-puissance s'inventent un monde malléable, comme les dieux s'amusent des mortels, à leur manière désinvolte et cruelle."

    Après quelques hésitations, Clara s'envole pour Nairobi. L'occasion de découvrir les lieux qui ont hanté Karen Blixen tout au long de son existence...L'occasion aussi de parler d'elle, son "Honorable Lionne"...

     

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    Quand j'avais 12 ans, je me souviens avoir pris par hasard une vidéocassette dans la collection de ma grand-mère. Le titre Out of Africa m'avait plu. Je me souviens l'avoir lancée. Je me souviens être restée scotchée devant pendant deux heures. Et une fois fini, avoir immédiatement ré-entamé le visionnage.

    On ne sait jamais quand on va tomber sous le charme d'un film. Et ce soir-là, la magie a opéré. Le pays, l'intrigue, Meryl Streep, Robert Redford, Mozart dans la nuit, un vol en avion...Autant d'ingrédients qui m'ont plu et qui continuent à me plaire quand je regarde de nouveau ce long métrage.

    J'ai tenté de lire ensuite La ferme africaine. Mais je n'ai jamais réussi à poursuivre l'ouvrage.  Avec cette sensation de passer à côté de quelque chose. Aussi, quand Baronne Blixen a été proposé dans la dernière Masse critique Babelio, je me suis dit que ce serait l'occasion d'en apprendre plus sur cette femme fascinante.

    Elle est née en 1885 dans une riche famille danoise. A 9 ans, son père se suicide par pendaison.

    Après avoir éprouvé une passion non réciproque pour son cousin, elle se marie avec son frère jumeau le baron Bror Blixen-von Finecke. Tous deux partent pour le Kenya où ils doivent gérer une plantation de café.

    Bien vite, cette affaire périclite. Tout comme le couple de Karen et de Bror. Karen ne pardonne pas à Bror ses infidélités à répétition et la syphilis qu'il lui a transmise. Tous deux se séparent.

     

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     Karen et Denys Finch-Hatton lors d'un safari

    Entrée en scène de Denys Finch-Hatton. Treize ans de passion. Et puis, la ruine. Et la mort qui frappe Denys en avion.

    Retour définitif de Karen au Danemark. A Copenhague, dans la maison familiale de Rungstedlund, elle se met à écrire sous le nom de plume d'Isak Dinesen. Succès fulgurant.

    Et début d'une nouvelle existence? Ou début du déclin plutôt? Loin de cette Afrique qui lui manque tant. Quelques fulgurances de vie cependant, lors de ses voyages aux États-Unis ou lors de ce "pacte" avec Thorkild Bjornvig.

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     La maison de Karen au Danemark

    Pour raconter ce destin extraordinaire, Dominique de Saint-Pern n'as pas choisi une structure linéaire. Au début, on suit Clara dans sa découverte de Nairobi et des anciens acteurs de la vie de Karen. Rencontres. Discussions. Et une vision de Karen toujours réinventée.

    Puis, lors d'une conversation de nuit avec Meryl Streep près de la maison refuge de Karen, Clara dévide le fil des souvenirs.

    Cette construction m'a semblé très intéressante. Non seulement elle dynamise le récit mais elle reflète plus le mécanisme de la mémoire et les méandres des réminiscences.

    Au fil des pages, nous faisons donc connaissance avec la baronne Blixen. Une femme fascinante qui a marqué tous ceux qui ont croisé son chemin. Une femme cruelle, aussi. Tyrannique. Manipulatrice. Possessive. Amoureuse. Passionnée. Volontaire. Têtue. Machiavélique.

    Je dois avouer que j'ai eu du mal à complètement adhérer à ce personnage. Autant j'ai ressenti de l'admiration pour cette noble danoise partie à l'aventure en Afrique et passionnément éprise d'un homme toujours en fuite, autant j'ai été choquée par son comportement à son retour au Danemark et sa façon de vampiriser tout son entourage. Et que dire de ce pacte avec le poète Thorkild?

    Bref, vous l'aurez compris: un portrait féminin hors norme, une vie habitée par un souffle romanesque...et un ouvrage qui se lit d'une traite tant on ne peut rester indifférents aux événements qui nous sont contés. Grâce à Baronne Blixen, j'ai d'ailleurs retrouvé l'envie de me plonger dans les œuvres d'Isak Dinesen.

    Un grand merci à Babelio et aux éditions Stock pour cet envoi!

    Stock, 2015, 429 pages

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Fanny et du challenge Un pavé par mois de Bianca.

     

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