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  • Amok, une adaptation théâtrale superbe

    Amok

    de Stefan Zweig

    adapté par Alexis Moncorgé

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    "Vous savez ce que c'est que l'amok. C'est une ivresse chez les Malais, une sorte de rage humaine, une crise de monomanie meurtrière insensée."

    Sur un paquebot en partance pour l'Europe, par une nuit de 1912, un homme se confie. Il vient de passer cinq années en Malaisie en tant que médecin.

    "Tous ceux qui viennent de ce côté font le même rêve. Mais dans cette serre étouffante, là-bas, qui échappe à la vue du voyageur, la force vous manque vite ; la fièvre – on a beau avaler autant de quinine que l’on peut, on l’attrape quand même, elle vous dévore le corps ; on devient indolent et paresseux, on devient une poule mouillée, un véritable mollusque. Un Européen est, en quelque sorte, arraché à son être quand, venant des grandes villes, il arrive dans une de ces maudites stations perdues dans les marais ; tôt ou tard, chacun reçoit le coup fatal : les uns boivent, les autres fument l’opium, d’autres ne pensent qu’à donner des coups et deviennent des brutes ; de toute façon, chacun contracte sa folie"

    La folie de cet homme, c'est une femme. Une Européenne venue dans son cabinet pour lui demander de l'aide.

    Face à son dédain, il se fait impérieux.

    Face à son impétuosité, elle se refuse.

    "Moins d'une heure après l'entrée de cette femme dans ma vie, je me jetais dans le vide. Comme un Amok."

    Débute alors une course-poursuite obsessionnelle.


    Je me souviens avoir lu cette nouvelle adolescente et avoir été frappée par le déferlement des passions, par l'implacabilité de l'amok, par la construction narrative...Aussi, quand j'ai vu qu'une adaptation était jouée au Théâtre de Poche Montparnasse, j'ai pris une place avec une de mes meilleures amies.

    Je me souviens m'être assise hier au premier rang et avoir attendu avec impatience le début, non sans un certain sentiment d'appréhension. Et si la pièce n'arrivait pas être à la hauteur de cet écrivain que je classe parmi les plus grands?

    Et puis...je me souviens que tout a commencé

    Et puis...je me souviens que je me suis perdue pendant une heure quinze dans une bulle de folie, entre la Malaisie et un paquebot, suspendue aux mots d'un comédien, seul sur scène.

    J'ai été bluffée par le travail d'adaptation qui a été opéré. Comme il doit être compliqué de transposer une œuvre aussi forte et là, on ne peut que saluer la réussite.

    Alors que dans la nouvelle, le médecin s'adressait à un autre passager. Ici, c'est le public qui se fait confident. Une manière très adroite de nous mobiliser et de nous investir encore plus en tant que spectateur. Comme si on se plongeait nous-même dans l'histoire. Comme si, d'une certaine façon, elle ne pouvait se dérouler sans nous...

    Ce n'est pas le seul procédé, bien entendu, employé par Alexis Moncorgé pour transformer ce récit. Tout en restant fidèle à la plume de Zweig, il lui donne vie.

    Une prouesse stylistique certes, mais une prouesse dramatique également!

    Quelle intensité dans son jeu! Dans ce monologue, il est un et il est multiple. Multiple dans le registre qu'il propose pour retranscrire la complexité et la richesse du personnage principal. Multiple aussi dans sa façon d 'incarner tour à tour un boy, une riche Européenne...

    Il nous fait frémir, rire, craindre, espérer, verser des larmes...Il se métamorphose sous nos yeux ébahis, il hurle, il court, il pleure...

    Un tour de force donc, sublimé par la mise en scène de Caroline Darnay, la scénographie de Caroline Mexme et les lumières de Thomas Cordé.  Une mise en scène épurée au service du texte et de l'interprétation. Quelques éléments de décors, quelques effets sonores et lumineux, quelques accessoires...

    Je n'oublierai pas pendant longtemps, dans ce noir total, cette ampoule suspendue (à la manière du Corbeau de Clouzot), qui éclaire juste le visage et oscille. Comme un mouvement perpétuel entre raison et folie, vie et mort.

    Ni cette danse...Ni ce passage dans la fumerie de l'opium avec un drap qui s'humanise sous nos yeux..Ni ce bal...Ni...

    Bref, vous l'aurez compris: courez voir Amok au Théâtre de Poche, cette pièce hallucinante et hallucinée que j'ai tout bonnement adoré. Il s'agit en plus de la première création de Chayle et compagnie dont je suivrai désormais avec intérêt les prochaines propositions artistiques!

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  • Dans l'ombre de la reine de Fiona Buckley

    Dans l'ombre de la reine

    de

    Fiona Buckley

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    "John Wilton était un homme de petite taille, sec et nerveux, aux cheveux brun cendré courts et hérissés. Il avait le nez retroussé et les dents jaunies. Je ne me rappelle pas la couleur de ses yeux et je n'ai jamais su son âge. Les hommes tels que John semblaient naître au milieu de leur vie et s'y fixer. Il avait débuté comme palefrenier dans ma belle-famille, puis était devenu le valet de mon époux. Maintenant que Gerald avait quitté ce monde, il serait avec joie resté à mon service, mais, hélas, je n'en avais pas les moyens."

    Ursula Blanchard, une jeune veuve sans le sou, se voit contrainte de se séparer de sa fille et devenir dame d'honneur d'Elizabeth I.

    Cette dernière, qui règne depuis deux ans, se retrouve la cible de nombreux complots, menés notamment par les Catholiques. Elle est également soumise à la pression de son entourage qui l'enjoint de prendre époux.

    Mariage de raison ou mariage de cœur? Elle semble hésiter. Mais son favori, le beau Lord Dudley est déjà uni.

    Néanmoins, certaines mauvaises langues parlent de la dégradation de l'état de santé de sa femme Amy Robsart. Et ajoutent avec perfidie qu'il en serait peut-être le responsable.

    Pour contrer ses rumeurs, Lord Dudley engage Ursula pour se rendre au chevet de la malheureuse et l'accompagner dans ses derniers instants.

    Ursula accepte cette mission...Mais elle est bien loin de se douter que son accord va la placer au centre de plusieurs conjurations et qu'il va influer énormément sur son existence.

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    Amy Robsart

    J'avais repéré depuis quelque temps ce premier volet d'une série de romans policiers historiques. Et j'ai profité du challenge Tudors organisé par Titine et Shelbylee pour l'en sortir.

    Dès les premières pages, on fait la connaissance d'Ursula Blanchard, l'héroïne. Tout récemment veuve d'un cadet de bonne famille, elle ne dispose d'aucune ressource. Elle doit donc accepter un poste à la Cour et se séparer de sa petite fille.

    L'occasion pour Fiona Buckley de dresser un portrait de la condition féminine à cette époque. La Reine/Lady Catherine Grey/Ursula Blanchard/sa servante Dale...illustrent ainsi la place réservée au sexe "faible" sous les Tudors et l'idée qu'il est difficile de vivre sans un référent masculin (père ou mari).

    Comme vous vous en doutez si vous lisez régulièrement mon blog, j'ai beaucoup apprécié cette partie. De même que j'ai aimé tout le volet historique. L'action se tient deux ans après l'accession au pouvoir d'Elizabeth I et on sent bien toute l'effervescence qui entourait le trône. Tous les bruits de couloirs...Toutes les conspirations aussi...Toutes les rivalités entre catholiques et protestants...

    Dans ce volet, l'auteure s'appesantit surtout sur un des "mystères" du début de ce règne: la mort de Lady Dudley. Suicide? Meurtre? Par le prisme d'Ursula Blanchard, elle nous décrit les coulisses de cette agonie et nous livre une explication.

    A ce fait historique, elle associe d'autres péripéties. Ce qui rend bien entendu l'intrigue intéressante De rebondissement en rebondissement, on suit l'enquête d'Ursula.

    Une enquête jalonnée de disparitions, d'enlèvements, de retournements de situation, de dilemmes...

    Bref, vous l'aurez compris: même si je n'ai pas été bluffée par sa dimension policière, j'ai apprécié l'atmosphère de ce roman historique et ses protagonistes. Dans l'ombre de la reine constitue un bon tome d'introduction et donne envie de se plonger dans les prochaines aventures de cette héroïne réccurente.

    Editions 10-18, collection "Grands détectives", 349 pages

    Billet dans le cadre du challenge Tudors de Shelbylee et Titine et du challenge A year in England de Titine.

     

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  • The Diviners de Libba Bray

    The Diviners

    de

    Libba Bray

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    "In a town house at a fashionable address on Manhattan Upper East Side, every lamp blazes. There's a party going on-the last of the summer. Out on a terrace overlooking Manhattan's incandescent skyline, the orchestra takes a much-needed break."

    Evie O'Neill, une Américaine de 17 ans, a accusé un des membres de la bonne société d'avoir abandonné une jeune fille après l'avoir rendu enceinte. Et a ainsi déclenché un scandale dans la ville de Zenith, Ohio. Pour la punir, ses parents ont donc décidé de l'envoyer chez son oncle à New York. Ils sont loin de se douter qu'ils réalisent, au contraire, un de vœux les plus chers de leur progéniture.

    Voilà Evie embarquée pour une grande aventure. Entres ses retrouvailles avec sa correspondante Mabel, ses dîners avec son oncle, conservateur du musée de l'Occulte, ses séances de shopping, ses virées dans les salles de spectacle, elle ne voit pas le temps passer...

    Mais un homme sème le mal autour de lui dans les rues de Big Apple. Et, quand son oncle est appelé par la police pour examiner le symbole retrouvé sur un cadavre, elle réalise qu'elle pourrait participer à cette enquête.

    Au risque de révéler ses pouvoirs de "diviner"....Au risque aussi de croiser le chemin de cet assassin redoutable et de figurer au nombre de ses victimes...

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    Ce roman "young adult", j'en avais entendu beaucoup de bien sur la blogosphère. Je l'avais donc acheté et il avait rejoint les étagères trop fournies de ma PAL. Heureusement, Aurélie d'Une valise remplie d'histoires (si vous ne connaissez pas encore son blog, courez y faire un tour) m'a convaincue de l'en sortir pour une lecture commune.

    Je dois avouer que mon déchiffrage des premiers chapitres a été un quelque peu laborieux. Puis, je me suis habituée aux expressions des personnages, à certaines tournures de phrases, aux mots qui revenaient sans cesse...

    Sans doute ai-je persisté car j'ai été immédiatement captée par l'intrigue. Au fil des pages, Libba Bray reprend les codes de nombreux récits de genre et nous livre un ouvrage protéiforme, entre roman d'apprentissage, roman policier et roman fantastique.

    Par exemple, le lecteur assiste aux meurtres de cet homme bien décidé à accomplir une prophétie. J'ai trouvé ces passages particulièrement réussis tant Libba Bray sait instiller la peur et partager le désespoir de ses victimes qui, malgré leurs efforts, ne peuvent échapper à leur bourreau. On a l'impression d'être là, tout près d'eux, et d'être paralysé devant ce qui s'accomplit.

    Cette sensation de rentrer de plain-pied dans le livre, d'être nous-même un des protagonistes, l'auteur l'insuffle aussi quand elle parle d'Evie, d'autres "diviners" ou du New York des années folles.

    De même, elle démontre une grande maîtrise du suspense. Un peu comme dans un puzzle, des pièces s'emboîtent. On se dit que quand l'identité du meurtrier sera dévoilée, le puzzle sera fini....Mais rien n'est simple et on bascule sans cesse de surprise en surprise.

    Surprise face aux dons de certains des héros/Surprise par rapport à leur passé/Surprise quant au déroulement de l'intrigue....

    Dans ce New York transformé en labyrinthe géant, les personnages tout comme les les lecteurs se heurtent donc à de nombreuses impasses. Certaines pourraient se révéler fatales...

    Bref, vous l'aurez compris: je suis ressortie enthousiaste des Diviners et je ne comprends pas pourquoi cet excellent opus n'a jamais été traduit en français.

    Little Brown and Company, 2012, 583 pages

    Billet dans le cadre du challenge Un pavé par mois de Bianca.

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