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« Le peintre des drapeaux adorait son boulot. Les gens les plus brillants des plus brillantes maisons venaient à sa maison pour lui passer commande. »
C’est ainsi que notre petit peintre se retrouve à dessiner des drapeaux qui affichent haut les idéaux de chacun des commanditaires.
« Et quand sa palette était prête, plus belle que l’arc-en-ciel, il dessinait sur le drap blanc, des croix, des traits ou des croissants, des soleils, des étoiles ou un aigle volant. »
Mais, un jour, notre artiste est contraint de sortir de chez lui pour satisfaire les desiderata d’un de ces chefs. Et il se rend compte des conséquences de ses créations.
« Sur le champ de bataille tout y était gris et sale : la boue, les uniformes, les gens. Et pas un rire d’enfant. A gauche et à droite, derrière et en face, flottaient les drapeaux qu’il trouvait hier si beau »
Devant ce constat, comment peut-il réagir ?
Je vous parlais récemment d’un album qui m’avait enthousiasmée:Le mot qui arrêta laguerre. Un album sur les rapports entre art et guerre.
Et, de nouveau, dans cet ouvrage, on se retrouve confrontés à cette thématique. Quelle réaction peut adopter un artiste face aux armes ? Surtout quand il est l’auteur des emblèmes des deux camps.
Je me suis retrouvée happée par ce récit. Un récit qu’on ne peut prévoir et dont la conclusion touche. Forcément.
Un texte qui, derrière sa simplicité apparente, nous fait réfléchir et se révèle extrêmement percutant.
A la sobriété des mots s’allie celle des dessins. Des illustrations minimalistes, des formes simples...Du noir omniprésent et qui fait ressortir encore plus les éclats de couleur présents sur chaque page.
Bref, encore un album très réussi ! Et que je vous recommande vivement.
"Il est difficile d'obtenir un jardin sinistre, mais le vieux Mr Wither y était parvenu.
Même s'il ne travaillait pas lui-même à celui de sa maison des environs de Chesterbourne, en Essex, son manque d'intérêt pour la terre et sa répugnance à dépenser de l'argent n'étaient pas sans influencer le jardinier. Le résultat était une pelouse souffreteuse et une rocaille plâtreuse où presque rien n'attirait le regard, tandis que les arbustes sans caractère proliféraient car Mr Wither appréciait leur capacité à meubler l'espace à peu de frais."
Viola Wither se retrouve veuve à 21 ans. Elle aimerait profiter de la vie londonienne avec sa meilleure amie mais ses faibles moyens la contraignent à accepter l'invitation de sa belle-famille, les austères Wither, et à s'installer chez eux dans la campagne anglaise.
Elle s'ennuie ferme dans cette retraite forcée, avec cette famille conventionnelle et tous ces horaires fixes.
Mais, un soir, à la faveur d'une invitation, elle croise le Prince charmant de son adolescence, le beau Victor Spring, fraîchement fiancé à une amie de longue date mais néanmoins courtisé par toute la gent féminine.
Et Viola n'est pas la dernière à flirter avec lui...Au grand dam de la bonne société de Chestbourne et des Wither...
J'avais entendu beaucoup de bien de ce, notamment auprès de mes copinautes Emjy et Shelbylee. Et je me suis décidée mardi dernier à entrer dans son univers.
Une décision que je n'ai pas du tout regrettée, tant je me suis retrouvée emportée.
Ce roman constitue une relecture moderne de Cendrillon. Mais bien loin de se contenter de transposer cette idylle au début du siècle en Angleterre, l'auteur la pare d'ironie. C'est ce qui frappe immédiatement le lecteur dans ce conte contemporain. Chaque paragraphe en est pétri. Rien n'échappe à la plume acérée et acerbe de Stella Gibbons. Aucune petite manie. Aucune tenue. Aucune idée. Tout est prétexte à ce fameux humour so british.
Cependant, malgré son regard sans concession, on sent qu'elle éprouve une certaine tendresse pour ses personnages.
A commencer par l'héroïne, Viola, prénommée ainsi en hommage à Shakespeare. Quand on la rencontre, elle a tout de ces ravissantes blondes un peu idiotes et maladroites de l'âge d'or du cinéma hollywoodien. Alors qu'elle s'est mariée sans enthousiasme, elle a la chance d'être remarquée par un prince pas si charmant lors d'un bal. Et, malgré ses actes un peu mufles, elle continue d'y croire. Mais cette jeune femme ne se résume pas à cet aspect fleur bleue, à cette crédulité (que dire de son aveuglement face à sa cousine)...Non, elle est également pleine de bonté pour ses proches, profondément généreuse...
Et c'est là une des forces de Stella Gibbons: tout en se moquant d'eux, avoir réussi à montrer les contrastes des personnalités de ses protagonistes.
Il en va de même pour chacun d'entre eux: Victor Spring, le prince pas si charmant qui aspire à une femme conventionnelle; Tina Wither, la cousine vieille fille qui fait tout pour rencontrer l'amour...
On assiste à leur évolution, leurs idylles, leurs espoirs...Au gré de bals, de thés dansants, de visites à Londres, de vacances à la mer, de leçons de conduite, de promenades dans le Bois du Rossignol...
On comprend leurs hontes intimes, leurs désarrois, leurs coups de cœur...
Certaines scènes se révèlent plus marquantes que d'autres: la garden-party ratée des Wither (que j'ai ri!), les rencontres avec l'ermite...
Et on sent bien l'influence de cette romancière sur certaines séries que j'apprécie beaucoup (l'idylle entre Tina et Saxon m'a forcément fait penser à celle élaborée dans Downton Abbey par Julian Fellowes)
Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup aimé ce roman et je vous le recommande vivement si vous êtes fans comme moi de campagne anglaise et d'ironie. Je pense d'ailleurs que je ne tarderai pas à me replonger dans un autre des titres de Stella Gibbons (vous me conseilleriez lequel?)
Francfort, 1958, le jeune procureur allemand Johan Radmann vient d'entamer sa carrière. Comme tous les nouveaux, il est dévolu aux cas d'infraction routière.
Jusqu'au jour où Griechka, un journaliste, fait irruption dans les bureaux du procureur général. Il prétend qu'un de ses amis a reconnu un ancien soldat SS parmi un groupe de professeurs du lycée des environs.
Alors que tous ses collègues dédaignent cette affaire, Radmann entame une enquête. Il est bien loin de se douter que ses recherches vont lui faire découvrir les horreurs d'Auschwitz.
Bouleversé par tout ce qu'il entend et apprend, notre jeune héros se bat pour ouvrir une instruction contre tous les officiers SS en poste dans ce camp et qui mènent une existence paisible partout dans le pays.
Normalement, cet après-midi, je devais voir avec un de mes meilleurs amis le deuxième volet d'Avengers. Puis, au dernier moment, nous avons changé pour ce long métrage.
Bien nous en a pris car cela faisait longtemps que je n'étais pas sortie aussi sonnée d'une projection.
Je ne savais pas qu'en 1958, tout ce qui entourait Auschwitz et les camps de concentration n'était pas connu de la population.
Naïvement, j'étais persuadée que, suite au procès de Nuremberg, tous les Allemands savaient ce qui c'était passé.
Dès les premières scènes, je me suis rendue compte qu'il n'en était rien. Notamment lors de cette séquence très forte où le journaliste Griechka interpelle plusieurs jeunes entre 20 et 30 ans sur la signification d'Auschwitz pour eux et où il réalise qu'il se heurte à des murs d'ignorance.
Ignorance des événements pour certains, volonté d'oublier, d'avancer...pour les autres...Désir de croire que ce qui a été dénoncé après guerre n'était qu’œuvre de propagande des vainqueurs...
Dans cette société allemande de la fin des années 50, il n y a pas de place pour ces victimes des camps.
Et, pourtant, le jeune procureur Johan Radmann va leur redonner la parole. Petit à petit.
C'est passionnant d'assister à l'évolution de ce juriste, pétri d'idéalisme. Quand on le découvre, on fait la connaissance d'un homme épris de justice et qui tente sans cesse de respecter la loi.
On sent bien que, quand il se saisit de l'affaire apportée par Griechka, il ne mesure pas toutes les conséquences de son acte. Il veut juste appliquer ce qui lui semble légitime.
Et il va se faire dépasser par les événements. De bureau en bureau, de témoignage en témoignage, de manipulation en manipulation, Johann se retrouve emprisonné dans un labyrinthe du silence.
Difficile de ne pas se perdre dans ses méandres, comme le lui rappelle son chef, le procureur général Bauer.
Johann va affronter bien des épreuves dans ce labyrinthe, se confronter à bien des culs de sacs...
Nous suivons donc sur ses traces le chemin long et difficile de cette instruction extraordinaire.
Mais le film, bien entendu, ne se résume pas à cette procédure judiciaire.
Non, il brasse tant de thématiques: le poids des souvenirs, les traumatismes, le fossé entre les victimes et les bourreaux, les tabous de cette société allemande en apparence guérie mais qui panse encore ses blessures, l'absence de culpabilité, les menaces contre ceux qui veulent tout révéler, la présence des anciens Nazis ou de leur soutien dans bien des rouages de l’administration....
Le Labyrinthe du silence dit tout cela. Sans jamais sombrer dans le pathos. Sans jamais verser dans le manichéisme.
Chacun est libre, à l'instar de Johann, de réfléchir à la notion de justice, à la nécessité d'un procès pour ce qui ne peut être réparé...
On s'interroge, on s'émeut, on frémit d'horreur, d'indignation...On rit aussi.
Bref, vous l'aurez compris: ce film, mené par un très bon casting et qui éclaire tout un pan de l'histoire allemande, vaut largement le détour. Personnellement, je sais que certaines scènes m'accompagneront longtemps.