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  • Un Eté avec Louise

    Un Été avec Louise

    de

    Laura Moriarty

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    "La première fois que Cora entendit le nom de Louise Brooks, elle attendait la fin d'une averse dans une Ford T garée devant la bibliothèque municipale de Wichita. Si Cora avait été seule et avait eu les mains libres, elle se serait peut-être élancée à travers la pelouse pour gagner l'escalier de pierre de la bibliothèque. Mais ce jour-là, avec son amie Viola Hammond, elles avaient passé la matinée à faire du porte-à-porte dans leur quartier afin de collecter des livres pour la nouvelle salle de lecture dédiée aux enfants, et le fruit de leurs efforts conséquents se trouvait à l'abri, et au sec, dans quatre caisses sur la banquette arrière"

    Août 1922, Cora Carlisle entend parler pour la première fois de Louise Brooks, une adolescente de 15 ans qui souhaite suivre des cours dans une académie de danse renommée de New York mais ne peut s'y rendre sans un chaperon.

    Alors que rien ne l' y obligeait, Cora se propose de remplir cette mission. Et la voilà embarquée à l'autre bout des États-Unis avec une jeune fille que rien n'arrête dans ses désirs et qui ne se soucie guère des conséquences de ses actes sur sa réputation.

    Choc des cultures...Choc des générations...Ou comment cinq semaines vont faire évoluer ces deux personnages féminins...

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    J'avais remarqué ce roman sur l'excellent blog de ma copinaute Bianca. De même, une de mes collègues me l'avait très fortement conseillé. Aussi, quand je l'ai vu passer à la banque de prêt, je n'ai pas hésité longtemps avant de l'emprunter et de me lancer dans ce voyage.

    J'ai beaucoup apprécié le principe d'utiliser ces deux protagonistes principaux (Cora et Louise) pour illustrer deux visages de la femme au début des années 20. Autant Cora paraît incarner la génération passée, celle qui se soucie des convenances, du regard des autres, celle qui persiste à se coiffer de lourds chignons et à revêtir des corsets, autant Louise symbolise le futur avec sa coupe à la garçonne, sa silhouette libérée de toute entrave et son désir de profiter de sa vie comme bon lui semble, loin de tout diktat.

    Forcément, avec deux personnages aussi antagonistes, la cohabitation ne s'annonce pas aisée. Ce qui permet au lecteur d'assister à de nombreuses scènes très drôles où Louise bouscule quelque peu Cora dans ses habitudes (je pense notamment à celle du repas en compagnie de deux inconnus dans le wagon-restaurant)

    Cora nous amuse avec ses principes un peu datés. Mais, bien vite, quand on creuse un peu en profondeur derrière ce vernis policé, se dessine le portrait d'une femme blessée par les épreuves de la vie. En effet, si elle a choisi d'accompagner Louise à New York, c'est pour retrouver la trace de sa vraie mère. Une enquête sur ses origines qui va la mener sur des chemins qu'elle n'aurait pas soupçonnés.

    On s'attache à elle et on aime la voir évoluer au fil des pages, s'affranchir en secret de certains usages et connaître le bonheur.

    Le mot secret revêt d'ailleurs une importance primordiale tout au long des chapitres. Dans cette société américaine des années 20 en pleine mutation, il existe de nombreux tabous. Notamment autour des origines ou de la sexualité. Le mari de Cora et Louise vont en faire les frais.

    Comme vous l'aurez deviné, un autre intérêt de ce roman réside dans la découverte de la vie de Louise Brooks. J'avais déjà entendu parler de cette actrice sans jamais avoir regardé un de ses films et je dois avouer que j'ai été stupéfaite par son destin.

    En revanche, j'ai moins accroché avec toute la partie finale, après le retour de New York. En effet, Laura Moriarty a décidé de retracer en quelques chapitres tous les événements capitaux de l'existence de Cora. Et cette accélération dans le rythme de la narration ne m'a pas beaucoup plu. J'ai eu l'impression que tout était précipité, ce qui m'a dérangé.

    Bref, vous l'aurez compris: Un été avec Louise constitue un intéressant portait de femme et permet de passer un bon moment de lecture.

    Fleuve Noir, 2013, 405 pages

    Billet dans le cadre des challenges Au service de...et Un pavé par mois

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  • Belle, un film de Amma Asante

    Belle

    un film de Amma Asante

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    Me voici de retour après quelques jours d'absence avec un billet autour d'un film que j'ai découvert hier grâce à Emji.

    Ce long métrage, inspiré d'une histoire vraie, retrace le destin de Dido Elizabeth Belle, à la fin du 18ème siècle. Cette jeune métisse est la fille illégitime d'un amiral de la marine anglaise. Après la mort de sa mère, son père la confie à son grand-oncle, Lord Mansfield, le Président de la Haute Cour de Justice.

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    A Kenwood House, elle grandit en compagnie de sa cousine Elizabeth. Les années passent et malgré la très bonne éducation qu'elle a reçue, Dido se retrouve souvent écartée des dîners, thés...et autres mondanités en raison de sa couleur de peau.

    Puis, à la mort de son père, elle devient une riche héritière et les regards de la haute société se font moins mesquins (surtout, comme vous l'avez deviné ceux des fils cadets désargentés).

    A la même époque, Lord Mansfield doit rendre un arrêt sur une affaire qui divise le pays: celui du navire négrier Zong. Quelques 142 esclaves ont été jetés par dessus bord lors d'une traversée. Il convient de déterminer si les assurances doivent payer l'armateur pour ses pertes ou si ces pertes n'étaient pas justement calculées par la compagnie afin de faire du profit sur une marchandise déjà "avariée".

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    J'ai été immédiatement captée par l'ambiance de ce film. Comme dans tout bon period drama anglais, les décors et les costumes ont été particulièrement soignés.

    De même, une attention spécifique a été portée au casting: de Gugu Mbatha-Raw  à Matthew Goode (dommage qu'on ne puisse le voir plus longtemps), tous les acteurs se révèlent excellents. Mention spéciale à Tom Wilkinson qui incarne Lord Mansfield. Un personnage miroir de toutes les tensions sociales de son époque et dont on voit l'opinion évoluer au fil des scènes.

    En effet, Belle s'intéresse au problème de l'esclavage en Angleterre en cette fin du 18ème siècle. Et le cas que doit juger cet homme reflète les luttes d'opinion qui animent la société quant à ce sujet.

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    Mais la question de l'esclavage et de la place des gens de couleurs n'est pas le seul thème abordé par le scénario. Non, il s'intéresse également à la condition des femmes. Leur avenir (sauf si elles bénéficient d'une fortune personnelle) passe par l'obtention d'un mari capable de leur assurer un foyer. Si elles échouent dans leur quête, leur salut ne peut provenir que de leur famille et de leur éventuelle invitation à rester chez eux.

    A ces problématiques se superposent quelques péripéties amoureuses. Les deux cousines sont attirées par des jeunes hommes mais font-elles le bon choix...A ce propos, autant j'ai cru à l'idylle entre Dido et John Davinier (même si certains laxismes dans les sorties de Dido me semblent impossibles), autant celle entre la cousine et Lord Ashford m'a semblé trop télescopée. Comme si elle avait été imaginée afin de représenter le courant raciste et machiste d'une partie de la haute société.

    Bref, même si toutes les scènes ne m'ont pas convaincue, j'ai passé un très bon moment devant ce film et j'en suis ressortie avec l'impression d'en avoir plus appris sur un pan de l'histoire anglaise.

     

     

  • La Vérité qui est en moi de Julie Berry

    La Vérité qui est en moi

    de

    Julie Berry

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    "Nous sommes venus ici par bateau, toi et moi.

    J'étais un bébé sur les genoux de ma mère, toi un garçon zozotant et bouclé jouant aux pieds de la tienne tout au long de l'éprouvante traversée. [...]

    Je me souviens que ma mère racontait des histoires à propos de notre odyssée, quand j'étais enfant. Maintenant, elle n'en parle plus jamais.

    Elle disait que j'avais gardé les yeux grands ouverts pendant tout le voyage, à t'observer."

    Dans un pays profondément puritain, Judith vit au ban de sa communauté. Quatre ans auparavant, elle a disparu avec sa meilleure amie du village de Rosewell Station. Deux ans plus tard, elle est revenue, la langue tranchée. Incapable de parler, elle s'est vu rejeter par tout le monde, y compris sa mère.

    Dans le silence qui est désormais sien, retentit sa confession à son ami d'enfance. Un certain Lucas qu'elle n'a jamais cessé d'aimer et qu'elle ne parvient pas à oublier.

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    Je n'avais pas entendu parler de ce roman quand je l'ai commandé pour la médiathèque où je travaille. J'ai juste été attirée par l'éditeur (je ne suis jamais déçue par leur production) et par ce titre que je trouve très beau.

    Au fil des pages, le lecteur va assister à l'aveu de Judith. Chapitre après chapitre, il va tout apprendre de ses pensées, ses désirs, son quotidien, le drame qui l'a frappé...

    Cette vérité, elle la livre à son seul amour, le beau Lucas. Depuis son enfance, elle lui a donné son cœur et malgré les événements, elle ne peut lui retirer.

    Cette structure de l'intrigue basée sur le "tu" confère un aspect très intéressant à ce roman. J'ai été quelque peu désarçonnée au début. Puis, très vite, je me suis habituée à cette musicalité, à ce tutoiement qui donne encore plus de force au récit et le rend plus intime.

    A Rosewell Station, le crime de Judith a été de disparaître et de revenir muette. Avec un honneur certainement perdu.  Tout le monde l'évite. Même une de ses anciennes meilleures amies. Même Lucas. Comme si elle était une pestiférée. Comme si elle avait choisi d'être enlevée. Et ceux qui ne la fuient pas tentent de profiter d'elle.

    Face à ce bannissement, Judith aurait pu sombrer dans le plus grand désespoir. Mais, au contraire, elle continue de lutter pour ceux auxquels elle tient. Son statut de spectatrice discrète lui permet d'observer, d'apprendre et d'anticiper. Et elle est prête à tous les sacrifices...

    Je me suis attachée à cette protagoniste atypique, forte, bouleversante. A sa voix. A ses pensées. Comme elle, je me suis prise à rêver, à espérer, à pleurer...

    Ce personnage donne également l'occasion de brosser un portrait de la condition des femmes dans une société aussi puritaine. Un portrait sombre, bien entendu, d'un monde où celles qui tentent de s'écarter du chemin tout tracé le paient cher.

    L'occasion pour le lecteur d'assister à quelques instants durs.

    Mais ce roman offre également quelques passages très beaux. Je pense notamment à cette nuit dans la forêt. Ou à ces jeux de regards.

    C'est là que réside justement une des grandes qualités de La vérité qui est moi: la faculté de Julie Berry à créer des scènes marquantes, de celles qui restent longtemps en mémoire.

    De même, j'ai apprécié le dénouement, dans le sens où je ne m'attendais pas à une telle résolution de la disparition des deux jeunes femmes.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé vraiment un très bon moment avec ce roman et je vous en conseille la lecture.

    Éditions des Grandes personnes, 2014, 315 pages