La Conspiration de Whitechapel
de
Anne Perry
"La salle d'audience de l'Old Bailey était bondée. Tous les sièges étaient occupés et les huissiers refusaient du monde. On était le 18 avril 1892, le lundi après Pâques qui marquait également l'ouverture de la Saison à Londres. C'était aussi le troisième jour du procès du distingué John Adinett, militaire, accusé du meurtre de Martin Fetters, grand voyageur et spécialiste de l'Antiquité.
A la barre des témoins se trouvait Thomas Pitt, commissaire de police du poste de Bow Street."
Mais, même si l'accusé est condamné, Thomas Pitt voit sa réputation traînée dans la boue. Et il se retrouve rétrogradé et affecté à la Special Branch. Il doit quitter sa famille pour s'installer dans les taudis de l'East End et tenter de démasquer d'éventuelles conspirations.
Accablée de chagrin, Charlotte se reprend très vite et décide de mener sa propre enquête pour disculper son époux et le sortir des griffes du Cercle Intérieur. Elle peut également compter sur le soutien de Gracie, Tellman et Lady Vespasia.
Comme vous vous en souvenez peut-être, j'avais été déçue par les derniers opus de la série des Pitt et notamment par Half Moon Street. Aussi, je nourrissais quelques appréhensions en entamant les premières pages de la Conspiration de Whitechapel.
Pour une fois, le roman ne s'ouvre pas une scène de meurtre, mais sur un procès. Pitt y intervient comme témoin et on se rend compte, lors de son interrogatoire, que l'avocat de la défense semble animé de la volonté de lui nuire.
Impuissant, il assiste à sa chute et se découvre contraint d'entrer dans la Special Branch et de déménager à Whitechapel.
Cette direction de l'intrigue donne l'occasion à Anne Perry de dresser un portrait des taudis de l'East End au bord de l'implosion. Mais à cette description de la misère de certains se joint le tableau de l'extrême richesse du Prince de Galles.
Ce dernier, qui guette en vain la mort de sa mère Victoria, mène un train de vie très luxueux. Trop luxueux d'ailleurs, ce qui l'entraîne à contracter de nombreuses dettes. Et à mécontenter toute une partie de l'intelligentsia. Entre une Reine trop effacée et un héritier trop gâté, certains commencent à penser qu'il vaudrait mieux lancer une révolution et remplacer le souverain par un Président. D'autres envisagent même de passer très rapidement à l'action.
Car, dans ce volume, plusieurs conspirations s'entremêlent: celle autour d'un renversement du pouvoir et celle autour de la révélation de la véritable identité de Jack l’Éventreur. (Anne Perry a repris ici la théorie selon laquelle les victimes n'auraient pas été choisies par hasard mais pour dissimuler une liaison royale et l'existence d'un bâtard).
On ne sait donc où donner de la tête et on retrouve le talent de la romancière pour nous promener de fausse piste en fausse piste. Et son art à créer des scènes tendues où tout peut déraper d'un instant à l'autre.
J'ai été ravie de redécouvrir au premier plan Charlotte et Gracie. Toutes les deux entreprennent des démarches pour sauver leur commissaire préféré. L'occasion pour Gracie de se rapprocher de l'inspecteur Tellman (ils partagent des scènes à la fois touchantes et drôles. Qui cédera et avouera le premier ses sentiments?).
La Conspiration de Whitechapel nous offre également la possibilité d'en apprendre plus sur le passé de Lady Vespasia, un de mes personnages préférés. J'ai aimé la voir participer à la Révolution à Rome et au mouvement d'émancipation italien.
Enfin, comme souvent, le final se révèle à la hauteur et laisse présager une intensification de la lutte contre le Cercle intérieur.
Bref, vous l'aurez compris: un très bon cru de la série et j'espère que Southampton Row continuera sur cette lancée.
Editions 10/18, 2007, 394 pages
Billet dans le cadre d'une LC avec Bianca, Céline, Fanny, Soie et Sybille et dans le cadre du challenge Anne Perry de Syl