Un Cri étranglé
de
Anne Perry
"Dans la ruelle balayée par le vent de janvier, John Evan tremblait de froid. P. C. Shotts leva plus haut sa lanterne sourde, afin qu'ils puissent distinguer les deux corps ensemble. Recroquevillés et sanglants, ils gisaient sur le pavé verglacé, à environ deux mètres l'un de l'autre"
Dans le quartier de Saint Giles, un des plus sordides de la capitale, situé à quelques mètres seulement de Regent Street, sont retrouvés deux corps: celui d'un père et d'un fils. Le premier n'a pas survécu à la sanglante correction qui leur a été infligée. Le second, Rhys Duff, est dans un état lamentable. Hester Latterly est engagée par la famille pour veiller sur lui. John Evan enquête sur les circonstances du drame.
Quant à William Monk, il tente de découvrir l'identité de mystérieux violeurs sévissant justement dans le quartier de Saint Giles.
Et si tout avait un lien?
Voici la huitième enquête du détective amnésique que je parcours grâce au challenge Anne Perry de Syl.
J'ai trouvé que ce tome s'attachait plus aux histoires sentimentales de nos héros. Hester Latterly se rapproche d'Oliver Rathbone qui l'invite à plusieurs reprises au restaurant et au théâtre. On sent tout l'intérêt amoureux qu'il lui porte. Mais Hester reste indécise. Elle apprécie l'avocat mais se sent également attirée par Monk. Ce dernier commence à prendre conscience de l'importance de la jeune infirmière dans sa vie.
De même, on s'attarde plus sur les problèmes de mémoire de Monk. Emergent de nouveaux souvenirs relatifs à sa relation avec Runcorn. On apprend ainsi qu'au début de leur carrière, ils étaient très complices et se soutenaient mutuellement dans leurs descentes périlleuses à Saint Giles. Jusqu'au jour où une trahison avait définitivement entaché leur entente....Cette incursion dans le passé de policier de Monk m'a vivement intéressée. Elle permet de le voir sous un autre jour. Son accident l'a fait profondément changer...J'aurais détesté l'ancien Monk. Et au fil des volumes, je trouve qu'il s'humanise.
Un cri étranglé démontre une fois encore le talent d'Anne Perry à ressusciter l'ambiance de l'époque victorienne. La plongée dans le quartier sordide de Saint Giles révèle de nouveau la difficulté de la condition féminine. Celles qui sont privilégiées doivent fermer les yeux sur les visites de leurs maris ou fils dans les bordels. Tandis que celles qui doivent trouver de l'argent pour leur famille, se retrouvent contraintes de se prostituer occasionnellement pour nourrir leurs enfants...
"Certaines de nos femmes respectables, quand elles sont dans une sale période, elles pensent qu'elles ne s'vendront jamais, quoi qu'il arrive [...] Elles se disent qu'elles préféreraient mourir d' faim plutôt qu'd'aller dans la rue. C'est étonnant comme on change vite d'attitude quand vos enfants ont faim ou sont malades."
Si elles se font violer ou subissent de mauvais traitements, elles ne peuvent attendre aucun recours de la police ou de la justice.
C'est pour cette raison que la quête de Monk pour justement les venger en exposant les gentlemen responsables de ces sévices me l'a rendu encore plus sympathique. Il est considéré par Runcorn ou Rathbone comme un fou d'avoir accepté un tel cas.
En revanche, j'ai moins été convaincue par l'intrigue policière. Elle peine à s'installer et ne prend vraiment son essor que dans les dernières pages. Tout le drame explose grâce à l'intuition d'Hester. Comme dans la série des Pitt, ce sont souvent les femmes chez Anne Perry qui trouvent la vérité.
Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé un agréable moment avec ce nouveau cru de la série du détective amnésique. Sans doute pas le meilleur en termes d'intrigue poilicière mais important en ce qui concerne l'évolution des sentiments des personnages et la révélation des origines de la haine que se vouent Monk et Runcorn.
Editions 10/18, collection "Grands détectives", 2002, 446 pages, 8,80 €
Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Shelbylee, Adalana et Syl
Billet dans le cadre des challenges Anne Perry, God save the livre 2013 et victorien.