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des romans français - Page 18

  • L'Echange des princesses de Chantal Thomas

    L’Échange des princesses

    de

    Chantal Thomas

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    ""La gueule de bois n'a jamais empêché les bonnes idées" se dit Philippe d'Orléans en fermant les yeux dans les forts parfums de son bain. S'il les ouvrait, il aurait le regard bloqué sur ce gros corps ventru, blanchâtre, flottant dans l'eau chaude; et cette bedaine de bête échouée, cette espèce de molle bonbonne gonflée par les nuits de débauche et de goinfrerie, sans lui gâcher complètement le plaisir et la bonne idée, l'affaiblirait"

    En cet été 1721, le Régent Philippe d'Orléans vient de décider de demander en mariage l'infante d'Espagne pour le roi Louis XV et de proposer en échange la main de sa fille pour le futur roi d'Espagne.

    Après de nombreuses tractations et l'ambassade de Saint-Simon, l'accord est conclu.

    L'infante de 4 ans et la jeune princesse de 12 ans entament leur voyage et se croisent à la frontière franco-espagnole, sur la petite île de Bidassoa.

    Mais rien dans cette alliance ne se déroule comme prévu.

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    Je suis une grande fan de l’œuvre de Chantal Thomas. J'avais adoré les Adieux à la Reine et passé un très bon moment en compagnie du Testament d'Olympe.

    Aussi, quand ce nouveau roman est sorti au moment de la rentrée littéraire, j'attendais avec impatience de pouvoir m'y plonger.

    Dans cet ouvrage, elle traite d'un moment de l'histoire que je méconnaissais totalement. Pour moi, Louis XV n'avait pas eu de fiancée avant d'épouser en 1725 Marie Leszczynska.

    C'est donc tout un pan de la Régence et du début du règne de Louis XV que j'ai découvert.

    Comme d'habitude, l'auteure nous apprend beaucoup de choses sur les coulisses de ces arrangements politiques.On suit ainsi l'ambassade de Saint-Simon, le trajet des deux princesses, les conditions des accords (la date retenue pour la consommation de l'union, par exemple), la cérémonie de l'échange, les arrivées triomphales des cortèges...

    Mais elle s'attarde également sur les us et coutumes de ces "Grands".

    J'ai été notamment frappée par la vie à la Cour d'Espagne. Le couple, que formait Philippe V (petit-fils de Louis XIV) et sa seconde épouse Elizabeth Farnèse, vivait en grande majorité dans son lit. De même, parmi les divertissements proposés, on trouvait en bonne place les autodafés de l'Inquisition ou les messes à répétition.

    Au contraire, en France, le Régent s'oubliait dans une vie de débauche. Quant au Roi, il était sans cesse supervisé par son gouverneur le maréchal Villeroy et craignait d'être empoisonné. Il se divertissait dans des mini-sièges organisés avec des acteurs pour lui apprendre les tactiques à adopter en cas de guerre.

    De même, Chantal Thomas souligne les difficultés d'intégration des deux jeunes épousées et rappelle à quel point il ne faisait guère bon d'être femme au 18ème siècle.

    Néanmoins, même si j'ai l'impression de m'être beaucoup instruite, je n'ai pas pris autant de plaisir à ma lecture que pour ses opus précédents.

    Cela tient sans doute au choix narratif. Alors que dans les Adieux à la Reine, on suivait l'intrigue par les yeux de la lectrice de Marie-Antoinette et dans le Testament d'Olympe par ceux d'Olympe et de sa sœur, l'Echange des princesses ne reprend pas ce schéma.

    Au contraire, ce roman oscille sans cesse entre deux modes: tantôt il prend le ton d'une chronique et se révèle factuel, tantôt il tente de retranscrire les pensées des deux jeunes femmes.

    Et je n'ai pas trouvé ce fonctionnement très percutant. J'aurais aimé que le "je" soit sans cesse présent. Il aurait humanisé le récit et m'aurait permis de vraiment y prendre part. Là, je suis toujours restée en surface, malgré le destin tragique des princesses.

    Bref, vous l'aurez compris: ce roman se révèle historiquement très fouillé mais il n'a pas suscité d'émotions chez moi.

    Editions du Seuil, 2013, 333 pages, 20 €

  • Au-revoir là haut de Pierre Lemaître

    Au-revoir là haut

    de

    Pierre Lemaître

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    "Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt, étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement"

    Novembre 1918, quelques jours avant l'armistice. Albert Maillard, comptable de son état, qui aspire à retrouver les jupons de Cécile et l'autoritarisme de sa mère partage la vie des tranchées avec Edouard de Péricourt, un aristocrate artiste, homosexuel et auquel la chance ne cesse de sourire. Tout les oppose mais ils vont être réunis par les faits et gestes de leur supérieur, le lieutenant Pradelle.

    Après l'armistice, ils vont emménager ensemble et mettre en place une arnaque autour des monuments aux morts.

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    Généralement, je me méfie des Prix Goncourt. J'ai toujours peur d'être déçue. Du coup, j'attends souvent quelques mois voire quelques années avant de m'y plonger.

    Cependant, Au revoir là-haut m' a immédiatement attirée. Ne serait-ce que par le parcours de son auteur (il faut absolument que je découvre ses romans policiers) et par son sujet. J'ai donc été ravie de pouvoir l'emprunter à mon père pendant les vacances de Noël.

    Je dois avouer que j'ai été un peu désarçonnée par les premières pages. J'ai dû m'habituer à la petite musique de Pierre Lemaître, à son utilisation du futur (souvent pour mieux nous tromper). Puis, très vite, j'ai été happée par l'intrigue dense et foisonnante, par les scènes chocs.

    Au début, le romancier nous entraîne au front, à quelques jours de l'armistice. Alors que les hommes attendent avec impatience la fin des hostilités, le lieutenant Pradelle souhaite reprendre le combat pour mieux s'illustrer et tirer son épingle du jeu. Ne reculant devant rien, il va même assassiner deux de ses soldats pour redonner envie à ses troupes de partir à l'attaque. Pendant l'assaut, il est découvert par Albert Maillard et tente donc de l'assassiner, en le poussant dans un trou d'obus où il se retrouve enseveli. Le jeune comptable en sort in extremis grâce à Edouard de Péricourt. Mais ce dernier se retrouve défiguré.

    Voici comment en quelques pages nous rencontrons les trois protagonistes de cette fresque de l'après-guerre. Trois héros que tout oppose. Ou plutôt devrais-je dire trois anti-héros.

    Le lieutenant Pradelle incarne à la perfection la figure du méchant. Il veut à tout prix s'élever dans la société et gagner de l'argent pour pouvoir restaurer son domaine. Après son mariage avec la soeur d'Edouard de Péricourt, il va profiter des relations de sa belle-famille pour monter une entreprise autour des corps des anciens soldats. Il promet de mettre en place des sépultures décentes pour ces victimes alors qu'il les case dans des cercueils trop petits...On ne peut être que bluffé par son immense cynisme, son sens de la répartie, son opportunisme. .. Mais, à l'instar des vilains que l'on peut trouver chez Balzac ou Zola, la chute n'est jamais loin.

    Face à lui, deux hommes qu'il a sacrifiés pour recevoir des décorations et le grade de capitaine: Albert Maillard, un "revenant" relativement lâche, qui n'assume jamais ses actions, vit dans la peur d'être découvert, et Edouard de Péricourt, un aristocrate brisé, dont le visage n'est plus qu'une immense béance.

    C'est Edouard qui va élaborer tout un stratagème pour arnaquer les mairies et les associations qui veulent honorer la mémoire des morts au combat. Et Albert, par reconnaissance et culpabilité, va le soutenir.

    On suit donc le destin de ces trois protagonistes dans une après-guerre où il se révèle bien difficile pour les anciens poilus de se réadapter à leur nouvelle vie et où la plupart peinent à retrouver leur place. Un paradoxe car si les vivants sont négligés, le culte autour des victimes de 14-18 bat son plein. Un culte dont vont profiter chacun à leur manière Pradelle, Maillard et Péricourt.

    J'ai également été frappée par la galerie des personnages secondaires: le père et la soeur d'Edouard, les associés de Pradelle...

    Néanmoins, Pierre Lemaître se révèle aussi très doué dans la construction du scénario. Les épisodes s'enchaînent sans temps mort (alors que le livre fait 567 pages). Certaines scènes frappent l'imagination du lecteur. Et je ne m'attendais pas forcément à ces dénouements.

    De même, j'ai été impressionnée par le travail de documentation qu' a dû fournir cet auteur. Il a su restituer l'atmosphère qui devait régner dans la France de l'entre-deux-guerres.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman dense, noir, cynique et parfois humoristique. Je ne suis pas passée loin du coup de cœur et je vous le recommande vivement.

    Je pense que je ne tarderai pas à me plonger dans Robe de marié ou Alex.

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Céline

    Albin Michel, 2013, 567 pages, 22,50 €

  • La Garçonnière de Hélène Grémillon

    La Garçonnière

    de

    Hélène Grémillon

     

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    "Lisandra était entrée dans la pièce les yeux rougis, gonflés d'avoir trop pleuré, titubante de chagrin, les seuls mots qu'elle avait prononcés étaient: "il ne m'aime plus", elle les avait répétés inlassablement, comme si son cerveau s'était arrêté, comme si sa bouche ne pouvait plus rien proférer d'autre: "il ne m'aime plus". "Lisandra je ne t'aime plus", avait-elle soudain articulé comme si ses mots à lui sortaient de sa bouche à elle, apprenant ainsi son prénom, j'en profitai pour m'immiscer dans sa tétanie"

    C'est ainsi que Vittorio, psy de son état, a rencontré pour la première fois Lisandra. Bouleversé par leur bref entretien, il a tout fait pour la retrouver. Ils se sont mariés.

    Et un soir, en rentrant du cinéma, il l'a découverte, morte, défenestrée.

    "Lisandra, je n'aurais jamais pensé parler d'elle au passé...."

    Très vite, la police est persuadée de sa culpabilité et le fait écrouer.

    Pour tenter de prouver son innocence, il doit recourir à l'aide d'une de ses anciennes patientes, Eva Maria.

     

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    J'avais beaucoup aimé le Confident, le premier ouvrage d'Hélène Grémillon. Aussi, quand Priceminister a proposé dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire la Garçonnière, je n'ai pas hésité longtemps avant de le demander.

    J'ai retrouvé avec plaisir la richesse de construction qui m'avait tant plu dans le Confident. Dans ce roman à tiroirs, les narrateurs se multiplient, les récits se font tantôt à la première personne, tantôt à la troisième, tantôt sous la forme de retranscriptions d'entretiens entre le psy et son patient....

    Tous ces éléments narratifs confèrent un formidable élan à l'intrigue. Les pages se tournent toutes seules et on arrive très rapidement au dénouement.

    Une des autres qualités de la Garçonnière réside dans la faculté d'Hélène Grémillon à semer le doute dans l'esprit de son lecteur. Ces personnages ne sont pas d'un bloc. Chacun dissimule des failles. Par conséquent, jusqu'au bout, on est jamais à l'abri de surprises les concernant et concernant l'identité du ou des coupables.

    A cette intrigue policière très bien ficelée s'ajoute une radioscopie de la société argentine en 1987. Après le coup d'état de 1976, de nombreuses personnes ont disparu. Les familles de ces desaparecidos, à l'instar d'Eva Maria, ont beaucoup de mal à se reconstruire. De même, certains enregistrements retranscrits par la patiente de Vittorio permettent de comprendre la position tant des bourreaux que des victimes.

    Ce roman évoque également le drame de la jalousie. Hélène Grémillon sait trouver les mots justes pour dire ce que peuvent ressentir certains conjoints.

    «Nul refuge temporel ne peut m'abriter. Je n'ai plus rien. Je voudrais rencontrer mon double pour lui parler et mon contraire, pour me distraire.»

    Quant au sens du titre, il ne survient que dans les dernières pages. Ce dénouement, je ne l'attendais pas du tout. Une fois encore, l'auteur démontre son talent à surprendre son lecteur par une fin implacable, de celles qui touchent et font réfléchir longtemps après.

    Bref, vous l'aurez compris: un roman que j'ai vraiment beaucoup aimé et que je vous recommande. Vivement le prochain!

    Flammarion, 2013, 357 pages, 20 €