Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

des romans français - Page 20

  • Autumn de Philippe Delerm

    Autumn

    de

    Philippe Delerm

    delerm_autumn.jpg

    "L'automne est descendu sur le parc de Cheyne Walk. Les arbres ne sont plus des arbres. Infinis dégradés de tous les ors, de tous les roux, de tous les flamboiements secrets gagnés par l'ombre et le poids du passé. Comme la toile peinte d'un théâtre, ils se confondent avec la fin du jour. Octobre, le mot est doux à boire et triste comme un vin de mort, si riche encore du parfum de la vie."

    7 octobre 1869: le peintre Dante Gabriel Rossetti observe l'automne de la fenêtre de sa demeure. Il sait que le soir-même deux de ses relations vont déterrer le cercueil d'Elizabeth Siddal, sa bien-aimée. Dans le cimetière d'Highgate, tout est silencieux quand Howell et Williams ouvrent la tombe. Dedans, repose miraculeusement conservée la muse de Rossetti. Et à ses côtés, le recueil inédit de poèmes du peintre...

    Puis, après cette scène éprouvante, nous replongeons dans l'Angleterre de 1850 à la rencontre d'un groupe de jeunes artistes, les Préraphaëlites.

    "Un groupe d'amis, soucieux d'aller en peinture dans la même direction, en accordant davantage au regard intérieur du peintre qu'à l'exactitude de la réalité, en attachant plus d'importance au naturel qu'à la reproduction figée d'une image conformiste."

    philippe_delerm_personnalite_une.jpg

    De Philippe Delerm, je n'avais lu pour l'instant que La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. Mais cela faisait longtemps que je voulais plonger dans ce roman autour d'un groupe d'artistes qui me fascinent. Je les ai découverts pour la première fois grâce à Jane Austen (la couverture de Persuasion).

    persuasion.jpg

    Malheureusement, je n'ai pas pu encore admirer en vrai leurs toiles car lors de mon dernier séjour à Londres en mai, elles avaient été envoyées pour une grande exposition à Tokyo. Du coup, cela me fera une bonne raison de retourner dans la capitale anglaise...

    Au fil de pages, le lecteur est invité à suivre la trajectoire de tous ces jeunes artistes: la première génération formée notamment de John Everett Millais, Dante Gabriel Rossetti, Walter Deverett, puis la seconde avec Burne-Jones et Morris.

    Ce voyage auprès des Préraphaëlites de 1850 à 1869 permet de croiser également les personnaités qui ont gravité autour d'eux, à l'instar de la muse Elizabeth Siddal, du critique John Ruskin, de Charles Dodgson (alias Lewis Carroll) qui les a immortalisés par la photographie.

    La structure narrative s'articule autour de courts chapitres, des sortes d'"instantanés" des moments fondateurs de ce mouvement. S'intercalent également de temps en temps des lettres d'Elizabeth...

    Siddal_photo4.jpg

    Elizabeth Siddal

    Dès le début de l'ouvrage, on assiste ainsi à une rencontre fondamentale, celle de Deverett et de Siddall. Deverett remarque cette ouvrière dans un magasin de mode et immédiatement,  sait que cette femme est "la vision qui venait incarner leurs rêves".

    "Elle semblait descendre d'un Moyen Age florentin pour habiter son rêve, avec une mélancolie blessée, mais cette inattendue sensualité de sa bouche un peu lourde, finement ourlée, fruit d'automne à la douceur offerte de virginité mystique. Dans ses cheveux dormaient toutes les flammes, tous les secrets d'une Italie brûlée de passions séculaires et dans la blancheur de sa peau tous les ailleurs du Nord"

    Quelques jours plus tard, Deverett présente Siddal au reste de ses amis lors d'une réunion pleine de dissensions. Dès le début, on sent que tous les membres ne partagent pas la même vision. Certains renoncent à l'art, d'autres préfèrent s'adonner au bonheur familial...

    portrait-of-john-everett-millais.jpg

    John Everett Millais

    rosseti.jpg

    Dante Gabriel Rossetti

     Mais l'introduction de Siddal dans le groupe va avoir un impact très fort sur deux des artistes: Millais et Rossetti. Millais va l'utiliser comme modèle pour un de ses tableaux les plus célèbres: Ophélie. Une oeuvre pour laquelle Elizabeth a dû poser pendant des heures dans une baignoire remplie, entourée de bougies.

    ophelia-millais.jpg

    Ophélie de  John Everett Millais

    La jeune femme va également entamer une relation passionnée avec Rossetti. Il va ainsi la représenter dans de nombreuses toiles sous les traits de la Béatrice de Dante. Ils s'installent ensemble avant de se marier des années plus tard, ce qui est immédiatement mal perçu par la famille du peintre et par la bonne société. Leur amour se révèle destructeur: Rossetti trompe la jeune femme, celle-ci se réfugie dans les opiacés. Et s'achève dans le drame avec le suicide de Lizzie au laudanum.

    beatrix-dante-gabriel-rosseti.jpg

    Beatrix de Dante Gabriel Rossetti

    D'autres modèles vont la remplacer auprès du peintre: Fanny Conforth et Jane Morris. Mais il conservera toujours une pièce qui lui est consacrée dans son domaine.

    De plus, une autre relation amoureuse qui a défrayé la chronique victorienne est explorée dans ce roman. Il s'agit du triangle formé par John Ruskin-Euphemia Ruskin-Millais. Je ne vous donnerai pas le dénouement, histoire de préserver le suspense.

    J'ai été très intéressée par tous ces éléments biographiques, disséminés sans jamais trop s'appesantir. On apprend beaucoup de détails sur le mouvement, leurs contemporains. Et on ressort avec l'envie d'admirer les tableaux.

    De même, j'ai  apprécié les réflexions sur la condition de l'artiste.

    Est-ce que le bonheur ne compromet pas le talent? Doit-il rester avant tout libre? constituent des questions soulevées par Delerm et évoquées par les peintres au fil de leur existence.

    Ce livre s'attarde aussi sur la place de la femme d'artiste et de la femme-modèle dans la société victorienne. Euphemia Ruskin, Elizabeth Siddal, Christina Rossetti, Jane Morris...en sont autant d'incarnations. On sent la difficulté d'exister face à de tels hommes. Et celle-pour Lizzie-de s'affirmer en tant que démiurge (seul Ruskin la soutient dans ses tentatives picturales)

    John_Ruskin_1850s_2.jpg

    John Ruskin

    On suit aussi les trajectoires de John Ruskin et de Charles Dodgson. Deux créateurs critiqués pour leur relation à l'enfance. Leurs rapports proches avec Rose et Alice ont été très commentés sous le règne de Victoria.

    En revanche, j'ai moins accroché avec le style. Autant j'ai été sensible au lyrisme de la description des paysages, autant certains passages m'ont semblé trop lents (je fais notamment référence aux monologues de Rossetti)

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup apprécié le sujet de ce roman, les considérations sur la condition d'artiste et de la femme à l'époque victorienne... Si vous cherchez à découvrir ou à approfondir votre connaissance des Préraphaëlites, n'hésitez pas à vous lancer dans cette lecture.

    Folio, 1999, 306 pages, 7,70 €

    Billet dans le cadre du challenge victorien

    challenge victorien.png

     

     

     

  • Accès direct à la plage de Jean-Philippe Blondel

    Accès direct à la plage

    de

    Jean-Philippe Blondel

    accès direct.jpg

    "Tous les matins, je passe devant le Club Mickey.

    Au Club Mickey, ils ont des balançoires, des toboggans, des monos bronzés en tee-shirt, et surtout, ils ont une piscine.

    Ma mère dit que c'est ridicule, une piscine au bord de la mer. Moi je ne trouve pas"

    Capbreton, 1972; Hyères, 1982; Perros-Guirec, 1992 et Arromanches, 2002: quatre destinations de vacances sur 30 ans. Quatre destinations qui vont bouleverser la vie de plusieurs familles et célibataires.

    jean-philippe blondel.jpeg

    J'ai découvert Jean-Philippe Blondel grâce à une collègue. Après Blog, je me suis lancée dans 06h41, un ouvrage qui fut un gros coup de coeur pour moi. Et le billet de Syl m'a donné très envie de me plonger dans le premier roman de cet auteur dont j'apprécie tant la petite musique.

    J'ai retrouvé le même schéma narratif que dans Blog et 06h41. Plusieurs voix se succèdent pour raconter leurs vacances et l'évolution de leurs destins. Certaines d'entre elles retentissent à plusieurs époques, d'autres s'éteignent trop vite.

    Mais je dois avouer que la multiplication de ces points de vue m'a un peu perdue. J'aurais préféré suivre quatre-cinq protagonistes sur trente ans. J'ai dû revenir plusieurs fois en arrière pour retrouver certains noms et bien établir les liens.

    Car il s'agit d'un roman doux-amer sur les liens qu'on peut tisser en vacances, sur ces rencontres déterminantes au bord de mer. Ces instants où tout bascule...

    "Ce à quoi j'ai échappé j'en pleurerais presque de gratitude.

    Juste parce que ce jour-là, il y'a eu une fuite d'eau, et qu'il a voulu venir voir ce que faisaient les ouvriers.

    Juste pour ça"

    C'est une thématique qui m'intéresse vivement. Et je trouve que Jean-Philippe Blondel a très bien su la traiter. De même, il souligne toutes les connexions qui existent entre ces gens qui se croisent sur plusieurs années et que, souvent, ils ignorent.

    Certains destins m'ont plus marquée émue que d'autres. Je fais notamment référence à celui de l'énigmatique Natacha. Ou à celui de Sabrina, si jeune, si confiante, si fière de sa récente transformation physique.

    De même, j'ai bien aimé l'idée de l'épilogue. Les voix s'éteignent et un peu comme dans un film, pendant le générique de fin, certains extraits d'articles, de lettres viennent éclairer les destins entrevus.

    Bref, vous l'aurez compris: un premier roman doux-amer qui m'a fait passer une agréable heure de lecture. Je pense d'ailleurs que je ne tarderai pas à me replonger dans un autre ouvrage de cet auteur qui sait si bien parler des choses de la vie.

    Pocket, 120 pages, 5,70 €

    Billet dans le cadre du challenge Cent pages

    Cent pages.jpg


  • La Petite fille de monsieur Linh

    La Petite fille de Monsieur Linh

    de

    Philippe Claudel

    petite fille de monsieur linh.jpg

    "C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est le seul à savoir qu'il s'appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui.

    Debout à la poupe du bateau, il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort."

    Monsieur Linh fuit un pays où il a vu mourir tous ses proches. Tous à l'exception d'une enfant de six semaines.

    "Le lait qu'il donne à l'enfant coule sur le bord de ses lèvres. Monsieur Linh n'a pas l'habitude encore. Il est maladroit. Mais la petite fille ne pleure pas. Elle retourne au sommeil, et lui, il revient vers l'horizon, l'écume du sillage et le lointain dans lequel, depuis bien longtemps déjà, il ne distingue plus rien"

    Puis, il arrive dans un pays nouveau, au milieu d'une centaine d'autres réfugiés. Commence alors pour lui et sa petite fille une nouvelle vie...Loin de leurs racines...

    philippe_claudel_personnalite_une.jpg

    J'avais adoré deux autres romans de Philippe Claudel: Les âmes grises et le Rapport de Brodeck. Aussi, quand nous avons décidé de nous lancer avec Bianca dans cette lecture commune, j'étais ravie de retrouver l'univers de cet écrivain.

    Ce récit s'apparente à un conte. Certes, il ne débute par la formule rituelle "il était une fois". Mais il revêt très vite une dimension intemporelle en raison de l'usage des articles indéfinis. Rien n'est jamais précisé. On reste toujours dans le flou concernant l'identité de l'entourage de Monsieur Linh: "des hommes". La ville qui accueille le réfugié ressemble à toutes les villes en bord de mer, avec ses villas proprettes, ses banlieues, son parc...

    Seuls se détachent les héros de l'histoire: Monsieur Linh, sa petite fille "Sang diû", "ce qui dans la langue du pays veut dire "Matin doux"" et Monsieur Bark.

    Trois personnages très forts: deux qui vivent dans la souffrance et doivent faire le deuil et un qui les apaise par son innocence.

    Ce roman aborde la thématique du déracinement et de l'exil. Monsieur Linh a dû fuir son pays et se retrouve propulsé dans un univers très différent. On sent qu'il a du mal à trouver ses repères. En témoignent certains moments tels que la première balade dans la rue, la visite médicale...

    Heureusement, sa rencontre avec Monsieur Bark va lui redonner le goût de la vie.

    Monsieur Bark est veuf depuis deux mois et tous les jours, il s'asseoit sur le banc où il avait l'habitude d'attendre son épouse, la propriétaire du manège.

    Entre ces deux solitaires que sépare l'obstacle de la langue va se nouer une très belle relation d'amitié. Certains passages de confessions m'ont beaucoup émue. Tout comme j'ai été très touchée par les chansons que Monsieur Linh entonne quand il sent son voisin au bord de la rupture.

    J'ai été de nouveau conquise par le style de Philippe Claudel. Simple, puissant, toujours juste...

    Les pages se sont enchaînées, jusqu'à la note ultime d'espoir. Et la surprise...Je ne vous en dirai pas plus car je ne veux pas gâcher le plaisir de votre lecture. Mais je ne m'attendais pas du tout à ce dénouement, en dépit des nombreux indices dissimulés au fil de l'intrigue.

    Bref, vous l'aurez compris: même s'il n' a pas été un coup de coeur comme les Ames grises ou le Rapport de Brodeck, je me suis laissée de nouveau embarquer dans le bel univers de cet écrivain français. Si vous cherchez un ouvrage optimiste, émouvant et qui fait réfléchir, alors La petite fille de Monsieur Linh est faite pour vous.

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Bianca.

    Le Livre de Poche, 2013, 183 pages, 5,60 €