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the frenchbooklover - Page 61

  • La Gueule du loup de Marion Brunet

    La Gueule du loup

    de

    Marion Brunet

     

    marion brunet, la gueule du loup, exprim', sarbacane, roman pour adolescents, roman initiatique, dans le désordre

    "Le ciel est boursouflé de nuages noirs. Torrentielle, la pluie cingle les arbres, les lianes, et le visage hagard des deux jeunes filles. La nuit les enroule, opaque, tandis qu'elles montent par le sentier boueux.

    Elles essaient de courir mais glissent, leurs jambes molles, affaiblies par la panique. Elles ne pensent plus. Terrifiées, elles grimpent maladroitement le long des talus du cimetière."

    Après le bac, Mathilde et Lou ont décidé de partir en vacances.

    "Une vraie pause avant la fac, Lou! On lâche les connards du lycée! Nous deux, en maillot sur une pirogue à balancier, au milieu d'un lagon de pub pour gel-douche!"

    Direction Madagascar, son soleil, sa végétation luxuriante, ses plages, sa faune sous-marine...

    Mais, bien vite, derrière cette image de carte postale, une autre réalité se fait jour. Au fil de leur périple, les deux amies découvrent la grande misère qui règne partout.

    Voyage initiatique donc...

    Qui bascule lorsque leur chemin croise celui du tatoué.

    "[Mathilde] ne devine pas qu'il existe [une autre sorte d'hommes]. Qui n'ont pas la douceur ou qui l'ont définitivement perdue. Qui blessent avec plaisir et n'en gardent aucun regret. Elle pense que ceux-là n'existent que dans les pays en guerre ou dans les livres, et elle n'a plus l'âge des contes de fées."

    Pourtant, ce tatoué là, mi-ogre, mi-loup, va se lancer à la poursuite de ses deux nouvelles proies.

    Et s'il les emmenait au bout de l'enfer?

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    Lors du salon du livre jeunesse de Montreuil, j'ai eu la chance de pouvoir me plonger dans le roman Dans le désordre de Marion Brunet, à paraître début janvier chez Sarbacane. Et je me suis prise une immense CLAQUE! De celles qui vous remuent, de celles qui vous tiennent éveillée jusqu'à trois heures du matin, de celles qui vous font pleurer, de celles qui vous indignent, de celles qui vous accompagnent longtemps...Bref, soyez certains que je vous reparlerai de ce titre qui comptera forcément en 2016!

    Sur ma lancée, j'ai décidé d'emprunter La gueule du loup dont j'avais entendu du bien.

    Dès les premières pages, on est immergés dans une ambiance digne d'un film d'horreur. Deux filles courent dans la pénombre, affolées...Et tentent désespérément d'échapper au loup qui les poursuit.

    Puis, fondu au noir et retour sur ce qui les a amenées dans cette situation.

    Pour nous conter le destin de ces jeunes femmes parties pour des vacances idylliques au bout du monde, l'auteur entremêle habilement plusieurs types de narrations.

    Une manière de mieux nous permettre de connaître Mathilde et Lou, de mieux percevoir leur évolution.

    Une manière aussi de faire monter habilement la tension. En effet, chaque chapitre débute par un discours en italique à la première personne du singulier. Une victime (dont on ignore pendant longtemps l'identité) nous parle de son bourreau et de sa captivité.

    Et si c'était l'une des deux bachelières?

    A ce schéma narratif fouillé s'ajoute un mélange des genres. Roman d'apprentissage, roman d'horreur, roman psychologique, thriller, conte, récit de voyage...constituent autant de qualificatifs qu'on pourrait donner à cet ouvrage.

    On est sans cesse surpris, bousculés, poussés hors de nos repères, à la manière des deux héroïnes.

    Ce qui rend cette lecture haletante, différente...

    Les pages se tournent toutes seules, tant on veut savoir, découvrir, fuir...

    Mais peut-on s'échapper de la gueule du loup? Et le faire sans abandonner un morceau de soi?

    Au milieu de cette course-poursuite effrénée, de ce basculement forcé dans l'âge adulte, émergent quelques ilots de pure poésie. Des morceaux de lumière, échappés du carnet rouge de Mathilde, et qui résistent à la noirceur implacable.

    "Nuits blanches d'ivresse somptueuse, rire en bouche, quand tu prends la vie dans le regard des autres"

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup aimé ce livre, à la fois complexe, dense et prenant. Le style de Marion Brunet accomplit décidément des merveilles et ce n'est pas la dernière fois que vous en entendrez parler ici.

    Sarbacane, collection Exprim', 2014, 229 pages

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La Sorcitresse de Philippe Arnaud

    La Sorcitresse

    de

    Philippe Arnaud

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    "Je me suis toujours dit que les parents devraient être punis quand ils donnent n'importe quel prénom à leur enfant. Pas une grosse punition, non: juste un truc du genre laver la vaisselle à perpétuité, histoire qu'ils n'oublient jamais leur erreur. Moi, ça fait bientôt dix ans que je dois répondre au pénible nom de Balthazar..."

    Balthazar, le héros de cette histoire, a été envoyé à "Deuxième Chance", une maison de redressement, surnommée par ses pensionnaires "Double-Peine".

    Après une première soirée en solitaire, il fait la connaissance de trois autres élèves: Romain, le Marseillais costaud; Timothée, le souffre-douleur et Charlotte, la si belle Charlotte qui invente son propre langage.

    Très vite, ces quatre là deviennent inséparables.

    A quatre, on est plus forts, on se serre les coudes, on se raconte tous les secrets de la terre et on est capables de tout affronter.

    Même l'"alternance" de leur maîtresse "bellifique"par cette infâme sorcitresse.

    Et si cette dernière fomentait un plan pour se débarrasser de sa rivale?

    Nos quatre amis décident de tout mettre en œuvre pour sauver leur professeur adoré.

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    Depuis les événements de vendredi, j'ai eu du mal à retrouver le chemin de la lecture. Trop d'images en tête, trop de doutes, trop de peurs aussi....

    Et puis j'ai ouvert la Sorcitresse et la magie a opéré. Je suis retournée dans ce pays béni de l'enfance, celui des romans d'aventures, des copains à la vie à la mort,de l'espoir en pagaille, de l'entraide, des bagarres dans la cour de l'école...

    Avec des accents à la Roald Dahl, Philippe Arnaud nous conte l'histoire de Balthazar et de sa bande. Une histoire sans doute de facture classique (un groupe d'amis lutte contre un méchant et essaie de déjouer ses projets ...)

    Mais quelle inventivité à partir de cette trame déjà lue autre part! Rien qu'en termes de langage. Jeu de mots, parenthèses toujours à bon escient, réflexions désopilantes et néologismes savoureux (par le truchement de Charlotte et de ses "horriblique", "atterement"...) émaillent ainsi la narration. Pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques!

    Et que dire de l'infâme sorcitresse? J'adore quand les méchants sont de vrais méchants, laids, qui puent et qui font un peu peur...Et là, c'est exactement le cas! Jugez plutôt d'après cette description.

    "Tim s'est fait pipi dessus rien qu'en la voyant. Elle trimballait des ongles de vingt centimètres, une peau toute ridée-avec des plissures par-dessus les rides-, et un nez crochu qui lui descendait jusque sous la bouche, avec des narines façon caverne. Quand elle souriait, ça puait dans toute la classe, un mélange de crotte de vieille chèvre puissance 10, de diarrhée humaine, de putois malade et de punaise écrasée. [...] Pour couronner le tout, elle n'avait que la peau sur les os. Le squelette apparaissait à travers. On aurait dit que c'était les orbites du crâne qui fixaient à travers."

    Par conséquent, on suit avec délectation les tribulations de Balthazar, Charlotte, Romain et Tim... Maintes épreuves attendent nos amis: maison hantée, cave, méchants surveillants...Mais rien ne semble les démotiver. Pour le plus grand plaisir du lecteur qui adore les voir tourner en ridicule les adultes.

    Bref, vous l'aurez compris: si vous cherchez une pilule de bonne humeur, ce livre est le remède parfait pour vous. N'hésitez pas à le prescrire à tous les enfants de 7 à 77 ans.

    Sarbacane, collection Pépix, 2015, 190 pages

     

     

     

  • Monsieur mon Amour

    Monsieur Mon Amour

    de

    Alexandra de Broca

    monsieur mon amour, alexandra de broca, albin michel, roman historique, princesse de lamballe, roman révolutionnaire, massacres de septembre, Révolution française, chute de l'Ancien régime, littérature française

    "Au citoyen Philippe d'Orléans

    Palais-Royal

    Pardonnez-moi de vous importuner à l'heure où Paris gronde et attend son rédempteur. Vous, peut-être? Cette lettre, je vous l'assure, pourrait être la dernière car je sens la mort approcher. Mais si la guillotine devait tarder, alors je m'engage à vous écrire jusqu'à ce que mon nom soit crié et mon funeste départ ordonné."

    Emmenée en même temps que la famille Royale au Temple, la princesse de Lamballe vient d'être séparée d'eux et conduite à la prison de la Force pour y attendre son jugement.

    Elle profite de ces quelques jours de sursis pour se livrer à une bouleversante confession. En quinze lettres, étalées du 21 août au 3 septembre 1792, elle ose enfin avouer son amour à Philippe d'Orléans et revient sur ses années en France, de son mariage aux dernières heures de la Monarchie.

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    J'avais beaucoup apprécié la Princesse effacée, le premier ouvrage d'Alexandra de Broca, consacré à Madame Royale. Aussi, lorsque j'ai appris qu'elle venait de publier un nouvel opus, cette fois-ci autour d'une des favorites de Marie-Antoinette, j'ai eu hâte de me plonger dedans.

    Dans ses Mémoires, Talleyrand mentionne la princesse de Lamballe parmi les femmes qui se"crurent successivement aimées par" [Philippe d'Orléans]. Et c'est cette phrase qui a inspiré l'auteure.

    En effet, elle a  imaginé une déclaration d'amour de cette femme, rédigée lors de ses derniers jours à la Prison de la Force.

    S'adressant à celui qui a toujours ignoré le secret de son cœur, elle décide de tout lui dire.

    Un schéma narratif très astucieux qui entremêle ainsi des aspects biographiques et romancés.

    On en apprend plus sur le destin de cette jeune aristocrate turinoise, mariée au fils du duc de Penthièvre et qui fut torturée par son mari lors de sa nuit de noces et tout le temps de leur union.

    Devenue veuve à dix-neuf ans, elle manque épouser le roi Louis XV mais une intrigue de la favorite, la duchesse du Barry, annule ce projet.

    Elle rencontre alors la Dauphine, Marie-Antoinette, et devient très vite sa favorite. Tout le monde se dispute ses faveurs. Mais sa santé fragile, son sérieux, son renoncement aux idylles et l'arrivée de la Polignac dans l'entourage de la nouvelle Reine la précipitent en disgrâce.

    Rentrée à Paris, la princesse fréquente les salons d'avant-garde, comme celui du duc d'Orléans et adhère aux franc-maçons.

    Puis, suite aux événements de 1789, elle revient en faveur et regagne une place de confiance auprès de Marie-Antoinette.

    Jusqu'à cette arrestation en août 1792...

    J'ai trouvé toute cette partie biographique très intéressante. Cette princesse a tour à tour été admirée pour sa vertu, conspuée pour sa place à la Cour et maudite pour ses relations soi disant amoureuses avec la Reine.

    Avec ce "je", Alexandra de Broca entend rétablir la vérité autour de cette figure historique.

    A t-elle raison? A t-elle tort? Difficile de se prononcer.

    Mais, ce qui est certain, c'est qu'à la lecture de ces pages, on ne peut que ressentir de la compassion pour cette femme dont la vie a été sacrifiée aux autres.

    J'ai beaucoup apprécié également la peinture de ce tournant, entre le chute de la Monarchie et les massacres de septembre. On comprend mieux l'atmosphère de chaos qui devait régner et cette peur qui devait étreindre les aristocrates enfermés.

    En revanche, j'ai eu du mal à adhérer à cette amour forcené pour le duc d'Orléans. Les élans passionnés qui retentissent dans chaque lettre ne m'ont pas convaincue. Comme si cela me paraissait impossible de croire à un lien entre ces deux personnalités si antagonistes.

    De même, je reprocherai le flou qui entoure certaines dates. Je comprends cette idée de mémoire labyrinthe et cette possibilité de se perdre entre certains événements. Cependant, dans le cas d'une biographie romancée comme ici, je m'attendais à plus de précision. Notamment au moment du voyage d'Angleterre relié à l'affaire du collier mais dont les dates ne m'ont pas semblé coïncider (1781 et 1785)

    Bref, vous l'aurez compris: Monsieur mon Amour constitue une œuvre intéressante sur le plan historique et elle met en lumière une personnalité jalousée et calomniée. Toutefois, je dois avouer que je n'ai pas toujours été captée par les accents romantiques et que je me suis égarée dans certains faits historiques.

    Albin Michel, 2014, 233 pages