Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

avis livre

  • Je suis leur silence

    Je suis leur silence

    de

    Jordi Lafebre

    Design sans titre_20250210_221430_0000 (1).png

    Sur les toits de Barcelone. Eva contemple la rue en bas avant de rentrer dans le cabinet de Llull, son confrère psychiatre. Elle doit suivre une séance avec lui pour retrouver sa licence. Il lui demande d'évoquer sa semaine. Nous découvrons ainsi ses sept derniers jours entre meurtre, menaces et enquête. 
     
    J'avais adoré Malgré tout, le précédent roman graphique de Jordi Lafebre. Je l'ai retrouvé avec bonheur pour ce nouvel opus aux allures de polar. 
     
    Un polar qui nous emmène sur les traces d'une grande famille exploitante de cava. Où richesse et secrets riment. Eva se retrouve à naviguer entre les différents meurtriers possibles. Quitte à se mettre en danger.
    Mais voilà ce polar n'est pas uniquement un polar dédié à résoudre une enquête, aussi palpitante soit elle. 
     
    C'est aussi une œuvre qui nous propose une héroïne pas  comme les autres. Lointaine cousine de Lisbeth Salander, Eva se débarrasse peu à peu de sa carapace. Afin de mieux laisser voir ses fêlures. Afin de parler aussi des voix qui l'accompagnent. Trois femmes de sa famille la suivent ainsi dans son quotidien. Ombres aimées qui la rassurent et la conseillent. Ombres protectrices qui donnent un ton parfois cocasse à l'intrigue. Et qui la rendent plus émouvante également.
     
    J'ai beaucoup aimé le choix narratif de cet entretien. Tout comme j'ai apprécié les tours que prenaient les investigations. Mélange de rebondissements, de violence plus ou moins larvée et de séquences comiques. 
     
    Même si mon cœur fleur bleue vouera toujours un culte à Malgré tout, quel bonheur que ce nouvel ouvrage de Jordi Lafebre. Il confirme tout son talent de scénariste et tout son art pour croquer des personnages hauts en couleur et des situations. 
     
    Bref, vous l'aurez compris: je ne peux que vous conseiller ce roman graphique.
     
    Dargaud, 2023, 112 pages
  • Absolution d'Alice McDermott

    Absolution

    d'Alice McDermott

    20241124_100408.jpg


     
    Deux femmes nous racontent et se racontent. Souvenirs de cette époque à Saigon au début des années 60 et de leurs après. 
     
    Il y a Patricia qui a suivi son mari. Elle appartient aux "épouses de", boit des cocktails dans les garden-party et s'ennuie dans cette vie qui ne lui convient guère.
    Il y a Rainey, petite fille alors. 
     
    Elles se racontent mais surtout, elles racontent Charlene. Leur amie et leur mère. Être fascinant qui fourmille de projets. Commerce de vêtements de poupée. Visites dans une léproserie.
    Autant de décisions et d'instants qui permettent de mieux appréhender ce que devait être l'atmosphère au Vietnam notamment du point de vue des expatriés.
     
    Je n'avais encore jamais lu de roman d'Alice McDermott. Et j'ai aimé son pacte narratif. Ce "je" des deux femmes. Le "je" de la confession. Le "je" du retour dans le passé. Avec le fil conducteur de la mémoire. Regards croisés sur leur réalité d'adulte et d'enfant. Flou de certains événements qui se sont dilués dans le temps. 
     
    J'ai été sensible également au style de cette autrice américaine. A la fois élégant, évocateur et qui sait saisir les mouvements de l'âme. Entre doutes, regrets, admiration, fêlures, remords, interrogations sur l'existence et sur leur environnement, deuils..
     
    Bref, vous l'aurez compris: une première découverte réussie de l'œuvre d'Alice Mc Dermott. Auriez vous d'autres titres d'elle à me conseiller ? 
     
    Traduit de l'anglais par Cécile Arnaud.
     

  • Mansfield Park de Jane Austen

    Mansfield Park

    de

    Jane Austen

    mansfield park, jane austen, fanny price, roman anglais, classique, littérature anglaise, avis livre, je lis jane austen, roman classique

    Une de mes intentions livresques de 2025 est de relire Jane Austen. En janvier, j'ai donc commencé par le titre que j'avais le moins aimé. Peut-être car je considère qu'il manque de rythme par rapport à Orgueil et préjugés. Peut-être aussi car je le juge résolument plus triste et plus moralisateur. 
     
    Ma relecture m'a confirmé qu'il ne ferait toujours pas partie de mes préférés de Jane. Néanmoins, je lui ai trouvé plus de qualités. 
     
    Fanny Price a été recueillie assez jeune par les Bertram à Mansfield Park. Elle a pu ainsi bénéficier d'une meilleure éducation que celle qu'elle aurait reçue chez elle et de meilleures conditions d'existence. Comme le lui rappelle souvent sa tante, l'horrible Mrs Norris. Elle a grandi avec ses quatre cousins et au fil des années, s'est rapprochée d'Edmund, le cadet.
    Surgissent un frère et une sœur, les Crawford. Au charme et à la séduction évidents. Et tout bascule. 
     
    Ce point de bascule est très bien montré dans le livre. Mary et Henry Crawford apparaissent comme des "tentateurs" qui aiment plaire et être aimés. Quitte à ne pas toujours suivre la ligne de conduite la plus exemplaire. Ces "méchants " vont donc servir de détonateurs et permettre à plusieurs des personnages de faire leur apprentissage. Un apprentissage parfois douloureux. 
     
    J'évoquais le rythme d'Orgueil et préjugés plus haut. Sur certains plans, Mansfield Park m'a semblé comme un miroir inversé de cet ouvrage. Dans la résolution de certains nœuds d'intrigue. Dans l'absence de rédemption pour un ou une protagoniste. Dans l'histoire d'amour aussi. Et puis, bien entendu avec la personnalité de l'héroïne. Une Fanny aux antipodes d'une Elizabeth. 
     
    Pour autant, Fanny se révèle attachante. Avec sa résilience. Avec ses intimes convictions. Avec sa rectitude comme baromètre. Avec sa fidélité aux sentiments et aux gens. Autre découverte pour moi lors de cette relecture : Sir Thomas. J'en gardais un souvenir tout autre et il m'a semblé très intéressant. Notamment lors de sa remise en cause. 
     
    Il y a moins d'humour et de vivacité dans Mansfield. Pourtant, l'ironie de Jane affleure toujours. Dans les descriptions de certains. A commencer par Mrs Norris et sa radinerie ou Rutsworth et sa garde-robe théâtrale. 
     
    De même, son ironie domine également dans certaines situations. La fameuse pièce par exemple. 
     
    Bref, vous l'aurez compris : même si je resterai définitivement hermétique au charme d'Edmund, j'ai pris plus de plaisir lors de cette seconde lecture que lors de ma première. La preuve que certains classiques gagnent à être relus. Privilège de l'âge et de l'expérience qui rendent sensible à d'autres éléments.
     
    Traduit par Pierre Goubert