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des romans français - Page 12

  • Dans le désordre de Marion Brunet

    Dans le désordre

    de

    Marion Brunet

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    "La rumeur est immense et fait vibrer Jeanne, comme un début de fièvre. Les frissons lui remontent le long du dos, griffent sa nuque. Quelque chose va se passer bientôt, quelque chose qui gronde et menace. Elle le sait, sûr et certain. Ça sent la rage et la sueur des énervés. Des filles frappent sur des rideaux en fer, en rythme, avec des morceaux de bois arrachés à une palissade: un tambour oppressant, le blam-blam-blam qui accélère lentement-une annonce. Le ciel s'est assombri, la nuit est proche, comme l'hiver."

    Dans le désordre d'une manifestation, Jeanne, Basile, Tonio, Marc, Lucie, Jules et Alison vont se rencontrer. Sept personnages aux destins bien différents qui vont décider d'emménager dans un squat et qui, au fil des mois, vont former une famille. De celle qu'on choisit et qui nous suit pour la vie.

    "Vivre en meute, avec les copains...Aucun d'entre eux n'a été préparé à cela: élevés dans le respect de la propriété, dans la peur des lois, dans l'idée de passer de seul à plusieurs c'est fonder une famille. Payer son loyer, travailler.  Et pourtant [...] ils n'attendaient que cela."

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    En décembre, je vous avais parlé d'un autre ouvrage de Marion Brunet, Dans la gueule du loup, qui m'avait fait passer un bon moment. Mais, déjà, je vous annonçais mon billet autour de ce livre qui m'avait tellement enthousiasmée.

    Quelques semaines après, je suis toujours K.O. Car Dans le désordre constitue un roman-uppercut. De ceux qui vous ébranlent. De ceux qui vous secouent. De ceux qui vous renversent sous le poids d'un trop plein d'émotions. De ceux qui vous accompagnent longtemps. De ceux qui vous révoltent.

    De révolte, il en est bien entendu beaucoup question. C'est dans la révolte que naissent les relations entre nos sept protagonistes. C'est la révolte qui leur sert de ferment de groupe. C'est la révolte qui les habite chaque jour, à des degrés plus ou moins élevés.

    Révolte contre les institutions/Révolte contre ce monde devenu fou.

    On assiste, page après page, à leurs combats quotidiens. On apprend beaucoup de choses sur ceux qui ont osé dire non (les événements au Chili en 1973). Et forcément, leur action questionne la nôtre.

    Cependant, cet ouvrage ne se résume pas seulement à cette dimension sociale et révolutionnaire. Je le définirai également comme une ode à la vie, dans toute sa beauté et sa cruauté.

    Cela tient sans doute à l'incroyable galerie de personnages que Marion Brunet a créée Il est parfois difficile de s'attacher aux protagonistes quand ils sont trop nombreux. Et là, l'auteur a su instaurer un équilibre entre chacune de leurs sept identités. On les voit tous évoluer avec intérêt, on rit avec eux, on se bat avec eux, on espère avec eux, on aime avec eux...

    Car Dans le désordre est aussi un immense cri d'amour.

    Un cri d'amour familial. Chacun a déjà ses propres mères, pères, frères, sœurs mais ils ne savent pas les apprécier comme il faut. Maladresse/décalage/pudeur/violence...Autant de raisons qui les poussent à aller planter leurs racines auprès d'autres. Qu'ils auront choisi. Et qui les feront se sentir bien. C'est beau d'assister à l'éclosion de ces liens entre nos sept. Jeanne/Basile/Tonio/Alison/Marc/Jules et Lucie: autant de branches sous lesquelles chercher refuge. Quand le monde va mal et vous malmène ou que, tout simplement, vous voulez fêter Noël.

    Et un cri d'amour tout court. Dans cette première manifestation, Jeanne et Basile se sont remarqués. Débute entre ces deux une valse-hésitation. Leur idylle donne lieu à des passages magnifiques sur la passion et le désir.

    Les pages se tournent toutes seules. Et au détour d'une ligne, Dans le désordre se métamorphose en grand roman du deuil. J'ai pleuré comme rarement car Marion Brunet sait parler avec beaucoup de retenue et de sensibilité de la perte. De l'absence. Du vide. Notamment lors d'une sorte de poésie païenne où le "tu" remplace le "il" ou "elle". Comme si elle voulait elle-même consoler ses êtres de papier.

    Devenus des êtres de chair, des personnes de notre entourage qu'on quitte à regret.

    Bref, vous l'aurez compris: Dans le désordre constitue un roman magnifique qui comptera forcément en 2016. J'espère que vous vous lancerez dans cette aventure livresque incroyable et que vous partagerez mon immense coup de cœur.

    Editions Sarbacane, collection Exprim', 2016, 251 pages

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  • Monsieur mon Amour

    Monsieur Mon Amour

    de

    Alexandra de Broca

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    "Au citoyen Philippe d'Orléans

    Palais-Royal

    Pardonnez-moi de vous importuner à l'heure où Paris gronde et attend son rédempteur. Vous, peut-être? Cette lettre, je vous l'assure, pourrait être la dernière car je sens la mort approcher. Mais si la guillotine devait tarder, alors je m'engage à vous écrire jusqu'à ce que mon nom soit crié et mon funeste départ ordonné."

    Emmenée en même temps que la famille Royale au Temple, la princesse de Lamballe vient d'être séparée d'eux et conduite à la prison de la Force pour y attendre son jugement.

    Elle profite de ces quelques jours de sursis pour se livrer à une bouleversante confession. En quinze lettres, étalées du 21 août au 3 septembre 1792, elle ose enfin avouer son amour à Philippe d'Orléans et revient sur ses années en France, de son mariage aux dernières heures de la Monarchie.

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    J'avais beaucoup apprécié la Princesse effacée, le premier ouvrage d'Alexandra de Broca, consacré à Madame Royale. Aussi, lorsque j'ai appris qu'elle venait de publier un nouvel opus, cette fois-ci autour d'une des favorites de Marie-Antoinette, j'ai eu hâte de me plonger dedans.

    Dans ses Mémoires, Talleyrand mentionne la princesse de Lamballe parmi les femmes qui se"crurent successivement aimées par" [Philippe d'Orléans]. Et c'est cette phrase qui a inspiré l'auteure.

    En effet, elle a  imaginé une déclaration d'amour de cette femme, rédigée lors de ses derniers jours à la Prison de la Force.

    S'adressant à celui qui a toujours ignoré le secret de son cœur, elle décide de tout lui dire.

    Un schéma narratif très astucieux qui entremêle ainsi des aspects biographiques et romancés.

    On en apprend plus sur le destin de cette jeune aristocrate turinoise, mariée au fils du duc de Penthièvre et qui fut torturée par son mari lors de sa nuit de noces et tout le temps de leur union.

    Devenue veuve à dix-neuf ans, elle manque épouser le roi Louis XV mais une intrigue de la favorite, la duchesse du Barry, annule ce projet.

    Elle rencontre alors la Dauphine, Marie-Antoinette, et devient très vite sa favorite. Tout le monde se dispute ses faveurs. Mais sa santé fragile, son sérieux, son renoncement aux idylles et l'arrivée de la Polignac dans l'entourage de la nouvelle Reine la précipitent en disgrâce.

    Rentrée à Paris, la princesse fréquente les salons d'avant-garde, comme celui du duc d'Orléans et adhère aux franc-maçons.

    Puis, suite aux événements de 1789, elle revient en faveur et regagne une place de confiance auprès de Marie-Antoinette.

    Jusqu'à cette arrestation en août 1792...

    J'ai trouvé toute cette partie biographique très intéressante. Cette princesse a tour à tour été admirée pour sa vertu, conspuée pour sa place à la Cour et maudite pour ses relations soi disant amoureuses avec la Reine.

    Avec ce "je", Alexandra de Broca entend rétablir la vérité autour de cette figure historique.

    A t-elle raison? A t-elle tort? Difficile de se prononcer.

    Mais, ce qui est certain, c'est qu'à la lecture de ces pages, on ne peut que ressentir de la compassion pour cette femme dont la vie a été sacrifiée aux autres.

    J'ai beaucoup apprécié également la peinture de ce tournant, entre le chute de la Monarchie et les massacres de septembre. On comprend mieux l'atmosphère de chaos qui devait régner et cette peur qui devait étreindre les aristocrates enfermés.

    En revanche, j'ai eu du mal à adhérer à cette amour forcené pour le duc d'Orléans. Les élans passionnés qui retentissent dans chaque lettre ne m'ont pas convaincue. Comme si cela me paraissait impossible de croire à un lien entre ces deux personnalités si antagonistes.

    De même, je reprocherai le flou qui entoure certaines dates. Je comprends cette idée de mémoire labyrinthe et cette possibilité de se perdre entre certains événements. Cependant, dans le cas d'une biographie romancée comme ici, je m'attendais à plus de précision. Notamment au moment du voyage d'Angleterre relié à l'affaire du collier mais dont les dates ne m'ont pas semblé coïncider (1781 et 1785)

    Bref, vous l'aurez compris: Monsieur mon Amour constitue une œuvre intéressante sur le plan historique et elle met en lumière une personnalité jalousée et calomniée. Toutefois, je dois avouer que je n'ai pas toujours été captée par les accents romantiques et que je me suis égarée dans certains faits historiques.

    Albin Michel, 2014, 233 pages

     

  • Lever de rideau sur Terezin

    Lever de rideau sur Terezin

    de

    Christophe Lambert

    lever de rideau sur terezin.jpg

    "Une nuit de novembre 1943

    "Ta passion pour le théâtre te perdra!"

    Victor Steiner avait entendu cette phrase durant son adolescence. C'était la prophétie de son père, un individu aussi grincheux qu'autoritaire. Chaque fois que le jeune Steiner osait parler de sa vocation à la maison, la voix du chef de famille tonnait, pareille à celle de Zeus en personne: "Mener une vie de saltimbanque, c'est ça que tu souhaites? Tu as songé aux fins de mois difficiles? Tu as envie d'habiter sous les toits, dans les chambres de bonne éclairées à la bougie? "[...] Et le sermon paternel se terminait invariablement par: "Ta passion pour le théâtre te perdra!""

    Novembre 1943, Victor Steiner, le célèbre dramaturge juif, quitte sa cachette parisienne pour assister à une représentation du Soulier de satin de Claudel. Mal lui en prend car, sur le chemin du retour, il est arrêté et déporté. Mais, grâce à sa notoriété, il est envoyé à Terezin, un camp spécial, conçu par les Nazis comme une vitrine. Une visite de contrôle de la Croix-rouge est d'ailleurs prévue dans les prochains mois.

    Et Steiner se voit assigner comme tâche de monter une pièce autour du Roi Soleil. Il hésite...Jusqu'à ce que la Résistance interne le convainque de la nécessité d'accepter. En effet, est prévue une évasion lors de cette représentation exceptionnelle.

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    Le camp de Terezin

    Parmi les œuvres qui ont compté cette année pour moi, figure Swing à Berlin. Aussi, j'ai été ravie de retrouver Christophe Lambert avec ce nouveau titre.

    Comme la Bérénice d'Isabelle Stibbe, Victor Steiner est habité par la passion du théâtre.

    "Le théâtre le nourrissait. Entendre les trois coups, sentir l'odeur des vieilles boiseries, regarder le rideau s'écarter, vibrer au jeu des acteurs, rire, pleurer, frémir...A ses yeux, rien ne pouvait remplacer cette farandole d'émotions. Les planches rendaient la vie plus belle, plus intense."

    A la sortie d'une représentation, il est arrêté et déporté.

    Direction Terezin...Un camp spécial, tout près de Prague, dont je n'avais jamais entendu parler. En quelques phrases et quelques scènes, une fois encore, le romancier parvient à nous plonger d'emblée dans l'horreur de ce camp-vitrine.

    Une vitrine pour dissimuler la barbarie/Une vitrine pour taire l'horreur

    Mais une vitrine où la violence est tout aussi présente

    Coups de feu/Têtes qui éclatent/Malades entassés dans des mouroirs/Convois qui partent sans cesse...

    Voilà le quotidien dans lequel se retrouve Victor Terezin. Comment imaginer qu'il puisse continuer à exercer son art? Surtout quand le papier sert à réchauffer...

    Cependant, sa renommée l'a précédé et, très vite, il est obligé d'écrire une pièce en cinq mois autour du Roi Soleil.

    D'où la question/fil rouge de cette œuvre: peut-on créer sous contrainte et dans un contexte de violence extrême?

    C'est passionnant d'assister à ce processus créatif.

    Balbutiement des débuts/Recherche d'inspiration/Trouvaille de l'idée locomotive/Ferveur de l'écriture

    "Il avait surnommé "idées-locomotives" ces graines suffisamment prometteuses pour laisser germer des histoires excitantes. Une fois "l'idée-locomotive" lancée dans son petit monde intérieur, plus rien ne pouvait l'arrêter. Elle était comme une voie ferrée, allant de l'avant coûte que coûte, traversant les continents, franchissant les précipices et forçant les montagnes."

    C'est d'autant plus passionnant que ce drame inventé de toutes pièces se fait l'écho de la vie réelle. Mise en abîme d'un auteur (Steiner) qui parle d'un autre auteur (Molière) obligé de changer sa pièce les Fâcheux pour complaire à la volonté royale.

    L'art contre le pouvoir ou l'art soumis au pouvoir?/ L'art libre ou l'art esclave?

    Autant de thèmes très forts qui sont traités tout au long de ces chapitres....

    Les pages se tournent, on est happés par ce bouillonnement intellectuel et artistique, on fait corps avec toutes ces réflexions, on espère que le héros va trouver des talents à la hauteur de ces mots.

    Comme si l'art nous éloignait de l'horreur de ce Terezin...

    Comme si seule comptait la représentation....

    Toutefois, l'art, comme nous le prouve Christophe Lambert, ne peut pas tout...

    Et, la réalité reprend ses droits...

    S'intercalent ainsi des passages sur le quotidien de tous ces hommes et femmes déportés. A la violence extrême de leur situation, ils opposent toute l'humanité dont ils sont capables.

    Des éclats de joie dans un océan de barbarie/ Des graines d'amour et d'amitié plantés un peu partout/Des poussées d'intelligence

    Face à l'horreur, tous ces êtres humais se révèlent et évoluent. Forcément. A l'instar de notre héros...

    Comment ne pas s'attacher dès lors à tous ces prisonniers? Comment ne pas espérer qu'ils s'échappent? Comment ne pas avoir peur pour eux? Comment ne pas pleurer pour certains?

    Bref, vous l'aurez compris: vous voici en face d'un beau roman, un roman vibrant, un roman sombre, un roman qui fait réfléchir, un roman qui nous apprend encore et encore à quel point l'art est nécessaire pour résister à toute oppression.  Et j'espère que vous partagerez ce coup de cœur.

    Bayard, 2015, 456 pages

     

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